Question de M. DALLIER Philippe (Seine-Saint-Denis - Les Républicains) publiée le 14/01/2021

M. Philippe Dallier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la ratification implicite de travaux effectués sans autorisation.
L'article 25 b de la loi du 10 juillet 1965 prévoit l'obligation, pour un copropriétaire, de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale pour « des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci ».
La jurisprudence admet que cette autorisation peut être accordée a posteriori. Cette autorisation a posteriori, également appelée « ratification », « régularisation » ou « entérinement » peut être accordée par l'assemblée générale soit de manière explicite, soit de manière implicite au travers du refus d'engager des poursuites contre le copropriétaire auteur des travaux. Le principe, posé par un arrêt de 2010 de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 9 juin 2010, n° 09-15.013), a été appliqué par de nombreux jugements ultérieurs de première instance ou d'appel (voir par exemple TGI Paris, 8e ch. 2e sect., 9 juin 2011, n° 10/02207, CA Lyon, 1re ch. civ. b, 15 mai 2012, n° 11/02651, TGI Toulouse, 1re ch. civ., 26 févr. 2015, n° 11/02724, CA Versailles, 22 sept. 2016, n° 15/07048, TGI Paris, réf., 15 nov. 2017, n° 17/58384).
Dans l'arrêt précité (Cass. 3e civ., 9 juin 2010, n° 09-15.013), la Cour de cassation admet le principe de ratification implicite mais le subordonne à « l'absence d'équivoque ». Elle renvoie toutefois la caractérisation de cette notion à l'appréciation souveraine des juges du fond.
Deux cas potentiels d'équivoque méritent d'être analysés.
En premier lieu, il y a lieu de relever que l'action en justice doit être votée à la majorité simple de l'article 24 de la loi de 1965 et qu'une ratification expresse est, elle, soumise à des majorités plus contraignantes (articles 25, 25-1 ou 26). En conséquence, si l'action est justice est rejetée à la majorité de l'article 24 mais ne l'aurait pas été à celle des articles 25, 25-1 ou 26, il lui demande si le juge doit considérer que la situation est ambiguë et écarter la reconnaissance de la ratification implicite.
En second lieu, une autre difficulté juridique est susceptible de surgir lorsque les travaux concernent une partie commune spéciale. En effet, il est constant qu'en l'absence de syndicat secondaire, le syndicat des copropriétaires est la seule entité disposant de la qualité pour agir en justice ; en conséquence, tous les copropriétaires doivent participer au vote, même si l'action ne concerne qu'un seul bâtiment. Or, l'article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose, lui, que les décisions afférentes aux parties communes spéciales doivent être prises par les seuls copropriétaires à l'usage ou à l'utilité desquels sont affectées ces parties communes. En conséquence, si l'action en justice est repoussée à la majorité des copropriétaires mais ne l'aurait pas été à celle des copropriétaires de la partie commune spéciale, il lui demande si le juge doit, là aussi, considérer que la situation est équivoque et écarter ainsi toute ratification implicite.
Ces deux situations ne semblent pas avoir été tranchées par la jurisprudence. Or, ces asymétries de majorité sont susceptibles de créer, au sein des assemblées générales concernées, une grande insécurité juridique, source de tensions.
Il lui est donc demandé de bien vouloir clarifier les règles applicables à la ratification implicite et, le cas échéant, de proposer une modification de la loi du 10 juillet 1965. Compte tenu de la complexité et des enjeux du sujet soulevé, il paraît en effet difficile de s'en remettre, sur ce point, à l'appréciation souveraine des juges du fond.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/07/2021

Les travaux qui « affectent les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble » au sens de l'article 25, b) de la loi du 10 juillet 1965 ne peuvent être librement entrepris par un copropriétaire. Le législateur a organisé une procédure d'approbation préalable destinée à vérifier que les installations projetées sont compatibles avec la destination de l'immeuble et ne portent pas atteinte aux droits des autres copropriétaires. Les travaux doivent ainsi faire l'objet d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires. L'article 25, b), de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que l'autorisation de travaux « affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble » doit, pour être accordée, recueillir la majorité des voix de tous les copropriétaires, c'est-à-dire la majorité absolue. L'article 25-1 de la loi 10 juillet 1965 permet, dans les conditions qu'il précise, de décider à la majorité relative de l'article 24 au cours d'un second scrutin lors de la même assemblée. La seule majorité de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 n'est plus suffisante lorsque les travaux envisagés ne se limitent pas à « affecter les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble », mais aboutissent matériellement à une véritable et définitive appropriation d'une partie commune ou s'avèrent contraires aux prescriptions du règlement de copropriété. En pareilles éventualités, l'autorisation de l'assemblée générale n'est acquise qu'à la double majorité prévue à l'article 26 de la loi. Il est de jurisprudence constante que les travaux exécutés sans autorisation de l'assemblée générale sont irréguliers (Cass. 3e civ., 18 juin 1975, 74-10.297 ; Cass. 3e civ., 2 mars 2005, 03-20.889). Les juges admettent toutefois que des travaux irréguliers, engagés sans autorisation préalable, peuvent être ratifiés par une décision ultérieure de l'assemblée générale, prise en connaissance de cause, à la majorité requise pour autoriser les travaux (Cass. 3e civ., 20 mars 2002, 00-17.751). Il est également admis que cette ratification puisse être implicite et se déduire, notamment, d'une décision de l'assemblée générale des copropriétaires refusant d'engager des poursuites contre le copropriétaire fautif aux fins de remise en état. Toutefois, la ratification implicite des travaux litigieux suppose, en toute hypothèse, l'absence d'équivoque, notion relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. 3e civ., 9 juin 2010, 09-15.013). A cet égard, pour caractériser l'absence d'équivoque de la ratification implicite, les juges du fond ne se limitent pas à relever qu'une assemblée générale de copropriétaires a rejeté à la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 la décision d'habiliter le syndic à agir en justice contre le copropriétaire fautif, alors qu'une autorisation ou une ratification expresse des travaux litigieux supposait une majorité différente, mais apprécient l'ensemble des élément factuels venant en renfort de cette décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif. A titre d'exemple, dans l'espèce qui avait été soumise à la Cour de cassation ayant donné lieu à l'arrêt du 9 juin 2010 susmentionné, la ratification implicite n'a pas été retenue alors que la décision de ne pas exercer de poursuites contre le copropriétaire fautif avait été prise à plus de 90 % des voix, au vu d'autres éléments factuels excluant l'absence d'équivoque quant à la volonté des copropriétaires de ratifier les travaux litigieux. De la même manière, dans l'hypothèse où la décision d'habiliter le syndic à agir en justice contre le copropriétaire fautif est rejetée à la majorité de l'article 24 mais ne l'aurait pas nécessairement été à la majorité des copropriétaires de la partie commune spéciale concernée par les travaux litigieux en vertu de l'article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965, la condition d'absence d'équivoque est appréciée souverainement par les juges du fond, tant au regard des conditions de vote de la décision de ne pas exercer de poursuite contre le copropriétaire fautif que d'autres éléments factuels venant le cas échéant en renfort de cette décision. Ainsi, il ne semble pas que les asymétries soulevées soient susceptibles de créer une insécurité juridique puisque la jurisprudence ne déduit pas systématiquement la ratification implicite de la seule décision de ne pas exercer de poursuite contre le copropriétaire fautif. Au contraire, confier à l'appréciation souveraine des juges du fond la notion « d'absence d'équivoque » permet une lecture fine de chaque cas d'espèce qui revêt ses spécificités factuelles propres.   

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