Gestion des déchets dans les outre-mer (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 627

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2023

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE


en application de l’article 73 quinquies du Règlement,


sur la gestion des déchets dans les outre-mer,


présentée

Par Mmes Gisèle JOURDA et Viviane MALET,

Sénatrices


(Envoyée à la commission des affaires européennes.)




Proposition de résolution européenne sur la gestion des déchets dans les outre-mer

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 12 du traité sur l’Union européenne,

Vu l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination, entrée en vigueur le 2 mai 1992,

Vu le règlement (CE)  1013/2006 du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets,

Vu l’article 7 du règlement (UE) 2021/1058 du Parlement européen et du conseil du 24 juin 2021 relatif au Fonds européen de développement régional et au Fonds de cohésion,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux transferts de déchets et modifiant les règlement (UE)  1257/2013 et (UE) 2020/1056,

Vu le mémorandum conjoint des régions ultrapériphériques (RUP) intitulé : « Pour un nouvel élan dans la mise en œuvre de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » publié en mars 2017,



Vu le premier paquet de mesures du nouveau plan d’action en faveur de l’économie circulaire (nCEAP) présenté par la Commission européenne le 30 mars 2022 qui vise à renforcer l’écoconception des produits, en élargissant la gamme des produits et en renforçant les exigences,



Vu l’article 209 de la loi  2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte,



Vu le rapport d’information  195 (2022-2023) de Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet, fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer le 8 décembre 2022, relatif aux déchets dans les outre-mer,



Considérant que le flux croissant de déchets défigure les paysages, altère les conditions de vie et détruit la biodiversité ;



Considérant les retards et les manquements majeurs en matière de gestion des déchets et l’ampleur de l’urgence sanitaire et environnementale induite, la nécessité d’un rattrapage massif par rapport à l’Hexagone et le besoin de politiques volontaristes et durables axées sur l’économie circulaire et la valorisation énergétique ;



Considérant que cette crise des déchets est liée, d’une part, à un taux d’enfouissement écrasant, un taux de valorisation faible et une valorisation énergétique quasi nulle, d’autre part, à des gisement importants qui échappent aux flux de collecte (les déchets des quartiers informels, des dépôts sauvages ou des décharges illégales) et, enfin, aux deux tiers des stocks historiques de véhicules hors d’usage abandonnés qui ne sont pas résorbés à ce jour ;



Considérant l’urgence sanitaire dont fait état l’outre-mer du fait des maladies favorisées par cette situation ;



Considérant que les outre-mer abritent 80 % de la biodiversité française et que l’asphyxie des forêts tropicales (mangroves) par les déchets menace les espèces présentes ;



Considérant que le rapport d’information  195 (2022-2023) de Mmes Gisèle Jourda et Viviane Malet précité comporte vingt-six propositions dans tous les domaines – financements, coûts, gouvernance, ingénierie, coopération régionale, filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), modes de collecte et de traitement… – afin de lutter contre ce fléau ;



Sur le financement européen du traitement des déchets et sur la pérennité des aides européennes :



Demande que les adaptations en vigueur pour la période 2021-2027 au bénéfice des RUP soient préservées et reconduites pour la prochaine période, en particulier celles permettant :



– de continuer à y financer des équipements structurants de base comme les centres, les incinérateurs ou les déchetteries ;



– d’assouplir l’application de la « concentration thématique », c’est-à-dire l’obligation faite aux États membres et aux régions d’utiliser prioritairement les crédits européens sur l’objectif « transformation économique innovante et intelligente et de la connectivité régionale aux technologies de l’information et de la communication (TIC) », alors même que cette priorité n’est pas adaptée aux besoins de rattrapage structurel des RUP françaises ;



– de conserver des taux de cofinancement de 85 % ;



Rappelle également que le taux de cofinancement maximum, qui est déterminant pour des collectivités qui n’ont pas les fonds propres nécessaires, a été remis en question, les propositions initiales de la commission européenne prévoyant de l’abaisser à 70 ou 75 %, l’article 112 du règlement (UE) 2021/1060 du 24 juin 2021 ayant finalement maintenu un taux maximal de 85 % pour les RUP, y compris la Martinique qui risquait de basculer dans la catégorie des régions en transition ;



Appelle en conséquence le Gouvernement à mener des négociations pour reconduire ces adaptations après 2027 ;



Sur l’accès aux fonds européens :



Alerte sur le risque que l’accès aux fonds européens puisse être remis en question en raison de l’impossibilité dans laquelle se trouvent les RUP pour atteindre les objectifs européens de recyclage ou de valorisation fixés par le « Paquet Économie Circulaire » de 2018, transposé par la loi  2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire en février 2020. Pour rappel, les objectifs européens impliquent notamment :



– de réduire à 50 % la part des déchets non dangereux non inertes enfouis en 2025 et à 10 % la part des déchets ménagers enfouis en 2035 ;



– de réduire de 15 % les déchets ménagers par habitant en 2030 par rapport à 2010 ;



– de porter à 55 % la part des déchets ménagers effectivement recyclés, 60 % en 2030 et 65 % en 2035 ;



– pointe la nécessité d’une application large et franche de l’article 349 du TFUE, pour adapter à la fois les objectifs de valorisation et de recyclage et les conditions d’attribution des aides européennes aux spécificités des RUP ;



Demande en conséquence que le secteur des déchets et de l’économie circulaire soit un des champs prioritaires d’adaptations des normes et des aides européennes aux spécificités des RUP, conformément à l’article 349 du TFUE ;



Sur les transferts de déchets vers et hors de l’Union européenne :



Rappelle que la Convention de Bâle ainsi que la réglementation européenne et de l’Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) imposent des règles strictes pour s’assurer que les pays membres de l’OCDE exportent leurs déchets dangereux à des fins de traitement vers des pays de l’OCDE ;



Souligne toutefois que cette réglementation a été conçue pour s’appliquer à de grandes économies développées fortement connectées (l’Union européenne, le Japon, les États-Unis, l’Australie) et est inadaptée et surdimensionnée pour des petits territoires insulaires, éloignés des principales routes commerciales et produisant des quantités infinitésimales de déchets dangereux ;



S’inquiète également des discussions en cours sur la révision du règlement sur les transferts de déchets qui pourraient encore durcir les conditions d’exportation des déchets hors de l’Union européenne, y compris s’agissant des déchets non dangereux et recyclables comme les plastiques ;



Estime que les contraintes très particulières des outre-mer doivent conduire à adapter les textes européens, voire internationaux ;



Appelle en conséquence le Gouvernement à peser de tout son poids pour que, d’une part, les textes en cours de négociation n’alourdissent pas les règles actuelles pour les outre-mer et, d’autre part, les textes déjà en vigueur puissent faire l’objet d’un avenant ou d’un addendum pour permettre les exportations de déchets des outre-mer dans leur environnement régional ;



Rappelle que, suivant la Convention de Bâle, des accords régionaux peuvent être signés entre États tant qu’ils sont compatibles avec la gestion écologiquement rationnelle des déchets (dangereux et autres) ;



Affirme que cette position de négociation n’est pas contradictoire avec la stratégie de développement de filières locales de traitement, en permettant une massification des flux à l’échelle régionale ;



Estime qu’il serait irresponsable de fermer des exutoires potentiels pour les déchets des outre-mer, des crises imprévues pouvant survenir à tout moment, qui exigeront d’exporter les déchets, sous réserve de s’assurer que les conditions de traitement dans les pays tiers satisfont à des conditions équivalentes à celle de l’Union européenne ;



Appelle pour ce faire à faire application de l’article 349 du TFUE pour obtenir l’adaptation du règlement européen sur les transferts de déchets, en cours de révision, aux contraintes particulières des outre-mer ;



Appelle également à ouvrir des discussions dans le cadre de la Convention de Bâle afin de conclure des accords régionaux pour le traitement des déchets des outre-mer français ;



Invite le Gouvernement à faire valoir ces positions dans les négociations au Conseil.

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