Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 14/01/2021
M. Jean Louis Masson rappelle à M. le garde des sceaux, ministre de la justice les termes de sa question n°18326 posée le 22/10/2020 sous le titre : " Droit local et régime des cultes ", qui n'a pas obtenu de réponse à ce jour. Il s'étonne tout particulièrement de ce retard important et il souhaiterait qu'il lui indique les raisons d'une telle carence.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 18/03/2021
Au cours de l'examen du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, le Gouvernement avait déposé un amendement (n° 2531) prévoyant expressément à l'article 34 la possibilité pour le législateur d'aménager les dispositions législatives particulières propres à l'Alsace-Moselle. Il était en effet apparu nécessaire au Gouvernement de clarifier les conséquences que l'on peut tirer de la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, société SOMODIA. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a dégagé un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle selon lequel « tant qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent demeurer en vigueur ; qu'à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans les trois départements dont il s'agit ; que ce principe doit aussi être concilié avec les autres exigences constitutionnelles ». Cette décision n'a pas pour effet de donner un gage de constitutionnalité au droit local en vigueur. Le Conseil constitutionnel l'a bien précisé dans sa décision, le principe fondamental qu'il dégage « doit aussi être concilié avec les autres exigences constitutionnelles ». Cela signifie que le droit local actuellement en vigueur en Alsace-Moselle est soumis aux normes de rang constitutionnel et qu'il peut être censuré, soit à l'occasion d'un contrôle a priori (voir par exemple la décision n° 2000-434 DC du 20 juillet 2000, à propos de la loi sur la chasse), soit à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité (à l'instar de la décision QPC n° 2012-285 du 30 novembre 2012, concernant l'obligation d'affiliation à une corporation d'artisans). Ce droit spécifique ne peut donc être maintenu que pour autant qu'il est conforme à la Constitution. La notion d'adaptation, employée dans la décision du 5 août 2011 du Conseil constitutionnel, ne saurait se confondre avec celle d'extension du droit local. À titre d'illustration, on peut relever que le Conseil constitutionnel a déjà jugé que la modification du droit local, prévoyant des règles particulières applicables aux contrats d'assurance, était contraire à la Constitution (décision n° 2014-414 QPC du 26 septembre 2014). Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que l'aménagement, par la loi du 6 mai 1991, des dispositions de droit local issues de la loi du 30 mai 1908, avait pour effet d'accroître la différence de traitement résultant de l'application de règles particulières dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Il a estimé que cette différence accrue entre les dispositions législatives relatives au contrat d'assurance n'était justifiée ni par une différence de situation ni par un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet de la loi et qu'elle méconnaissait donc le principe d'égalité. Cela signifie que si le législateur ne peut étendre le champ d'application du droit local alsacien-mosellan, il peut en revanche en aménager les règles, pour les adapter lorsque cela apparaît justifié par les nécessités actuelles, ou bien décider d'abroger certaines dispositions de ce droit si nécessaire. Tel est bien le contenu et la portée de « l'aménagement » du droit local évoqué dans la décision SOMODIA de 2011, et que le Gouvernement souhaitait inscrire à l'article 34 de la Constitution. Il ne s'agissait pas de lui donner une acception différente de celle dégagée et encadrée par le juge constitutionnel. Cela est vrai tant pour les règles de droit civil comprises dans le droit local, que pour le régime des cultes en Alsace-Moselle, dont la conformité à la Constitution a été expressément consacrée par le Conseil constitutionnel (décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013). L'amendement déposé par le Gouvernement à l'occasion du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace se situait donc dans la continuité de la jurisprudence dégagée par le Conseil constitutionnel. L'amendement constitutionnel n'avait pas pour objet spécifique le droit local des cultes. L'avis de l'Observatoire de la laïcité n'était, en tout état de cause, pas obligatoire en vertu du décret n° 2007-425 du 25 mars 2007. Toutefois, le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace a finalement été abandonné par le Gouvernement au profit d'un nouveau projet de loi constitutionnelle pour un renouveau démocratique. Ce projet, tel que déposé à l'Assemblée nationale le 29 août 2019, n'a pas repris à son compte la modification de l'article 34 proposée par l'amendement n° 2531.
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