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N° 28

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1980-1981

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 octobre 1980.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête sur l 'utilisation des forces de police et les complicités dont bénéficient les mouvements se réclamant du nazisme à l' intérieur des services .

PRÉSENTÉE

Par Mme Hélène LUC, M. Charles LEDERMAN, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Danielle BIDARD, MM. Serge BOUCHENY, Raymond DUMONT, Jacques EBERHARD, Gérard EHLERS, Pierre GAMBOA, Jean GARCIA, Bernard HUGO (Yvelines), Paul JARGOT, Fernand LEFORT, Anicet LE PORS, James MARSON, Louis MINETTI, Jean OOGHE, Mme Rolande PERLICAN, MM. Marcel ROSETTE, Guy SCHMAUS, Camille VALLIN, Hector VIRON et Marcel GARGAR,

Sénateurs.

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(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale.)

Ordre public - Commissions d'enquête et de contrôle - Police - Racisme.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les mois qui viennent de s'écouler ont été marqués notamment par une recrudescence inquiétante des menées terroristes et particulièrement par des attentats revendiqués par des mouvements d'extrême droite.

En Italie, les fascistes ont tué une centaine de personnes en faisant exploser une bombe dans la gare de Bologne.

Récemment, un attentat commis par un membre d'une organisation nazie d'Allemagne de l'Ouest vient de faire douze victimes.

Cette série d'opérations criminelles a révélé à l'opinion tant mondiale que nationale que les mouvements d'extrême droite pouvaient tuer massivement et dans n'importe quel endroit, qu'ils disposaient d'organisations structurées et qu'ils entretenaient des contacts au niveau européen.

En effet, quelques jours après l'hécatombe de Bologne, les policiers italiens découvrent que l'inspecteur des Renseignements généraux français Paul Durand, membre connu de la direction de l'organisation néo-nazie F.A.N.E., a eu des contacts réguliers avec les principaux mouvements d'extrême droite coupables de nombreux attentats et suspectés d'être à l'origine de celui de Bologne.

La question de la pénétration de la police française par des éléments d'extrême droite liés au terrorisme était une fois de plus posée.

Après la nouvelle, le ministre de l'Intérieur décidait le 11 août 1980 de suspendre Durand pour activité illicite. Ceci permet de penser que, si le massacre de Bologne n'avait pas eu lieu, Durand, membre du bureau d'une organisation nazie, serait toujours en fonction dans la police.

La France n'est pas épargnée par cette vague de terrorisme et celui-ci s'est montré plus arrogant et aussi plus actif pendant la dernière période.

Ainsi, plus de 150 attentats ont été recensés dans les derniers mois. Des tombes, des synagogues, des monuments publics ont été profanés. Des personnalités ont été menacées de mort. Des militants d'organisations démocratiques, des immigrés ont été assassinés.

Aucune des poursuites engagées à la suite de ces attentats n'a, à ce jour, abouti ; aucune des organisations nazies n'a été démantelée conformément à la loi, si ce n'est la F.A.N.E. qui vient d'être dissoute après que l'opinion eut été informée de ses relations avec les tueurs de Bologne et alors que, depuis son existence, la presse démocratique avait multiplié les mises en garde et révélé ses activités.

Le Gouvernement porte la responsabilité de cette dissolution tardive.

Depuis celle-ci, l'organisation nazie s'est régulièrement reconstituée sous l'appellation Faisceaux nationalistes européens dont le siège est à la même adresse que l'organisation dissoute. Ceux-ci viennent de revendiquer les récents mitraillages des institutions juives. Pourtant aucune mesure n'a été prise à rencontre de cette « nouvelle » organisation et de ses membres. Certes des gardes à vue ont été décidées. Mais les résultats sont toujours les mêmes : les néo-nazis sont toujours relâchés, les auteurs de crimes et d'attentats ne sont jamais retrouvés.

L'absence de riposte judiciaire constitue évidemment une sorte d'encouragement à la poursuite de leurs « activités ».

Cette situation est anormale. Sans exagérer l'importance de ces organisations, il conviendrait cependant de prendre toutes les mesures nécessaires afin de les mettre hors d'état de nuire.

Or, il apparaît qu'à l'intérieur même de la police, il existe des obstacles à la nécessaire répression des menées racistes et antisémites.

Déjà, l'affaire de Broglie a révélé l'existence de policiers ayant des relations particulièrement étroites avec le milieu, l'ex-inspecteur Simonet, par exemple.

Un syndicat représentatif de la police nationale vient d'alerter les parlementaires sur la nature de ces obstacles.

Ce ne sont donc pas les policiers dans leur très grande masse qui sont en cause, mais les complicités intérieures à la police dont bénéficient les mouvements nazis dues à l'existence au sein même des forces de l'ordre de membres de ces organisations.

Nous avons rappelé l'exemple de l'ex-inspecteur Durand. Quand on connaît les conditions d'enquêtes préalables à la nomination de futurs fonctionnaires des renseignements généraux, il est impossible de croire que le pouvoir ne connaissait pas ses activités.

D'autres indices permettent de penser que l'absence de répression des organisations d'extrême droite, coupables d'attentats, n'est pas due à l'incompétence des policiers, mais bien à la volonté du pouvoir de laisser traîner la poursuite et ceci dans un but politique incontestable.

D'ailleurs la police semble trouver beaucoup plus facilement lorsqu'il s'agit des autonomistes corses ou bretons qui font usage de la violence, il en est de même du groupe terroriste « action directe ». Or, aucun groupe terroriste d'extrême droite n'a été, à ce jour, démantelé.

Enfin, les policiers républicains eux-mêmes dénoncent l'ambiance nazie qui règne dans certains milieux de la police. Ainsi, selon les propres termes d'une de leurs organisations syndicales, «certains hauts responsables qui ont commandement n'hésitent pas à proclamer leur admiration pour Hitler et les S.S., d'autres, officiers parfois, portent la croix gammée autour du cou. Dans une école de C.R.S., des chants nazis ont été appris aux élèves pour les faire défiler au pas ».

Une autre organisation syndicale, représentative des policiers en civil, a tenu à dénoncer de telles pratiques en affirmant que des policiers nazis « sont en poste (dans la police) et que l'un d'entre eux a même pu avoir accès aux dossiers de l'ensemble du personnel ».

Ces faits viennent d'être confirmés dans le dernier numéro de l'organe nazi Notre Europe qui était l'organe de la F.A.N.E. dissoute.

La police est donc actuellement détournée de sa mission de protection. C'est grave car c'est la sécurité, la liberté et même la vie des citoyens qui est en jeu.

C'est pourquoi, nous demandons que soit constituée une commission d'enquête qui examinerait les complicités dont bénéficient, à l'intérieur même de la police, les mouvements néo-nazis.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique.

Il est créé, conformément à l'article 11 du Règlement, une commission d'enquête de 21 membres sur l'utilisation des forces de police et les complicités dont bénéficient les mouvements se réclamant du nazisme à l'intérieur des services.

La Commission étudiera notamment les conditions dans lesquelles sont recrutés et formés les nouveaux policiers.

Elle présentera des propositions qui permettront aux forces de police de remplir leur mission de service public, de protection des personnes et des biens dans le respect des lois de la République.

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