Disponible au format Acrobat (113 Koctets)
N° 460
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 juin 1996.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur une recommandation de la commission en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France. Application de l'article 104 C, paragraphe 7 du traité instituant la Communauté européenne (n° E-648),
par Mmes Hélène LUC, Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean- Luc BÉCART, Mme Danielle BIDARD-REYDET, M. Claude BILLARD, Mmes Nicole BORVO, Michelle DEMESSINE, M. Guy FISCHER, Mme Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM. Félix LEYZOUR, Paul LORIDANT, Louis MINETTI, Robert PAGÈS, Jack RALITE et Ivan RENAR,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Pour la troisième fois depuis octobre 1994, en application de l'article 104C paragraphe 7 du traité instituant la Communauté européenne, les commissaires européens proposent au Conseil l'adoption d'une recommandation invitant le gouvernement français à mettre un terme à la situation de déficit public excessif en France.
Les termes de la recommandation sont clairs : « afin que la France soit prête à Participer à la troisième phase de l'UEM, selon le calendrier et les modalités fixées dans le Traité (...), le Conseil recommande au gouvernement français de présenter avant la fin de l'année un nouveau programme de convergence couvrant 1997 et les années suivantes, et définissant des objectifs ambitieux en vue d'une réduction durable du déficit budgétaire ».
Cette injonction implique en particulier, « la réduction des dépenses de l'État en termes réels », « de comprimer rigoureusement les dépenses de l'administration centrale, notamment Pour compenser toute perte de recettes et pour réaliser l'objectif fixé en matière de déficit ».
Les sénateurs communistes et apparenté attachés au respect de la souveraineté nationale, rappellent que le principe de la république est: « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Ils se sont insurgés, dès la discussion du traité sur l'Union européenne, de la mise sous tutelle de l'économie française et de l'absence de tout contrôle parlementaire réel sur les décisions prises à Bruxelles.
Du fait de cette recommandation et de la logique qu'elle sous-tend, ce sont les traditions françaises du service public qui sont largement remises en cause par la généralisation du principe de libre-concurrence, malgré l'attachement proclamé, et si vite oublié, du Président de la République à la notion de « service public à la française ».
Ainsi, la commission de Bruxelles en s'appuyant en particulier sur l'article 90-3 du traité de Rome, a-t-elle imposé, à marches forcées, la déréglementation du secteur des télécommunications et contribue à la déstructuration des transports ferroviaires, des services Postaux et ouvre à la concurrence le service public de l'énergie.
Enfin, la commission se félicite de la réforme de la protection sociale imposée par le gouvernement sans réel débat parlementaire ni prise en compte des aspirations populaires exprimées au cours du mouvement de novembre-décembre 1995.
La proposition de recommandation précise: « le Conseil invite avec insistance le gouvernement français à veiller à ce que la réforme soit intégralement mise en oeuvre et à ce que les objectifs afférents à la croissance des dépenses de santé soient respectés ».
Qu'une telle réforme aboutisse à offrir à notre peuple un système d'accès aux soins au rabais, ne permettant pas à notre système de sécurité sociale de répondre à ses objectifs fondamentaux d'égalité entre tous les assurés, sans discrimination d'aucune nature, la commission n'en a cure.
La réduction des déficits publics prônée par Bruxelles est ainsi tournée vers les seuls besoins du marché financier et de la mise en place de l'UEM. Les besoins en matière de protection sociale, de services publics sont totalement exclus des considérations de la commission.
A fortiori, cette directive concernant également d'autres nations européennes, les autorités bruxelloises ne tiennent aucunement compte des fortes mobilisations des travailleurs européens, en particulier en Allemagne où le samedi 15 juin 1996 a été l'occasion du plus grand rassemblement depuis l'après-guerre pour dénoncer le plan d'austérité du chancelier KOHL visant à économiser 50 milliards de Deutsche Mark dans les finances publiques en 1997 et ce en vue de respecter les critères de convergence européens.
En outre, la commission européenne si prompte à inviter les États membres à réduire les dépenses publiques en réduisant les budgets sociaux, ne s'émeut pas des dizaines de milliards dilapidés par l'État au profit des entreprises sans contrôle quant à l'utilisation de ces sommes et sans résultat en terme de création d'emplois.
De même, alors que les États membres doivent mettre en oeuvre une rigueur budgétaire sévère à l'échelon national, l'examen des comptes de la commission met en lumière l'importance de leurs irrégularités et l'absence de transparence.
Sans revenir sur les critères de convergence et la recherche à tout prix de la rentabilité financière à court terme au détriment des investissements, sans remettre en cause la domination allemande sur l'Europe communautaire, il ne saurait être question d'une politique ambitieuse de création d'emplois.
Et ce d'autant plus qu'appliquer les mêmes critères de convergence à des pays structurellement aussi différents que l'Allemagne et le Portugal dont les niveaux de développement sont incomparables, pour ne citer que ces deux pays, conduit inévitablement à imposer une politique d'austérité, de régression salariale en Europe.
Au moment où se tient la Conférence de Florence, alors que la Conférence intergouvernementale poursuit ses travaux, dans le plus grand secret, il est plus que tant d'envisager une construction européenne soucieuse des intérêts des peuples européens qui, chaque jour davantage, expriment leur refus de voir se prolonger une politique économique porteuse de chômage et d'exclusion, au nom d'une Europe qui se construit sans eux et sans une véritable consultation de leurs représentants.
Pour ces raisons, nous vous proposons d'adopter la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
sur la recommandation de la commission en vue d'une recommandation du
Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public
excessif en France (n° E 648)
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la recommandation de la commission européenne en vue d'une recommandation du Conseil visant à ce que soit mis un terme à la situation de déficit public excessif en France (n° E 648),
Considérant que la commission souhaite, en application du Traité de Maastricht, placer sous sa tutelle l'économie française et la politique budgétaire de l'État en imposant une austérité renforcée,
Considérant que de telles orientations conduisent à remettre en cause les grands services publics des transports, de l'énergie, des postes et des télécommunications,
Considérant que la commission appuie une réforme de la protection sociale creusant les inégalités sociales et attaquant les principes de solidarité fondateurs de notre système de protection sociale,
Considérant que les objectifs prioritaires de la France, comme de l'Union européenne, doivent être la lutte contre le chômage et la réduction des inégalités et non la réalisation de la monnaie unique soumettant toujours plus les États et les peuples à la loi des marchés financiers,
Demande au Gouvernement de s'opposer à l'adoption de la recommandation n° E 648.