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N° 68

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1994-1995

Annexe au procès verbal de la séance du 10 novembre 1994.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT, sur la proposition de décision du Conseil approuvant la conclusion de la Convention sur la sûreté nucléaire par la Communauté européenne de l'énergie atomique (n° E-302),

par MM. Jacques GENTON, Yves GUÉNA et Xavier de VILLEPIN,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par te Règlement.)

Union européenne - Sûreté nucléaire.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La proposition d'acte communautaire n° E 302 qui vous est soumise vise à permettre à la Communauté européenne de l'énergie atomique de signer la Convention sur la sûreté nucléaire.

Cette Convention a été négociée à partir de 1991 sous les auspices de l'AIEA, l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique, et contient une disposition permettant à des organisations régionales d'être parties contractantes.

La Convention sur la sûreté nucléaire a trois objectifs :

- atteindre et maintenir un haut niveau de sûreté nucléaire dans le monde entier ;

- établir et maintenir des défenses efficaces dans les installations nucléaires contre les risques radiologiques potentiels ;

- prévenir les accidents ayant des conséquences radiologiques.

Pour atteindre ces objectifs, la Convention prévoit une série de dispositions qui concernent notamment la présentation de rapports, l'évaluation et la vérification de la sûreté, la radioprotection, la réparation pour les cas d'urgence, le choix des sites. En outre, les parties contractantes s'engagent à établir et à conserver un cadre législatif et réglementaire pour régir la sûreté des installations nucléaires.

On ne peut que se féliciter de la signature d'une telle Convention, dans la mesure où elle devrait permettre, par la mise en oeuvre de mécanismes incitatifs, des progrès de la sûreté nucléaire dans des pays où existent de graves insuffisances. La France, de même que les autres États membres de l'Union européenne sera naturellement partie contractante à la Convention.

En revanche, l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA) en tant que telle à cette Convention, pose deux problèmes graves.


• La CEEA a certes des compétences en matière de radioprotection, mais la sûreté nucléaire proprement dite relève des États membres. En fait, la CEEA n'est compétente que pour un nombre réduit de dispositions de la Convention de sûreté nucléaire. On peut craindre que son adhésion à cette Convention ne conduise subrepticement à une modification de la répartition des compétences entre Communauté et États membres. Cette crainte est confirmée par le projet de déclaration de la Communauté que la Commission européenne a annexé à la proposition de décision qui vous est soumise.

Dans ce projet de déclaration, la Commission européenne fait en effet valoir que la CEEA est compétente pour de multiples articles de la Convention et notamment pour ceux qui concernent le cadre législatif et réglementaire qui régira la sûreté des installations nucléaires, l'évaluation et la vérification de la sûreté, enfin le choix des sites, de la conception, la construction et l'exploitation des installations.

Or, la lecture du traité sur la CEEA montre que celle-ci, dans ces domaines, n'est compétente que pour ce qui concerne l'évaluation des incidences sanitaires des installations des États membres sur les individus et l'environnement.

C'est pourquoi, lors de la négociation de la Convention, la France s'était opposée à une participation pleine et entière de la Commission européenne. Celle-ci n'avait obtenu qu'un statut d'observateur.

Aussi ne peut-on que s'étonner de lire dans la proposition de décision qui vous est soumise que le groupe d'experts chargé de préparer le texte du projet de convention « s'est réuni à sept reprises avec la participation pleine et entière de représentants de la Commission ».


• Outre l'absence de réelles compétences d'Euratom en matière de sûreté nucléaire, un autre obstacle s'oppose à l'adhésion de la CEEA à la Convention.

La Convention sur la sûreté nucléaire a pour but de mettre en place des mécanismes incitatifs destinés à améliorer la sûreté dans les pays dont les installations sont les plus vétustes, et notamment dans les pays de l'Est. La participation de la CEEA, s'ajoutant à celle de l'ensemble des États membres et de nombreux pays occidentaux non membres, pourrait être perçue par les pays les plus concernés par les problèmes de sûreté nucléaire comme une manoeuvre visant à renforcer la représentation de certaines parties prenantes et ceci d'autant plus qu'Euratom n'aura, pour sa part, à rendre compte de la sûreté d'aucune installation.

*

* *

Pour ces raisons, il vous est demandé d'adopter la proposition de résolution suivante :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu la proposition d'acte communautaire n° E 302 ;

Considérant que la présente proposition d'acte communautaire a pour objectif de permettre l'adhésion de la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA) à la convention sur la sûreté nucléaire ;

Considérant que ladite Convention sur la sûreté nucléaire peut permettre des améliorations sensibles de la sécurité des installations nucléaires dans des pays où existent des insuffisances très graves ;

Considérant en revanche que la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA) n'a de compétences que pour un nombre réduit des dispositions de la convention ;

Considérant que l'ensemble des États membres de la CEEA ont manifesté leur intention d'adhérer à la Convention ;

Considérant que l'adhésion de la CEEA, parallèle à celle des États membres, pourrait être perçue par les pays les plus concernés par les problèmes de sûreté nucléaire comme une manoeuvre visant à renforcer la représentation de certaines parties prenantes ;

Considérant que l'adhésion de la CEEA à la Convention présenterait dans ces conditions de sérieux inconvénients pour un bénéfice non démontré ;

Invite le Gouvernement à s'opposer à l'adoption de la proposition d'acte communautaire n° E 302.

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