Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 14/01/2021
M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes sur le manque d'harmonisation de la fiscalité du tabac dans l'Union européenne.
Depuis de nombreuses années, les gouvernements français utilisent principalement l'augmentation des prix de vente comme levier de la lutte contre le tabagisme. Or cette politique, qui fait de la France le pays qui taxe le plus fortement les produits du tabac, a cependant pour victimes collatérales les buralistes dont le commerce est situé dans les zones frontalières, qui voient leur chiffre d'affaires s'effondrer.
Ainsi, le confinement et la fermeture des frontières dans le cadre de la lutte contre le coronavirus ont permis de chiffrer le niveau de transfert des ventes de tabac vers les pays frontaliers. Pour la période d'avril et mai 2020, en comparaison avec la même période en 2019, les ventes de tabac ont augmenté de 71 % en Ariège, de 52 % dans le Bas-Rhin ou encore de 49 % dans les Pyrénées-Atlantiques.
Il y a donc bien une concurrence déloyale entre pays quand les taxes fixées vont du simple ou triple selon le pays où l'on habite. L'ampleur de ce phénomène interpelle et devrait conduire les pouvoirs publics à lutter contre cette faille dans la politique fiscale concernant le tabac.
En conséquence il lui demande quelle action il entend entreprendre afin de rééquilibrer le marché européen et d'harmoniser la fiscalité du tabac dans les pays frontaliers.
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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics
Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance - Comptes publics publiée le 15/04/2021
Le Gouvernement a engagé une politique de santé publique ambitieuse en matière de lutte contre le tabagisme. Elle s'est traduite par une hausse régulière de la fiscalité sur les produits du tabac, adoptée par le Parlement fin 2017, qui s'est achevée en novembre 2020. Cette politique a conduit à un différentiel de prix avec les pays voisins de la France. Le phénomène d'achats transfrontaliers, dont l'ampleur a pu être mesurée lors du premier confinement et de la fermeture des frontières intra-européennes, ainsi que la multiplication des réseaux de contrebande pénalisent la politique française de santé publique, génèrent des pertes de recettes fiscales et impactent négativement le chiffre d'affaires des buralistes français, alors que ces derniers assurent une mission essentielle de commerçants de proximité. Dans ce contexte, le Gouvernement a souhaité que de nouvelles mesures soient rapidement adoptées. La loi de finances rectificative du 30 juillet 2020 a ainsi modifié, à son article 51, les seuils de présomption de détention de tabacs manufacturés à des fins commerciales, prévus à l'article 575 I du code général des impôts (CGI). Ces seuils sont désormais abaissés à deux cents cigarettes, cent cigarillos, cinquante cigares et deux cent cinquante grammes de tabac à fumer. Par cette mesure, la France entend peser dans les négociations européennes afin d'introduire des limites quantitatives impératives de transport de tabacs manufacturés par les particuliers entre États membres, et d'harmoniser par le haut la fiscalité sur les tabacs, dans le cadre de la révision en 2021 de l'article 32 de la directive 2008/118/CE relative au régime général d'accise et de la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011 concernant la structure et les taux des accises applicables aux tabacs manufacturés. D'ores et déjà, les efforts déployés afin de faire entendre ces arguments commencent à porter leurs fruits. À l'occasion de la publication le 10 février 2020 de son évaluation de l'efficacité de la directive 2011/64/UE, la Commission européenne a ainsi rappelé que celle-ci visait à « garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et, dans le même temps, un niveau élevé de protection de la santé, ainsi qu'à lutter contre la fraude et l'évasion fiscales et contre les achats transfrontaliers illégaux. » Elle a néanmoins déclaré que « l'impact de la directive sur la santé publique » avait été « modéré » et que « le niveau du commerce illicite des cigarettes et du tabac fine coupe » demeurait « un défi sur les plans du contrôle de l'application, de la perte de recettes et de l'impact sur la prévalence du tabagisme ». Selon la Commission européenne, « il est nécessaire d'adopter une approche plus globale, tenant compte de tous les aspects de la lutte contre le tabagisme, y compris la santé publique, la fiscalité, la lutte contre le commerce illicite et les préoccupations environnementales. Une plus grande cohérence est également nécessaire eu égard au programme de l'UE dans le domaine de la lutte contre le cancer. » Par ailleurs, les services douaniers sont pleinement mobilisés pour faire respecter les quantités maximales autorisées pour le transport de tabac par des particuliers et lutter contre la contrebande de produits du tabac. Les nombreux contrôles menés s'inscrivent dans le plan de renforcement de la lutte contre le commerce illicite du tabac décidé en 2018. Celui-ci a conduit à intensifier les contrôles mis en uvre par les services douaniers sur l'ensemble des vecteurs de contrebande de tabacs, dont les autocars, le fret express, mais également la vente à la sauvette. Dans ce cadre, des contrôles renforcés sont menés dans les zones frontalières et dans les zones urbaines, sur des lieux de vente de cigarettes préalablement identifiés. Des actions de contrôles conjoints douane-police et douane-gendarmerie sont ainsi proposées localement aux préfets. Un nouveau « plan tabacs 2020-2021 » visant à lutter contre les trafics de cigarettes a enfin été mis en place par les services douaniers. Il vient renforcer l'action de la douane en matière de renseignement, de ciblage des contrôles et de coopération interministérielle.
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