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N° 482

SÉNAT

SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 1978-1979

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 30 juin 1979

Enregistrée à la présidence du Sénat le 12 septembre 1979.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d' une commission de contrôle sur le rôle et les missions des services de police,

PRÉSENTÉE

Par M. Charles LEDERMAN, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Danielle BIDARD-REYDET, MM. Serge BOUCHENY, Raymond DUMONT, Jacques EBERHARD, Gérard EHLERS, Pierre GAMBOA, Jean GARCIA, Bernard Michel HUGO, Paul JARGOT, Fernand LEFORT, Anicet LE PORS, Mme Hélène LUC, MM. James MARSON, Louis MINETTI, Jean OOGHE, Mme Rolande PERLICAN, MM. Marcel ROSETTE, Guy SCHMAUS, Camille VALLIN, Hector VIRON et Marcel GARGAR,

Sénateurs.

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(Renvoyée à la Commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel,

du Règlement et d'Administration générale.)

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Police. -- Commissions d'enquête et de contrôle -

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Vivre partout en sécurité est un droit élémentaire, une condition de la liberté.

L'insécurité est devenue une réalité quotidienne pour des millions de Français. Ses manifestations et ses conséquences sont donc incompatibles avec le développement nécessaire de la démocratie.

Mais loin de la combattre, le Gouvernement -- confronté au développement des luttes populaires contre sa politique anti-sociale -- entretient, utilise ce climat d'insécurité, de tension et d'inquiétude à des fins politiques pour justifier une mise en cause progressive et systématique des droits et libertés démocratiques.

Tour à tour sont, par tous les moyens, bafoués les libertés syndicales, les libertés de l'information, de l'affichage, de la presse, le droit de grève, le droit de manifestation, la liberté d'opinion des fonctionnaires.

L'utilisation qui est faite des forces de police, privilégiant la répression à la prévention -- mais une répression sélective au service exclusif du pouvoir politique et du grand patronat -- répond à ces objectifs.

Tout d'abord démunie des moyens nécessaires, la police ne peut jouer le rôle qui devrait être le sien : assurer la protection des citoyens et de leurs biens.

Les chiffres sont à cet égard accablants : le tiers des policiers et des gendarmes que compte notre pays sont affectés au « maintien de l'ordre » : 30 000 gardes mobiles, appuyés par 28 000 C. R. S. sont tenus en réserve par le Gouvernement (certains sont utilisés uniquement à l'occasion des conflits sociaux). Sur les effectifs restants, 8 000 policiers et C. R. S. sont affectés à diverses tâches administratives, ou au service de quelques hautes personnalités.

La police n'a pas, dans ces conditions, les moyens d'assurer la sécurité. Elle s'appauvrit.

La prévention des actes criminels est absente de l'utilisation des forces de police -- toute entière tournée vers la répression -- une répression avant tout politique :

Les contrôles d'identité dans le métro prennent l'allure d'une véritable chasse aux immigrés, mais les auteurs d'actes ou d'agressions racistes bénéficient d'une troublante impunité.

D'immenses forces de police sont déployées pour expulser des entreprises les travailleurs coupables aux yeux du Gouvernement et du patronat de défendre leur outil de travail. Dans les manifestations, des innocents sont arrêtés. Mais bien des bandits notoires sont en liberté, comme s'ils bénéficiaient même d'une certaine bienveillance.

Bien plus, le Ministère de l'intérieur organise lui-même la provocation dans les manifestations pacifiques des salariés en lutte.

Ainsi en fut-il de la manifestation du 23 mars à Paris, à l'occasion de laquelle la preuve a été faite que parmi les casseurs dits «autonomes ». se trouvaient des policiers qui, par ailleurs, ont pu « casser » en toute quiétude en présence des unités de C. R. S. à qui avait été donné l'ordre de ne pas bouger.

Tout cela pour tenter de justifier la répression et porter de nouvelles attaques contre les droits démocratiques -- attaques dont ne sont exempts ni les policiers ni leurs syndicats lorsqu'ils contestent le rôle néfaste qu'on fait jouer à la police et qu'ils rejettent le cycle redoutable violence-répression, revendiquant une police au service de tous les Français.

Mais afin de soumettre encore davantage la police nationale au pouvoir politique et aux intérêts de classe de la caste de privilégiés qu'il représente, le Ministre de l'Intérieur a décidé, sans débat au Parlement, d'inquiétantes réformes de structures.

On a accordé la plénitude des pouvoirs à des commandants de C. R. S., promus commissaires de police : ils ont désormais la haute main sur les missions de maintien de l'ordre. Tous les pouvoirs de police --- judiciaires et administratifs -- se trouvent ainsi rassemblés entre les mains d'une seule catégorie de fonctionnaires.

Récemment, le pouvoir a décidé de séparer les compagnies républicaines de sécurité de la « sécurité publique » pour les constituer en unités autonomes, étroitement dépendantes de lui.

De nouveaux pas ont ainsi été franchis clans la détérioration du service public qu'est la police nationale.

Dans le même temps, le Ministère de l'Intérieur laisse se développer les milices patronales -- dont les membres n'hésitent parfois pas à utiliser leur arme contre les travailleurs -- les polices parallèles, à qui d'ailleurs des services officiels comme les P. T. T. n'hésitent pas -- en raison du manque de policiers -- à faire appel pour garder des locaux administratifs.

Lorsque la police est ainsi détournée de son rôle, elle n'est plus à même d'assurer la protection la plus élémentaire des biens et des personnes, alors que la Constitution précise en son préambule que la garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force publique est constituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée », et à ce point bafouée, la démocratie est en danger.

Tels sont les motifs pour lesquels le groupe communiste demande la création d'une commission de contrôle sur le rôle et les missions des services de police.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article premier.

Conformément à l'article 11 du Règlement, il est créé une Commission de contrôle de vingt et un membres sur l'utilisation de forces de police et les missions qui leur sont confiées.

La commission étudiera notamment l'utilisation des services de police dans les conflits du travail, ainsi que ses rapports avec les polices parallèles et privées.

Elle présentera des propositions pour permettre à la police de remplir pleinement sa mission de service public, de défense des libertés et de protection des personnes et des biens.

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