Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 14/01/2021
M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la suppression d'environ mille postes prévue au sein du groupe Thales en France.
Thales, groupe français dont l'État est actionnaire, prévoit la suppression d'environ mille postes sur plusieurs de ses sites français, et notamment sur les sites de Châtellerault et Pont-Audemer, bassins d'emplois déjà sinistrés. Ces suppressions interviennent à Pont-Audemer, dernier site européen de fabrication de cartes SIM, qui présente donc des enjeux de souveraineté conséquents, ainsi que dans le secteur de l'aéronautique pour Châtellerault.
La crise due à la pandémie de la Covid-19 a certes affecté le secteur de l'aéronautique, et notamment les sites de réparation comme Châtellerault, du fait de la réduction massive des vols. Cependant, le groupe Thales dans son ensemble n'est pas en difficulté, puisqu'il a dégagé une avance sur dividendes de 85 millions d'euros pour ses actionnaires et qu'il réalise des bénéfices.
En effet, le secteur de l'aéronautique ne compte que pour environ 10 % au sein du groupe, et les difficultés actuelles, conjoncturelles, sont largement compensées par les autres activités du groupe, notamment dans le secteur de la défense.
Le risque de perte de savoir-faire semble donc très dommageable, alors que le secteur de l'aéronautique souffre d'une crise liée à un contexte particulier, dont il est peu probable qu'elle ne s'installe. Une partie des emplois impactés concerne de plus des projets d'avenir qui ne sont nullement remis en question par la crise sanitaire et dont l'entreprise et le pays auront besoin pour assurer leur compétitivité à court, moyen et long termes.
Sont à ce sujet également à prendre en compte les inquiétudes des salariés quant à une éventuelle délocalisation à terme, le groupe ayant créé deux centres de compétence en ingénierie, en Inde et en Roumanie.
Il souhaite donc que le Gouvernement réponde à cette inquiétude des salariés, qui se demandent si la direction de Thales n'utiliserait pas le contexte de crise due à la pandémie de la Covid-19 dans le but de mettre en œuvre un plan de délocalisation et de rationalisation d'un secteur hautement stratégique pour la France dans le seul objectif d'assurer une rente actionnariale.
Il souhaite également savoir comment Thales, un groupe dont l'État est l'actionnaire majoritaire, qui bénéficie de 130 millions d'euros de crédit impôt recherche (CIR) par an, réalise des bénéfices, et verse des avances de dividendes à ses actionnaires en période de crise sanitaire, sociale et économique, peut décider de supprimer des postes, et quelle est la position de l'État sur cette question.
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Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de la relance publiée le 18/02/2021
L'auteur de la question appelle l'attention du ministre de l'économie, des finances et de la relance, sur la situation du Groupe Thales et de ses effectifs en France, en particulier à Châtellerault et Pont-Audemer. Le groupe Thales est, depuis plusieurs mois, confronté à la crise qui frappe le secteur aérien, avec par exemple un chiffre d'affaires au 3ème trimestre 2020 en recul de plus de 45 % dans l'aéronautique civile par rapport à l'année précédente. L'entreprise, à l'instar de toutes les sociétés du secteur, a donc dû, pour lui permettre de traverser au mieux cette crise, prendre des mesures d'adaptation au niveau d'activité significativement réduit actuellement constaté. Ces mesures sont difficiles, mais elles s'accompagnent de l'engagement de la société de ne procéder à aucun licenciement, et de mettre en place des mesures locales d'accompagnement. Il est, par exemple, prévu que Thales transfère sur le site de Châtellerault, mentionné dans la question, une ligne de réparation de pods militaires, permettant de sauver 70 emplois sur site. La disparition de plus de 1 000 postes en France au sein du groupe Thales est un événement significatif, mais la mise en uvre des dispositifs de soutien de la puissance publique, notamment l'APLD (activité partielle de longue durée), dont Thales a choisi de faire usage en accord avec les organisations syndicales du Groupe, et le soutien à la R&D aéronautique à travers le renforcement des moyens du CORAC (conseil pour la recherche aéronautique civile), ont effectivement permis de limiter significativement le nombre d'emplois supprimés, et d'éviter des situations de départs contraints. Le plan de soutien à la filière aéronautique, annoncé le 9 juin 2020, qui comprend entre autres les mesures mentionnées plus haut, vise à préserver l'outil industriel en France, pour une remontée en charge future de la filière aéronautique, et doit également permettre de reconstruire une filière industrielle plus verte et plus compétitive, génératrice d'activité économique dans nos territoires. Par ailleurs, il est évoqué la situation du site de Thales DIS France à Pont-Audemer, entré dans le périmètre du groupe depuis l'acquisition par ce dernier de Gemalto en 2019, et qui relève d'une problématique distincte de celle touchant le secteur aéronautique. Ce site est spécialisé dans la fabrication de cartes SIM physiques, activité désormais en déclin du fait de l'essor inéluctable d'une nouvelle technologie reposant sur une solution totalement dématérialisée, et d'une concurrence à très bas coût. Face à cette situation, le groupe Thales a engagé une démarche de gestion active des compétences et de l'emploi, afin de donner au personnel de ce site des perspectives d'évolution professionnelle. Les négociations avec les partenaires sociaux ont pris du retard du fait de la crise sanitaire, mais ont abouti à une diminution des effectifs de 70 personnes sur les 333 que compte le site, sans licenciement. Le Gouvernement est particulièrement attentif à la préservation de l'outil industriel en France. Le site de Pont-Audemer ne fait pas exception, et toutes les possibilités devront être explorées afin de maintenir, au-delà du plan actuel, sa vocation productive. À cet effet, le groupe Thales s'est notamment rapproché de la région Normandie en vue de poser les bases de ce projet d'avenir. Le Gouvernement sera très vigilant quant aux efforts que Thales mettra en uvre pour accompagner la décrue de ses activités historiques à Pont-Audemer. Enfin, l'État considère qu'il n'était pas opportun que les entreprises durement touchées par la crise versent en 2020 un acompte sur les dividendes au titre de 2021. C'est la position qui a été portée par l'État actionnaire au sein des instances de gouvernance dans lesquelles il est représenté.
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