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N° 587

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juin 2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

PRÉSENTÉE

au nom de la commission des affaires européennes (1) , en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la proposition de directive relative à la protection des secrets d' affaires (texte E 8922),

Par Mme Sophie JOISSAINS,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour, président ; MM.  Alain Bertrand, Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries, vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung, secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Éric Bocquet, Mme Françoise Boog, Yannick Botrel, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mme Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Jacques Lozach, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 28 novembre dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées, dits « secrets d'affaires », contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites. Cette démarche s'inscrit dans le contexte de la stratégie Europe 2020 et plus spécifiquement celui de la mise en place d'un marché unique de la propriété intellectuelle. Elle se fonde sur l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui traite du rapprochement des législations relatives au fonctionnement du marché intérieur.

1. L'objet du texte

Les secrets d'affaires, également dénommés informations commerciales confidentielles ou renseignements non divulgués, protègent divers savoir-faire, des procédés ou recettes de fabrication particuliers qui offrent à leur détenteur, qu'il s'agisse d'une entreprise, d'un laboratoire, d'une université ou d'un inventeur ou créateur individuel, un avantage compétitif sur ses concurrents. Le cas le plus fréquemment cité de secret d'affaires est la recette du Coca-Cola.

Ces secrets d'affaires ne peuvent généralement pas faire l'objet d'une protection au titre des droits de propriété intellectuelle (marques, brevets, modèles, dessins), qui, eux, font l'objet d'une publication, et leur détenteur n'a donc pas de droits exclusifs sur les informations concernées qui relèvent davantage de la confidentialité. Il paraît toutefois légitime de les protéger compte tenu de l'importance de leur valeur économique 1 ( * ) , notamment pour les petites et moyennes entreprises et les start-up , qui, de surcroît, ne disposent généralement pas des ressources humaines ni financières suffisantes pour faire respecter leurs droits 2 ( * ) , et d'imposer des restrictions à leur utilisation, en particulier lorsqu'ils ont été obtenus de manière malhonnête et contre la volonté de leur détenteur. L'atteinte portée aux secrets d'affaires s'assimile en définitive à une concurrence déloyale.

Or, sur la base d'une évaluation réalisée entre janvier 2012 et mai 2013, grâce à deux études extérieures et une consultation publique, la Commission a constaté que :

- 20 % des entreprises avaient subi au moins une tentative d'appropriation illicite de secrets d'affaires au cours des dernières années, avec une tendance haussière, en particulier dans les secteurs de la chimie, de la pharmacie et de l'automobile. Les principaux responsables de ces détournements seraient les concurrents, pour la moitié des cas, suivis des anciens employés et des clients ;

- les lois en vigueur dans les États membres varient fortement en matière de protection offerte contre l'appropriation illicite de secrets d'affaires. Généralement, ceux-ci ne sont ni définis ni protégés et s'inscrivent dans le droit commun de la responsabilité civile. L'un des seuls États membres à avoir défini cette notion dans le droit national est la Suède, qui lui a consacré un dispositif spécifique dès 1990.

La loi française est également dépourvue de dispositions spécifiques relatives à la protection des secrets d'affaires, mais certains textes permettent de sanctionner l'accès frauduleux à des secrets. C'est le cas de l'article 1382 du code civil qui constitue le fondement du droit commun de la responsabilité civile. En janvier 2012, l'Assemblée nationale avait adopté une proposition de loi présentée par Bernard CARAYON visant à la création d'un nouveau délit sanctionnant la violation du secret d'affaires, alors que ce texte porte délibérément sur le seul droit civil. Néanmoins, la procédure prévue était sans doute trop lourde et contraignante, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Notons que l'article L. 1227-1 du code du travail, reproduit à l'article L. 621-1 du code de la propriété intellectuelle, seule disposition pénale française en la matière, vise le vol de secrets de fabrique par des collaborateurs d'une entreprise 3 ( * ) .

À cet égard, il convient de mettre en évidence deux éléments importants :

- d'une part, les difficultés à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle en France tiendraient moins à l'insuffisance des textes qu'au manque de moyen de la justice, en particulier de la 3 e chambre du tribunal de grande instance de Paris, seule compétente pour les litiges de brevets d'invention depuis un décret d'octobre 2009, à l'insuffisante spécialisation des magistrats et à la mobilité trop rapide de ces derniers ;

- d'autre part, les cas d'espionnage industriel et leurs conséquences seraient sous-estimés en France. D'aucuns ont pu regretter l'absence de dispositions pénales dans le texte de la Commission. Néanmoins, il convient de constater que la pénalisation de la captation des secrets d'affaires est quasiment inexistante en Europe. Du reste, les États membres conservent la faculté d'instituer un délit spécifique qui viendrait compléter l'harmonisation de la procédure civile réalisée par la proposition de directive. Le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Jean-Jacques URVOAS, a constitué un groupe de travail visant à réfléchir aux modalités de renforcement de la protection des secrets d'affaires, incluant un volet pénal.

2. Les principales dispositions du texte de la Commission

La proposition de directive établit des règles de protection des secrets d'affaires contre l'obtention, la divulgation et l'utilisation illicites.

Elle donne une définition commune du secret d'affaires, qui reprend la définition retenue par l'article 39 de l'Accord de l'organisation mondial du commerce sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, dit ADPIC. Un secret d'affaires se définit par trois éléments : les informations doivent être confidentielles ; elles ont une valeur commerciale en raison de ce caractère confidentiel ; le détenteur du secret d'affaires a pris des dispositions raisonnables pour préserver sa confidentialité.

Le texte de la Commission définit également les circonstances dans lesquelles l'obtention, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires est illicite. La notion centrale à retenir est celle de l'absence de consentement du détenteur du secret d'affaires. Inversement, les conditions d'obtention, d'utilisation et de divulgation licites d'un secret d'affaires sont également précisées.

Par ailleurs, les États membres doivent prévoir des mesures, procédures et réparations en matière civile pour se protéger contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites de secrets d'affaires. En revanche, aucune disposition pénale n'est prévue.

Le texte propose également des dispositions visant à protéger le caractère confidentiel des secrets d'affaires qui pourraient être divulgués au cours des procédures judiciaires, telles que la restriction de l'accès aux pièces du dossier et aux audiences, ainsi qu'une obligation de confidentialité pour les participants à la procédure ou encore la rédaction de versions confidentielles des décisions judiciaires.

La proposition de directive comporte aussi un certain nombre de mesures provisoires et conservatoires telles que des ordonnances judiciaires visant la cessation ou l'interdiction provisoire de l'utilisation ou de la divulgation du secret d'affaires, ainsi que l'interdiction de produire, d'offrir, de mettre sur le marché, d'utiliser, d'exporter, d'importer ou de stocker des produits en infraction. Ces mesures peuvent aussi prendre la forme de saisie ou de remise des produits présumés en infraction de façon à empêcher leur introduction ou leur circulation dans le marché.

Les États membres doivent veiller à ce que le détenteur d'un secret d'affaires puisse obtenir par une décision judiciaire le versement par le contrevenant de dommages et intérêts correspondant au préjudice réellement subi du fait de l'obtention, de l'utilisation ou de la divulgation illicites de son secret.

Enfin, le texte proposé prévoit l'application de sanctions, des astreintes par exemple, à l'encontre des parties, de leurs représentants légaux ou de toute autre personne qui ne se conforme pas aux mesures arrêtées.

3. Où en est la négociation ?

La négociation du texte au Conseil a débuté en janvier 2014 au sein du groupe de travail sur la propriété intellectuelle. Après six réunions, un texte de compromis recueillant l'accord d'une large majorité d'États membres, dont la France, a pu être établi par la Présidence grecque.

Le 14 mai dernier, le comité des représentants permanents a approuvé ce texte de compromis. Le Conseil Compétitivité du 26 mai a confirmé à l'unanimité l'accord sur l'orientation générale que propose ce texte. Il a invité la Présidence à entamer les négociations avec le Parlement européen sur la base de cette orientation générale en vue de parvenir à un accord en première lecture.

4. Les difficultés soulevées par la proposition de directive

Les professionnels ont exprimé leur satisfaction de disposer de ce texte. De même, la France soutient ses grandes orientations, en particulier l'objectif visé d'harmonisation de la définition des secrets d'affaires.

En revanche, elle a cherché, au cours des négociations, à parvenir à un équilibre entre la nécessaire protection des secrets d'affaires et le respect des principes fondamentaux de la procédure civile. En effet, l'article 8 du texte, relatif à la protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires, comporte des dispositions susceptibles de remette en cause la portée de ces principes. À ce titre, il a été le plus débattu au Conseil.

Le groupe de travail du Conseil a essentiellement abordé trois domaines :

1°) Les définitions juridiques : la définition des secrets d'affaires qui figure dans le texte de la Commission et qui est reprise de l'article 39 de l'ADPIC est conservée. La notion de « valeur commerciale » mentionnée dans cette définition a été précisée dans un considérant à la demande de la France en indiquant qu'il s'agit de la valeur « effective ou potentielle » .

Les causes d'exclusion et d'exonération ont été précisées pour les rapprocher du droit commun de la responsabilité civile telles que l'absence de faute ou le respect d'un intérêt supérieur.

La définition des comportements illicites a également été reformulée. Désormais, l'obtention d'un secret d'affaires doit être considérée comme licite dès lors qu'elle résulte d'une création ou découverte indépendante, d'un exercice de rétro-ingénierie dans les limites, le cas échéant, des stipulations contractuelles convenues avec le détenteur du secret d'affaires concerné, ou de toute autre pratique conforme, au regard des circonstances, aux usages commerciaux honnêtes. De même, l'utilisation ou la divulgation d'un secret d'affaires doit être considérée comme licite dès lors qu'elle est requise, sinon permise par le droit national ou le droit de l'Union européenne. Par ailleurs, ne pourra être tenue civilement responsable toute personne qui obtient, utilise ou diffuse un secret d'affaires soit dans le cadre légal de la liberté d'information ou d'expression, soit pour les besoins de dénoncer une faute, malversation ou activité illégale de la personne se prévalant dudit secret, soit dans les limites de sa mission de représentation et d'information des salariés ;

2°) Deuxième sujet abordé : le souci de ne pas créer un régime ad hoc de responsabilité. En l'espèce, la France pourra continuer d'appliquer les dispositions existantes du droit de la responsabilité, par exemple l'article 1382 du code civil.

De même, les États membres se sont mis d'accord pour éviter que le dispositif proposé ne conduise à une régression de la protection accordée actuellement au niveau national. Au terme des négociations au Conseil, les États membres ont ainsi obtenu la possibilité d'adopter des mesures plus favorables aux détenteurs de secrets d'affaires, à l'exclusion de celles relatives aux cas d'exclusion ou d'exonération de responsabilité, aux aménagements du contradictoire et aux conditions d'application des mesures préventives et correctives. Cette possibilité était déjà prévue par la directive 2004/48/CE relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Le texte assure donc une harmonisation minimale ;

3°) Troisième sujet abordé, le plus important : la préservation du principe du contradictoire et des règles de la procédure civile face aux règles envisagées de protection de la divulgation des secrets d'affaires devant les juridictions.

Le texte de compromis précise désormais de façon explicite qu'il ne porte que sur la procédure civile et non sur la procédure pénale, celle-ci demeurant de la compétence exclusive des États membres.

De même, un meilleur équilibre entre protection de la confidentialité et respect du principe du contradictoire a pu être trouvé.

L'article 8 prévoit deux dispositifs pour les procédures judiciaires ayant pour objet l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicites d'un secret d'affaires : une obligation de confidentialité d'une part, et diverses mesures destinées à assurer la protection des secrets d'affaires d'autre part.

Sur le premier point, le texte initial prévoit que tous les acteurs de la procédure, les parties et leurs représentants, les témoins, les experts et les personnels judiciaires, sont astreints à une obligation de confidentialité quant aux secrets d'affaires ou présumés dont ils auront pu prendre connaissance à l'occasion de cette procédure. Une telle obligation de confidentialité n'existe dans aucune autre procédure devant une juridiction civile française 4 ( * ) . Elle a soulevé plusieurs questions de fond de la part de très nombreux États membres : comment respecter le principe de la publicité des débats si ceux-ci sont menés à huis clos ? Comment vérifier le respect du secret et sanctionner sa violation ? Comment cette obligation de confidentialité s'articulerait-elle avec les règles existantes du secret professionnel ? Le texte de compromis prévoit que cette obligation de confidentialité ne portera que sur les secrets d'affaires ou secrets d'affaires présumés que le juge aura spécialement identifiés comme confidentiels, sur demande dûment motivée de l'une des parties.

Sur le second point, le texte initial prévoit que le tribunal pourrait prendre les mesures nécessaires à la préservation de la confidentialité de tout secret d'affaires ou prétendu secret d'affaires. Ainsi, le tribunal devrait notamment pouvoir restreindre à un nombre limité de personnes tant l'accès en tout ou partie à un document produit par une partie ou un tiers contenant un secret d'affaires qu'aux audiences lorsque des secrets d'affaires sont susceptibles d'y être révélés. En outre, il pourrait décider de mettre à disposition une version non confidentielle de toute décision judiciaire dans laquelle les passages contenant des secrets d'affaires ont été supprimés.

On le voit, ces dispositions porteraient atteinte aux principes fondamentaux du contradictoire, de la publicité des débats et de la publicité des décisions judiciaires en matière contentieuse. L'ensemble des pièces produites ne seraient plus communiquées à toutes les parties, mais seulement à leurs représentants, ce qui pourrait affecter les relations entre les avocats et leurs clients. En outre, une telle procédure aurait pour conséquence de rendre obligatoire le ministère d'avocat, alors que ce n'est pas systématique actuellement - le ministère d'avocat n'est pas obligatoire devant le tribunal de commerce par exemple.

Ces obstacles de principe se retrouvent pour les mesures restreignant l'accès à l'audience, dont les parties elles-mêmes pourraient se trouver exclues, ce qui porterait atteinte à l'exercice des droits de la défense, ainsi que pour celles restreignant la publicité du jugement, qui limiteraient de façon disproportionnée l'exercice des voies de recours.

Le texte de compromis lève une grande partie de ces incertitudes et difficultés. Il précise que le juge peut toujours restreindre l'accès aux documents susceptibles de contenir des secrets d'affaires et aux audiences au cours desquelles de tels secrets pourraient être divulgués, « pour autant qu'au moins une personne de chaque partie, son avocat ou représentant dans la procédure et les intervenants des tribunaux aient pleinement accès à ces audiences, rapports ou transcriptions » . De même, les parties au litige doivent pouvoir bénéficier d'une version complète de la décision rendue, une version confidentielle pouvant être prévue, mais uniquement à l'égard des tiers.

Au total, le compromis de la Présidence grecque sur la protection des secrets d'affaires donne satisfaction à une large majorité d'États membres, dont la France.

Cependant, la procédure d'adoption de ce texte est loin d'être achevée. Les négociations au Conseil ont certes rapidement abouti à un compromis, mais devraient se poursuivre au sein de ses groupes de travail. En outre, elles devraient connaître une « pause » liée au renouvellement du Parlement européen et de ses organes et à la désignation d'un rapporteur. Un nouveau commissaire européen sera en charge du Marché intérieur. Il n'est donc pas certain que le texte soit définitivement adopté sous Présidence italienne, d'ici la fin de l'année.

C'est pourquoi il semble utile d'affirmer une position qui vienne conforter ces orientations dans la perspective des débats à venir devant le Parlement européen.

Pour ces raisons, votre commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites (COM(2013) 813 final),

Estime que, compte tenu des enjeux économiques liés aux secrets d'affaires, qui, contrairement aux droits de propriété intellectuelle, n'ouvrent pas de droits exclusifs à leur détenteur, il est indispensable d'assurer leur protection afin de préserver la confidentialité qui s'y attache et d'éviter une concurrence déloyale qui résulterait de leur obtention, utilisation et divulgation illicites ;

Partage en conséquence l'objectif poursuivi par la proposition de directive d'une harmonisation de la définition des secrets d'affaires dans l'Union européenne, en raison de la grande diversité des situations juridiques observée dans les États membres ;

Considère néanmoins que cette harmonisation doit être minimale et, qu'en conséquence, les États membres doivent avoir la possibilité d'appliquer les dispositions nationales en vigueur, éventuellement plus protectrices des secrets d'affaires que la proposition de directive, comme cela existe dans le cadre de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle ;

Juge que la proposition de directive ne doit pas aboutir à l'institution d'un dispositif autonome de responsabilité au motif de protection des secrets d'affaires, mais doit au contraire laisser aux États membres la possibilité d'appliquer leur régime de responsabilité de droit commun ;

Approuve la reprise dans la proposition de directive des termes de l'article 39 de l'accord ADPIC, qui engage l'Union européenne, pour définir les secrets d'affaires ;

Soutient les dispositions auxquelles les négociations au Conseil ont abouti qui précisent, d'une part, les clauses d'exclusion et d'exonération de manière à les rapprocher du droit commun de la responsabilité civile et, d'autre part, la définition des comportements illicites ;

Fait valoir la nécessité de préserver l'équilibre auquel les négociations au Conseil sont parvenues sur la rédaction de l'article 8 de la proposition de directive relatif à la protection du caractère confidentiel des secrets d'affaires au cours des procédures judiciaires ayant pour objet l'obtention, l'utilisation ou la divulgation illicites de secrets d'affaires, qui permet d'assurer une telle protection tout en respectant les principes fondamentaux de la procédure civile ;

Estime que, pour assurer le respect du principe de la publicité des débats, la proposition de directive ne saurait instaurer une obligation de confidentialité à laquelle l'ensemble des acteurs d'une procédure concernant la protection de secrets d'affaires, c'est-à-dire les parties et leurs représentants, les témoins, les experts et les personnels judiciaires, seraient astreints, d'autant plus que cette obligation de confidentialité n'existe dans aucune autre procédure devant une juridiction civile ;

Considère que les mesures contenues dans la proposition de directive pour préserver la confidentialité des secrets d'affaires telles que la restriction de l'accès aux pièces et à l'audience et de la publicité du jugement doivent être respectueuses des principes du contradictoire, des droits de la défense et du droit au recours ;

Appelle à ne pas sous-estimer les cas d'espionnage industriel et leurs conséquences et juge dès lors que les États membres doivent conserver la faculté d'instituer un délit pénal spécifique de manière à compléter au niveau national la procédure civile harmonisée par la proposition de directive ;

Insiste sur les conditions d'application de la proposition de directive lorsqu'elle aura été transposée en droit français et souligne la nécessité d'une plus grande spécialisation des magistrats en matière de contentieux de la propriété intellectuelle compte tenu de la technicité de la matière, ainsi que d'une stabilité dans leurs fonctions plus importante qu'aujourd'hui ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.


* 1 Selon les chiffres de la Commission, 56 % des entreprises interrogées ont indiqué que les détournements ou tentatives de détournement de secrets d'affaires ont eu pour conséquence une perte de chiffre d'affaires, pour 44 % d'entre elles, des frais d'enquête internes, et pour 35 % des dépenses de protection.

* 2 Selon ces mêmes chiffres, sur 140 entreprises qui ont fait état de détournements ou de tentatives de détournement, seules 57, soit 40,7 %, ont eu recours à des tribunaux. Parmi les raisons ayant motivé le non engagement de poursuites, figurent les difficultés à recueillir des preuves (pour 43 %), l'impact sur la réputation (30 %) et les frais de justice (30 %).

* 3 Peine d'emprisonnement de deux ans et amende de 30 000 euros.

* 4 Il existe néanmoins une obligation de confidentialité devant l'Autorité de la concurrence pénalement sanctionnée à l'article L. 463-6 du code de commerce (un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende).

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