N° 271
SÉNAT
SESSION
ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la
séance du 17 mars 1999
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE
L'ARTICLE 73
BIS
DU RÈGLEMENT,
sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme d'intérêts à l'intérieur de la Communauté (n° E-1105),
PRÉSENTÉE
Par M. Bernard ANGELS,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Union européenne.
Mesdames, Messieurs,
La zone euro peut-elle faire
l'économie d'une harmonisation de sa fiscalité de
l'épargne ? Telle est la question que pose la proposition de
directive soumise par la Commission au Conseil le 20 mai 1998 et qui a
été transmise par le Gouvernement au Parlement dans le cadre de
l'article 88-4 le 23 juin dernier.
Cette proposition de directive
remplace la précédente proposition "
concernant un
régime commun de retenue à la source sur les
intérêts
" (COM (89) 60 final) qui avait
été présentée par la Commission en 1989 et que le
Conseil n'a jamais pu adopter.
La délégation du
Sénat pour l'Union européenne avait en son temps manifesté
le plus grand intérêt pour une réglementation
européenne de la fiscalité de l'épargne : elle avait
consacré trois conclusions qui allaient toutes dans le sens de la
nécessité technique et politique de procéder à
cette harmonisation
(1)
.
Cette question est redevenue
d'actualité.
Dans une tribune qu'ils ont signée ensemble
dans le journal " Le Monde " du 15 janvier 1999, les deux ministres
français et allemand des finances ont écrit : "
Il
importe pour le dynamisme de l'économie et la justice, de coordonner les
politiques fiscales en Europe. Notre but n'est ni d'uniformiser les
systèmes fiscaux nationaux, ni d'abandonner le principe de
souveraineté des Etats en matière de fiscalité. Toutefois,
il est inacceptable que certains facteurs de production (tel que le
travail) soient surtaxés pour compenser l'extrême mobilité
d'autres facteurs (le capital)...Nous devons nous mettre d'accord sur une
taxation minimale des revenus du capital
... Avec les
progrès de l'intégration européenne, il est tout naturel
qu'un nombre croissant de décisions soient prises à la
majorité qualifiée, notamment sur certaines questions
fiscales
".
Lors des 8èmes rencontres parlementaires
sur l'épargne qui se sont tenues à Paris, le 19 janvier dernier,
sur le thème de "
l'épargne dans l'ère de
l'Euro
", le commissaire européen Mario Monti,
déclarait : "
Le marché unique ne doit pas
être un marché pour les fraudeurs, comme il ne doit pas être
un espace libre pour les blanchisseurs de capitaux
".
Avant
de présenter la position de la délégation, il est
nécessaire de rappeler le contexte historique dans lequel intervient
cette proposition et de préciser les raisons qui militent en faveur de
cette coordination minimale de la fiscalité de l'épargne en
Europe.
I. LE CONTEXTE DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION
A. LA PRÉCÉDENTE TENTATIVE D'HARMONISATION FISCALE SUR L'ÉPARGNE
Une première proposition de directive, visant l'introduction d'un régime unique de retenue à la source sur l'ensemble du territoire de la Communauté, avait été présentée par la Commission le 12 mai 1989 afin d'accompagner la libéralisation totale des capitaux instaurée par la directive 88/361/CEE. Cette proposition n'a jamais recueilli l'unanimité du Conseil. Elle était accompagnée d'un second projet de directive concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs et de la taxe sur la valeur ajoutée, qui, lui non plus, n'a pu être adopté.
1. La proposition de directive COM (89) 60 concernant un régime commun de retenue à la source sur les intérêts.
Cette proposition de directive prévoyait tout d'abord
l'instauration par les Etats membres d'une retenue à la source au taux
minimum de 15 % applicable aux intérêts versés à
tous les résidents de la Communauté ;
la
création de l'espace financier unique au 1
er
juillet
1990 justifiait alors l'adoption d'un nouveau concept fiscal de
" résident communautaire "
. La Commission avait
à l'époque estimé que ce taux modéré
était proche de la moyenne communautaire de la retenue à la
source, comprise entre 0 et 35 % et donc susceptible de faire l'objet d'un
consensus entre les Etats.
La proposition comportait un certain nombre
d'exceptions.
Les Etats auraient pu ne pas percevoir de retenue
à la source sur leurs résidents lorsqu'ils auraient fait
fonctionner un régime de déclaration automatique par les banques
à l'administration fiscale
puisque, dans cette
hypothèse, le risque de fraude par non déclaration ou
sous-déclaration aurait été évité.
D'autre part,
les résidents de pays tiers auraient
été dispensés de la retenue à la source,
afin de préserver la position concurrentielle des places
financières de la Communauté.
Les Etats membres
auraient pu ne pas appliquer la retenue à la source à la petite
épargne non soumise à l'impôt sur le revenu
;
en effet, la Commission avait alors estimé que tous les efforts devaient
être faits dans la Communauté en faveur de l'épargne,
spécialement en faveur de l'épargne populaire.
Enfin,
la Commission avait également proposé que les Etats
membres puissent exonérer les emprunts internationaux (les
euro-obligations)
qui permettent aux grandes entreprises, aux
gouvernements et aux autres organismes du secteur public, de lever rapidement
et, à des conditions concurrentielles, des fonds importants. La
Commission justifiait alors son choix par la nécessité de ne pas
désavantager les grandes entreprises européennes par rapport
à leurs concurrentes américaines ou japonaises ; en
réalité, comme l'avait souligné à l'époque
le rapport de la délégation du Sénat, cette demande avait
été faite par les commissaires britanniques afin de
préserver le rôle de la place de Londres, qui s'était
déjà spécialisée dans ce type
d'émissions.
2. Le projet de directive visant à faciliter les échanges d'informations par modification de la directive 77-799 CEE concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs et de la taxe sur la valeur ajoutée
La proposition avait pour seul effet de
mettre un terme
aux situations dans lesquelles un échange d'informations est
refusé, sans que l'Etat membre qui l'a demandé puisse
connaître la raison exacte de ce refus
.
Elle ne
remettait donc pas en question la réglementation communautaire qui ne
fait pas obligation à une administration nationale de rechercher ou de
transmettre à celle d'un autre Etat membre des informations que la
pratique administrative de son pays ne l'autorise pas à recueillir ou
à utiliser pour ses propres besoins.
Elle se bornait ainsi au
fait que l'autorité compétente de l'Etat membre requis ne pouvait
pas se prévaloir du fait que sa pratique administrative ne l'autorise
pas à effectuer des recherches, ni à recueillir ou à
utiliser les informations demandées pour les besoins de
l'établissement correct des impôts dus par ses propres
résidents.
B. LA RELANCE DES NÉGOCIATIONS EN MATIÈRE D'HARMONISATION DE LA FISCALITÉ DE L'ÉPARGNE
En 1989, seuls deux Etats membres, le Luxembourg et le
Royaume-Uni, étaient particulièrement hostiles
au
projet de la Commission. A l'inverse, la France et les Pays-Bas estimaient
indispensables cette harmonisation de la fiscalité de l'épargne,
les Pays-Bas plaidant en outre en faveur d'un système de
déclaration obligatoire des revenus de l'épargne aux
autorités fiscales, comme il en existe aux Pays-Bas, en France, au
Danemark et en Espagne.
L'Allemagne estimait de son côté
que le projet était une base de discussion, mais sa position
était incertaine, puisque, après avoir mis en place un
système de retenue à la source de 10% sur les revenus de
l'épargne à compter du 1
er
janvier 1989, elle avait
finalement décidé d'en suspendre l'application à compter
du 1
er
juillet 1989.
Le débat sur
l'harmonisation fiscale européenne, et notamment de la fiscalité
de l'épargne, a resurgi avec la perspective de l'introduction de l'euro
qui rend plus urgente l'application de règles communes en matière
d'imposition de paiements transfrontaliers d'intérêts aux
particuliers,
afin de combattre les distorsions économiques
existant actuellement dans le marché intérieur.
Le Conseil a en effet estimé que, sans règles
communes, il reste possible d'échapper à l'impôt sur les
revenus des investissements transfrontaliers de l'épargne. Cette
situation, qui tend à affecter la correcte allocation des capitaux selon
des critères économiques rationnels, n'est pas tolérable
à l'heure où les Etats membres font preuve de rigueur
budgétaire et doivent respecter les critères du pacte de
stabilité et de croissance.
Il convient donc, de son
point de vue, de rééquilibrer l'impôt entre les
différents facteurs de production, afin, notamment, de soutenir la
création d'emplois en Europe.
C'est dans ce contexte
que, à l'initiative de la France, le processus politique de coordination
des politiques fiscales a été relancé en 1997
pour encourager un certain " civisme fiscal ". Un groupe de travail
ad hoc
du Conseil, chargé des questions fiscales, et auquel
participaient les commissaires à la fiscalité et la concurrence,
MM. Mario Monti et Karel van Miert, a préparé les travaux du
Conseil ECOFIN qui ont abouti à une nouvelle proposition de la
Commission.
La volonté politique du Conseil de lutter
contre la concurrence fiscale dommageable s'est d'abord
concrétisée dans la communication de la Commission du 5 novembre
1997
intitulée "
un ensemble de mesures pour lutter contre
la concurrence fiscale dommageable
", puis dans un code de bonne conduite
fiscale, qui a été adopté par le Conseil ECOFIN, le
1
er
décembre 1997, sous la forme d'un " paquet " de
mesures destinées à lutter contre la concurrence fiscale
déloyale.
Concernant le domaine de la fiscalité
de l'épargne, le Conseil ECOFIN du 1
er
décembre 1997 a
notamment fixé les principes qui devaient guider le travail de la
Commission
. En particulier, la proposition de directive doit se
limiter à l'épargne des non-résidents et peut
prévoir, dans un premier temps, de laisser le choix aux Etats membres
entre l'application d'une retenue à la source ou un échange
d'informations sur les revenus de l'épargne.
Ce choix
est celui de la " coexistence " entre les deux systèmes
d'imposition envisageables
; il est le résultat du
compromis proposé par la France, qui consiste à appliquer sur les
revenus de l'épargne une retenue à la source suffisamment
élevée (de l'ordre de 25 à 30 %) pour inciter à
recourir au système de déclaration. Les épargnants peuvent
imputer cette somme sur leur impôt final, à condition qu'ils
fournissent la preuve de son versement par un certificat délivré
par l'établissement de crédit ou l'administration de l'Etat
concerné.
Le Royaume-Uni, dans une déclaration
unilatérale annexée aux conclusions de la séance du
Conseil, a demandé que la directive ne s'applique pas aux
" eurobonds " et aux instruments similaires, et la France que
le taux de retenue à la source ne soit pas inférieur à
25 %. La délégation luxembourgeoise a estimé qu'une
telle directive devrait s'accompagner d'une directive sur la fiscalité
des entreprises. Enfin, les délégations belge, italienne et
portugaise ont déclaré qu'elles ne donneraient pas leur accord
à une directive sur les paiements d'intérêts et de
redevances entre entreprises avant l'adoption de la directive sur la
fiscalité de l'épargne.
C. LA NOUVELLE PROPOSITION DE LA COMMISSION
La proposition de directive du 20 mai 1998 prévoit
un minimum d'imposition des revenus de l'épargne
transfrontalière. Elle s'applique aux paiements d'intérêts
effectués dans la Communauté en faveur des personnes physiques
qui ont leur résidence fiscale dans un État membre
différent de celui où les intérêts sont
payés
. Elle propose en fait un système de coordination
souple afin de permettre une application effective de l'imposition.
Chaque État membre devra choisir entre :
-
soit
appliquer une retenue à la source d'au moins 20% sur ces paiements
d'intérêts pour les personnes physiques non résidentes qui
décident de garder l'anonymat vis-à-vis de l'administration
fiscale,
chaque État membre gardant la liberté
d'appliquer éventuellement un taux supérieur :
-
soit fournir des informations aux autres États membres sur les
intérêts versés aux personnes physiques résidentes
dans ces pays,
la fourniture des informations étant alors
automatique et ne pouvant s'effectuer de manière restreinte ou sous
conditions.
La mise en oeuvre effective de cette directive
repose sur les agents payeurs d'intérêts, c'est-à-dire les
banques ou tout opérateur économique responsable du paiement de
ces intérêts
. Ceux-ci devront soit fournir les
informations requises, soit opérer la retenue à la source. Les
États membres prendront les mesures nécessaires afin que les
agents établis sur leur territoire puisse exécuter les
tâches requises par cette directive.
Le particulier
pourra décider d'être imposé exclusivement dans son
État de résidence sur les intérêts de son
épargne placée dans un autre État membre ayant choisi
d'appliquer le régime de la retenue à la source
. Il
devra alors solliciter, auprès des autorités fiscales de son
État de résidence, un certificat qui autorisera
l'établissement bancaire où il a placé son épargne
à ne pas effectuer de prélèvement à la source.
Afin d'éviter une double imposition, l'État de
résidence fiscale du particulier sera tenu de prendre en compte, lorsque
cela sera le cas, la retenue à la source appliquée sur les
intérêts dans un autre État membre. En cas de
différence entre la retenue effectuée et le taux d'imposition,
celle-ci sera remboursée par l'État membre où est
établi l'agent payeur.
Cette proposition de directive ne
concerne que la fiscalité de l'épargne transfrontalière
des ressortissants de l'Union européenne et ne s'applique pas aux
ressortissants de pays tiers. De même, cette directive ne s'appliquera
que dans l'Union européenne
. Cependant, les États
membres qui ont des territoires dépendants ou associés, des
responsabilités particulières ou des prérogatives fiscales
à l'égard d'autres territoires devront les inciter à
instituer des dispositions équivalentes à celles définies
dans cette proposition.
Cette incitation devrait être
étendue aux pays tiers : la Communauté a engagé des
négociations avec ses principaux partenaires commerciaux parmi les pays
tiers afin que les agents payeurs établis dans ces pays assurent
l'application des principes
énoncés ci-dessus (retenue
à la source ou information aux États membres) vis-à-vis
des revenus de l'épargne payés à des résidents
fiscaux des États membres.
Un rapport de la Commission fera le
bilan de cette première directive trois ans après son
entrée en vigueur et il déterminera si des modifications devront
y être apportées afin d'en accroître l'efficacité.
II. POURQUOI FAUT-IL PROCÉDER MAINTENANT À UNE HARMONISATION DE LA FISCALITÉ DE L'ÉPARGNE EN EUROPE ?
A. LA SITUATION ACTUELLE EST MARQUÉE PAR UNE FORTE DISPARITÉ DES RÉGIMES NATIONAUX DE FISCALITÉ DE L'ÉPARGNE
Le tableau suivant montre l'ampleur des différences qui subsistent en matière de fiscalité de l'épargne entre les Etats membres.
TABLEAU SYNTHÉTIQUE DES TAUX D'IMPOSITION
ET DES EXONÉRATIONS (HORS SUISSE)
Etat |
Dividendes d'actions |
Intérêts d'obligations |
Plus-values de cession de valeurs mobilières |
Allemagne |
Résident et non-résident : retenue à la source 26,84 %. |
Résident : retenue à la source 32,25 %.
|
Résident et non-résident : exonération sauf plus-values spéculatives et de participations substantielles. |
Belgique |
Résident et non-résident : retenue à la source de 15,45 %. |
Idem dividendes. |
Résident et non-résident : exonération. |
Espagne |
Résident : retenue à la source non
libératoire de 25 % - avoir fiscal - imposition à l'impôt
sur le revenu (taux marginal 56 %) - relevé de coupon.
|
Résident : retenue à la source non
libératoire de 25 % - imposition à l'impôt sur le
revenu (taux marginal 56 %) - relevé de coupon.
|
Résident : taux d'imposition de 20 % si
détention supérieure à 2 ans.
|
France |
Résident : imposition à l'impôt sur le revenu
(taux marginal global 64 %), relevé de coupon.
|
Résident : prélèvement libératoire
global 25 %. Option pour l'impôt sur le revenu - relevé de coupon.
|
Résident : seuil de cession, taux d'imposition de 26 %.
|
Italie |
Résident : retenue à la source libératoire
de 12,5 % sur les dividendes d'actions cotées.
|
Résident : retenue à la source libératoire
de 12,5 %.
|
Résident et non-résident : taux d'imposition de 15 % sans prise en compte des moins-values. |
Luxembourg |
Résident et non-résident : retenue à la source de 12,5 %. |
Résident : imposition au barème progressif,
théorique en l'absence de relevé de coupon.
|
Résident et non-résident : exonération sauf plus-values spéculatives et plus-values de cessions de participations substantielles. |
Royaume-Uni |
Résident et non-résident : ACT de 17,25 % prélevé lors de la distribution. |
Résident : retenue de 20 %.
|
Résident : impôt au taux de 40 %,
exonération des titres d'Etat et TCN.
|
Source : Banque n° 593 - juin 1998
B. CETTE HARMONISATION EST NÉCESSAIRE AU STADE ACTUEL DE LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE
Plusieurs facteurs vont maintenant dans le sens d'une
coordination ou d'une harmonisation de la fiscalité de l'épargne.
Tout d'abord,
le processus de rapprochement des
fiscalités des Etats membres semble nécessaire pour
l'achèvement du marché unique
. D'autre part,
le
développement du volet économique de l'Union monétaire
repose sur le dossier de l'harmonisation fiscale, et notamment de la
fiscalité de l'épargne en raison des distorsions de concurrence
qui faussent les règles du marché
. Enfin,
le
passage à l'euro, en supprimant les risques de change, facilite les
transferts financiers et l'évasion fiscale
.
III. LA POSITION DE LA DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR L'UNION EUROPÉENNE
Une coordination des politiques fiscales des Etats en
matière de taxation des revenus de l'épargne répond
à une nécessité pour notre pays.
Dans un
marché intégré, le traitement des non-résidents
communautaires ne peut s'écarter trop sensiblement de celui des
résidents
, sauf à donner une prime en faveur, non pas
des Etats qui sont nécessairement les moins-disants sur le plan fiscal,
mais plutôt en faveur de ceux pour lesquels l'existence du secret
bancaire fait obstacle à la transmission d'informations aux autres Etats
membres.
Il est par conséquent dans
l'intérêt de la France de faire en sorte que cette proposition de
directive aboutisse puisqu'elle a pour objet de réduire l'évasion
et la fraude fiscale
. De ce point de vue,
les
négociations parallèles menées avec les pays tiers sont
nécessaires, mais ne doivent pas conditionner l'adoption de la
directive
qui doit aboutir le plus vite possible, à la fois
pour l'intérêt de notre pays et pour le succès de la
monnaie unique.
Le taux qui doit être recherché
doit plutôt l'être dans la fourchette supérieure
(de l'ordre de 25 % plutôt que 20 %) car un taux inférieur ou
égal à 20 % ne constitue pas véritablement une alternative
pour des pays à secret bancaire et un taux " zéro " est
en outre prévu dans le cas de fourniture d'informations sous forme de
certificats.
Il faut souligner, d'autre part, que
les
régimes de taxation étant toujours plus favorables pour les
non-résidents que pour les résidents, une réduction de
l'écart de taxation est un gage d'une fiscalité au total mieux
acceptée. Si une parfaite neutralité est impossible à
envisager, il est toutefois possible de s'en approcher avec un taux de retenue
à la source assez élevé
.
Les
euro-obligations devraient être incluses dans le champ de la
directive
comme le prévoit le mécanisme dit du
" gross-up " et l'existence d'une retenue calculée en amont
par l'établissement payeur. L'objection du Royaume-Uni peut être
levée, car, si l'activité de ce pays représente 60 % du
marché des euro-obligations, sa part qui est concernée, dans ce
marché, par la directive - c'est-à-dire celle des particuliers -,
n'est que de 20 %.
Il faut enfin souligner
qu'un échec
du Conseil sur cette proposition de directive serait un mauvais signal
politique pour les autres domaines de l'harmonisation fiscale, qu'il s'agisse
de l'impôt sur les sociétés ou de la TVA
. Dans ce
cas, il y aurait alors lieu de se poser la question de l'extension de la
règle de la majorité qualifiée en matière fiscale.
Le Conseil doit se saisir du premier rapport de la Commission
européenne sur les contacts qu'elle a établis avec cinq Etats
tiers (Suisse, Liechtenstein, Andorre, Monaco, Saint-Marin), lors de sa
prochaine réunion informelle de Dresde en avril prochain. L'adoption de
la directive n'est pas attendue avant la fin de la présidence allemande.
Il semble cependant souhaitable que le Sénat fasse
connaître sa position, avant cette échéance, sur la
question de la coordination de la politique fiscale de l'épargne en
Europe, dès lors que la présidence allemande a prévu de
rechercher un accord politique sur ce sujet
.
C'est pourquoi
j'ai l'honneur de vous proposer d'adopter la présente proposition de
résolution que la délégation du Sénat pour l'union
européenne m'a demandé de déposer en son nom.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu sur la proposition de directive du Conseil visant à garantir
un minimum d'imposition effective des revenus de l'épargne sous forme
d'intérêts à l'intérieur de la Communauté
(E 1105),
Considérant que cette proposition de directive
remplace la précédente proposition concernant un régime
commun de retenue à la source sur les intérêts (COM (89) 60
final) qui avait été présentée par la Commission en
1989 et que le Conseil n'a jamais pu adopter ;
Considérant
que l'introduction de l'euro et l'achèvement du marché unique
rendent plus urgente l'application de règles communes en matière
d'imposition des paiements d'intérêts versés, dans chaque
Etat membre, à des personnes physiques qui résident dans un autre
Etat membre ;
Considérant que, afin de remédier aux
distorsions fiscales qui faussent actuellement le fonctionnement du
marché intérieur des capitaux, la proposition de directive
prévoit un minimum d'imposition de ces revenus d'intérêts
transfrontaliers ;
Considérant qu'une coordination des
politiques fiscales des Etats en matière de taxation des revenus de
l'épargne répond à une nécessité pour la
construction européenne et permet également de réduire
l'évasion et la fraude fiscales ;
Considérant que le
rapprochement des fiscalités, en limitant la concurrence fiscale
dommageable, contribue à la lutte pour l'emploi ;
Considérant que la proposition s'applique aux paiements
d'intérêts effectués dans la Communauté en faveur
des personnes physiques ayant conservé l'anonymat, qui ont leur
résidence fiscale dans un État membre différent de celui
où les intérêts sont payés, et propose une
coordination souple afin de permettre une application effective de
l'imposition ;
Considérant que chaque État membre
devra choisir entre :
- soit appliquer une retenue à la source
d'au moins 20% sur ces paiements d'intérêts ;
- soit
fournir des informations aux autres États membres sur les
intérêts versés aux personnes physiques résidentes
dans ces pays, la fourniture des informations étant alors automatique et
ne pouvant s'effectuer de manière restreinte ou sous conditions ;
Estime que :
- les régimes de taxation étant
toujours plus favorables pour les non-résidents que pour les
résidents, une réduction de l'écart de taxation est un
gage d'une fiscalité au total mieux acceptée ;
- si
une parfaite neutralité est impossible à envisager, il est
toutefois possible de s'en approcher avec un taux de retenue à la source
assez élevé ;
- le taux qui doit être
recherché visant l'anonymat doit l'être dans la fourchette
supérieure (de l'ordre de 25 % plutôt que 20 %) car le taux
au niveau de 20 % ne constitue pas véritablement une alternative pour
des pays à secret bancaire et un taux " zéro " est en
outre prévu dans le cas de fourniture d'informations sous forme de
certificats ;
- les euro-obligations devraient être incluses
dans le champ de la directive comme le prévoit le mécanisme dit
du " gross-up " et l'existence d'une retenue calculée en amont
par l'établissement payeur ;
- il y a
nécessité de conclure des accords avec les pays tiers sans en
faire une condition préalable à l'adoption de la directive ;
Souligne qu'un succès du Conseil sur cette proposition de
directive serait un signal politique positif pour les autres domaines de
l'harmonisation fiscale, qu'il s'agisse de l'impôt sur les
sociétés ou de la TVA et pour le succès de l'euro.
(1) N° 182/87 du 21 octobre 1987 de M. Guy Cabanel relatives à la libération des mouvements de capitaux et l'intégration financière de la Communauté, n° 194/88 du 6 juillet 1988 de M. Josy Moinet, relatives à la libéralisation du secteur bancaire et n° 203/89 du 11 mai 1989 de M. Josy Moinet relative à l'harmonisation de la fiscalité de l'épargne