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N° 71
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 novembre 1996.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,
sur la proposition de la commission en vue d'un règlement du Conseil relatif au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations budgétaires, sur la proposition de règlement (CE) du Conseil visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (n° E-719)
et sur les propositions de règlements du Conseil sur l'introduction de l 'EURO (art. 109 1 (4) CE) et sur certaines dispositions y afférentes (art. 235 CE) (n° E-720).
par M. Xavier de VILLEPIN,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Finances du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement )
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les propositions de règlements du Conseil déposées par la commission européenne en vue « du renforcement de la surveillance et de la coordination des situations budgétaires » et « visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs » (E 719) ainsi que celles sur l'introduction de l'Euro (E 720) sont le résultat de l'accord intervenu entre les États au cours du Conseil européen de Madrid de décembre 1995 et du Conseil des ministres de l'économie et des finances qui s'est déroulé les 20 et 21 septembre 1996 à Dublin.
Ces propositions concernent :
- la mise en place d'un « pacte de stabilité budgétaire » en Europe ;
- la définition du statut juridique de la monnaie unique : l'Euro.
Avec la Communication de la commission européenne sur le nouveau mécanisme européen de change, ces dispositions forment le cadre technique et politique de la future monnaie unique.
Elles complètent et précisent les dispositions du Traité qui a été signé à Maastricht, le 7 février 1992 (notamment dans ses articles 103, 104 C, 109, 109K, 109 L, et 148).
I. LE PACTE DE STABILITÉ BUDGÉTAIRE
Le « pacte de stabilité budgétaire » fait l'objet de deux propositions de règlement du Conseil.
La première proposition porte sur un règlement relatif « au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations budgétaires » ; il est fondé sur l'article 103 paragraphe 5 du traité. Il définit ce qu'est un « programme de stabilité » . Il comprend comme objectif l'excédent ou l'équilibre des finances publiques des États membres, les variations conjoncturelles annuelles du déficit budgétaire ne pouvant excéder 3 % du PIB.
La seconde proposition porte sur un règlement du Conseil relatif à « l'accélération et à la clarification du déroulement de la procédure des déficits excessifs » . Elle est fondée sur l'article 104 C paragraphe 14 du traité.
Elle concerne les sanctions applicables aux États qui ne respecteront pas le critère d'équilibre des finances publiques. Elle fixe un délai de dix mois à chaque pays pour le rétablissement de ses comptes publics, faute de quoi le Conseil pourra, à la majorité pondérée des deux tiers des États participant à l'euro - la voix de l'État concerné n'étant pas prise en compte - infliger des sanctions à ce pays. La sanction comprendra un montant fixe égal à 0,2 % du PIB plus un dixième de l'écart entre le déficit réel et la valeur de référence maximale de 3 % fixée par le traité. La sanction sera néanmoins plafonnée a 0,5 % du PIB.
II LE CADRE JURIDIQUE DE L'UTILISATION DE L'EURO
La législation nouvelle proposée par la commission, outre une Communication du président et du commissaire compétent, s'appuie sur deux propositions de règlements du Conseil.
Le premier règlement porte sur la confirmation du nom de l'Euro à la place du terme générique d'« Écu » employé dans le traité, sur la date d'introduction des billets et pièces libellées en euro (1er janvier 2002 au plus tard), sur la continuité des contrats libellés en écus ou en monnaies nationales et sur l'équivalence entre l'Écu panier et l'Euro au taux de un pour un.
Ce règlement, qui est basé sur l'article 109 L du traité ne pourra s'appliquer qu'à compter de 1998 lorsque la liste des pays participant à la zone euro sera connue. Or il semble nécessaire, dès maintenant, d'établir la sécurité juridique pour les opérateurs du marché, bien avant l'entrée dans la troisième phase de l'Union Économique et Monétaire (UEM). C'est pourquoi un second règlement ayant le même objet que le premier, mais s'appuyant sur l'article 235 du traité, est proposé. On doit souligner le risque juridique possible depuis que la Cour de Justice des Communautés, dans son avis 2/94 du 28 mars 1996, a marqué les limites d'utilisation de l'article 235, qui ne peut ouvrir la voie à une modification du traité.
III. LE NOUVEAU MÉCANISME DE CHANGE DANS LA TROISIÈME PHASE DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE
La mise en place d'un nouveau système monétaire européen (SME), qui a été notamment demandé par la France, d'abord au Conseil européen de Madrid de décembre 1995, puis au Conseil des ministres de l'économie et des finances de Vérone des 12 et 13 avril 1995, est juridiquement possible sur la base de l'article 103 § 5 du traité. Mais pour l'heure la commission n'a présenté qu'une communication non assortie de proposition de législation formelle.
Ce nouveau SME serait le suivant :
- relations bilatérales entre l'euro et les monnaies des États membres non participants, l'euro étant le point d'ancrage du SME bis ;
- fixation des taux pivots et des marges de fluctuations dans le cadre d'une procédure commune associant le Conseil, les gouverneurs de la Banque centrale européenne et des banques centrales des États membres non participants ainsi que la commission.
Les marges de fluctuations seraient larges et l'intervention aux marges seraient automatiques entre la Banque centrale européenne ou les banques centrales concernées, sauf mise en péril de la stabilité des prix dans la zone Euro. On peut souligner la réticence de la Grande-Bretagne, dont l'accord est nécessaire pour toute législation formelle réglant les futures relations entre les pays « in » et les pays « out ».
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L'ensemble des quinze États membres de l'Union européenne participent aux négociations et à l'adoption, avant la fin de 1996, du pacte de stabilité budgétaire basé sur les articles 103, 104 C et 109 du traité de Maastricht. Mais les dispositions du traité précisées par les deux règlements ne s'appliqueront qu'aux États participants à la zone euro :
- au 1 er juillet 1998 pour les procédures de surveillance renforcées des déficits publics ;
- au 1 er janvier 1999 pour l'application des sanctions de la procédure des déficits excessifs.
Ces textes seront adoptés définitivement ou feront l'objet d'un accord politique lors du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement qui se réunira à Dublin les 13 et 14 décembre prochain. Pour préparer les travaux du Conseil européen, le Conseil des ministres de l'Économie et des Finances examinera le 11 novembre 1996 la Communication de la commission sur le nouveau système de change.
Le Conseil des ministres des finances examinera le 2 décembre les propositions de règlement sur le statut de l'euro et sur le pacte de stabilité financière, étant entendu qu'un des deux règlements concernant l'euro (celui basé sur l'article 109 L § 4) ne pourra être formellement adopté par le Conseil qu'à partir du moment où seront connus, en 1998, la liste des États faisant partie de la monnaie unique.
Ces propositions sont d'une importance capitale pour l'avenir, tant de la construction européenne que des économies des États membres. Il est évident que le Parlement français ne peut rester silencieux sur ces textes alors que nos États se trouvent à un tournant de leur destin. Il doit naturellement pouvoir se prononcer après avoir obtenu tous les éléments d information, qui doivent lui permettre d'éclairer les différents aspects d'une question particulièrement technique et complexe.
Les propositions de la commission européenne, aujourd'hui soumises au Parlement français dans le cadre de l'article 88 alinéa 4 de la Constitution, participent de l'esprit et de la lettre du traité de Maastricht. Elles soulèvent néanmoins des questions qui ne peuvent être ignorées du Parlement.
La proposition de règlement visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs prend certes en compte la possibilité d'un dépassement de la valeur de référence fixée pour le déficit public, dans l'hypothèse où ce dépassement résulterait « d'un événement inhabituel échappant au contrôle de l'État membre concerné et ayant une incidence considérable sur la situation financière de ses administrations publiques, ou s'il résulte d'une grave récession, en particulier lorsque la croissance annuelle réelle est significativement négative » . La France doit cependant être certaine de pouvoir mettre en oeuvre, en tant que de besoin et le moment venu, les mécanismes budgétaires appropriés pour faire face à cet événement inhabituel et ayant une incidence considérable sur la situation financière de ses administrations publiques.
Dans ces conditions, tout en approuvant les propositions de règlement du Conseil présentées par la commission européenne, il y a lieu d'inviter le gouvernement à rester attentif à la préservation des moyens budgétaires que les États se doivent de conserver face à la future Banque centrale européenne pour pouvoir répondre à un choc asymétrique.
Pour le texte fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'Euro, le recours à l'article 235 du traité, qui stipule que « si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l'un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d'action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées. » n'est pas sans risque juridique depuis que la Cour de Justice des Communautés européennes, dans son avis 2/94 du 28 mars 1996, a marqué les limites d'utilisation de l'article 235 qui ne peut ouvrir la voie à une modification du traité.
Le Gouvernement français doit s'assurer de la parfaite sécurité juridique du recours à l'article 235 car rien ne serait pire qu'une remise en cause ultérieure de ces dispositions à la suite d'un contentieux devant la Cour de Justice. Pour le cas où le recours à l'article 235 serait juridiquement incertain, il serait préférable de profiter de la conférence intergouvernementale en cours pour assurer l'incontestabilité juridique de ces dispositions.
Par ailleurs, la Communication de M. le Président de la commission européenne et de M. de Silguy sur « les procédures de convergence renforcées et nouveau mécanisme de change dans la troisième phase de l'Union Économique et Monétaire » du 16 octobre 1996, - qui n'a pas été transmise au Parlement français dans le cadre de l'article 88 alinéa 4 de la Constitution au motif que cette communication n'est pas accompagnée de proposition législative formelle -, est un élément essentiel du dispositif monétaire européen.
Il est indispensable, en effet, que les États membres de l'Union européenne qui ne participeront pas, au 1 er janvier 1999, à la zone de l'Euro, poursuivent, à compter de cette date, leurs efforts de convergence et de stabilité monétaire. La possibilité, pour ces États, de s'exonérer de la contrainte monétaire et de recourir à de nouvelles dévaluations compétitives ne pourrait que mettre en question le principe de la monnaie unique en Europe et la pérennité du grand marché intérieur. Les mesures du pacte de stabilité budgétaire en Europe et celles portant sur l'introduction de l'Euro ne peuvent dès lors être séparées des décisions relatives au nouveau mécanisme de change en Europe.
Enfin, la proposition de règlement visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs prévoit des sanctions financières à l'égard des États participant à la monnaie unique qui se refuseraient à corriger des déficits excessifs. Le texte précise que le produit de ces sanctions fait partie des ressources du budget général des Communautés européennes. Un tel mécanisme aurait pour résultat paradoxal de porter le produit de ces sanctions au bénéfice de tous les États membres, c'est-à-dire notamment au bénéfice de ceux qui ne seraient pas astreints au pacte de stabilité du fait qu'ils ne participeraient pas à la monnaie unique.
Dans ces conditions, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de vouloir bien adopter la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de la commission en vue d'un règlement du Conseil relatif au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations budgétaires et la proposition de règlement (CE) du Conseil visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (E.719),
Vu sur les propositions de règlements du Conseil fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro et concernant l'introduction de l'euro (E.720),
Vu la communication de la commission du 16 octobre 1996 relative au nouveau mécanisme de change,
Considérant que les propositions E 719 et E 720 ainsi que la communication de la commission visant à la mise en place d'un nouveau mécanisme de change répondent aux nécessités de la mise en place de la monnaie unique,
Considérant que la monnaie unique n'atteindra en effet les objectifs recherchés par le traité sur l'Union européenne que dans la mesure où elle assurera la stabilité monétaire non seulement dans les États membres participant à la monnaie unique, mais aussi dans ceux qui ne participeront pas à celle-ci dès le 1 er janvier 1999,
Considérant que le mécanisme de sanctions figurant dans le pacte de stabilité budgétaire, demandé à l'origine par la France, doit permettre d'atteindre cet objectif pour les pays participant à la monnaie unique,
Considérant que le nouveau mécanisme de change doit permettre d'atteindre cet objectif pour les pays qui ne participeront pas à la monnaie unique dès le 1 er janvier 1999,
Considérant toutefois que la France doit être certaine de pouvoir mettre en oeuvre, en tant que de besoin et le moment venu, les mécanismes budgétaires appropriés pour faire face à un événement inhabituel ayant une incidence considérable sur la situation financière de ses administrations publiques ;
Considérant qu'il y a lieu de vérifier que le recours à l'article 235 du traité, en particulier pour le remplacement de la référence à l'écu au sens de l'article 109 G du Traité par la référence à l'euro, ne présente aucun risque juridique compte tenu de l'avis 2/94 de la Cour de Justice des Communautés européennes du 28 mars 1996 ;
Considérant que les mesures du pacte de stabilité budgétaire en Europe et celles portant sur l'introduction de l'euro ne peuvent être séparées des décisions relatives au nouveau mécanisme de change en Europe ;
Considérant qu'il serait illogique que les amendes prévues par la procédure concernant les déficits excessifs soient versées au budget communautaire ; que cela aurait en effet pour conséquence de profiter indirectement aux pays qui ne seraient pas astreints au pacte de stabilité budgétaire du fait qu'ils ne participeraient pas à la monnaie unique ;
Demande au gouvernement :
- de veiller à ce que la France dispose des moyens nécessaires et suffisants pour remédier à une situation inhabituelle qui aurait une incidence considérable sur la situation financière de ses administrations publiques ,
- de vérifier que le remplacement de la référence à l'écu par la référence à l'euro, par le recours à l'article 235 du Traité, présente toutes les garanties de sécurité juridique ;
- d'obtenir la mise en place conjointe de l'ensemble des mesures nécessaires au bon fonctionnement de la monnaie unique, et notamment au nouveau mécanisme de change européen.
- de veiller à ce que le produit des amendes prévues par la procédure concernant les déficits excessifs ne puisse bénéficier aux pays qui ne sont pas astreints aux règles du pacte de stabilité budgétaire.