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N° 615

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2011

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

PRÉSENTÉE AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES (1)

EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 QUINQUIES DU RÈGLEMENT,

sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 (E 6315), dont cette commission s'est saisie,

PRÉSENTÉE

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Serge Dassault , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Jean-Paul Alduy, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Yvon Collin, Philippe Dallier, Jean-Pierre Demerliat, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Hubert Falco, André Ferrand, François Fortassin, Jean-Pierre Fourcade, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Roland du Luart, Philippe Marini, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Commission européenne a adopté le 7 juin 2011 une recommandation au Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 1 ( * ) .

En application de l'article 14 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, inséré à l'initiative de la commission des finances, « à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne en application de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote ».

Ainsi, pour la première fois, le Sénat a débattu et s'est prononcé, le 27 avril dernier, par un vote favorable, sur la déclaration du Gouvernement sur le projet de programme de stabilité, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Par ailleurs, l'article 12 du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques prévoit d'insérer dans la Constitution un article 88-8 qui, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, dispose que :

« Le Gouvernement transmet chaque année à l'Assemblée nationale et au Sénat, au moins deux semaines avant sa transmission aux institutions de l'Union européenne, le projet de programme de stabilité établi au titre de la coordination des politiques économiques des États membres de l'Union européenne.

« Ce projet est soumis pour avis à l'une des commissions permanentes.

« À la demande du Gouvernement ou d'un groupe parlementaire au sens de l'article 51-1, ce projet donne lieu à un débat en séance, puis fait l'objet d'un vote sans engager la responsabilité du Gouvernement. »

A l'initiative de la commission des finances, le Sénat pourrait compléter le deuxième alinéa pour préciser que les commissions permanentes « peuvent proposer l'adoption d'une résolution sur le programme de stabilité mentionné à l'alinéa précédent, selon des modalités fixées par le règlement de chaque assemblée ».

La présente proposition de résolution préfigure donc l'examen des programmes de stabilité par le Parlement, tel qu'il devrait résulter de la révision de la Constitution.

On peut remarquer à cet égard que la présente recommandation souligne qu'« en vue de renforcer la viabilité de ses finances publiques, [la France ] modifiera (...) sa Constitution pour instaurer une programmation budgétaire pluriannuelle contraignante ».

*

La présente recommandation comprend une série d'appréciations qui rejoignent pleinement les analyses de la commission des finances, présentées dans le rapport d'information 2 ( * ) de son rapporteur général sur le projet de programme de stabilité :

- « Sur la base de l'évaluation du programme de stabilité effectuée conformément au règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, le Conseil considère que le scénario macroéconomique sur lequel se fondent les projections budgétaires est trop optimiste. Les taux de croissance prévus sont légèrement supérieurs aux projections les plus récentes des services de la Commission pour 2011 et 2012 et restent nettement supérieurs à la croissance potentielle dans les dernières années » ;

- « La trajectoire d'ajustement du déficit et de la dette est entourée de plusieurs risques liés notamment à la possibilité que le scénario macroéconomique soit moins favorable qu'escompté, au manque de précision de certaines mesures et au fait que les objectifs n'ont souvent pas été atteints par le passé. Par conséquent, en l'absence de mesures supplémentaires, il ne peut pas être garanti que le déficit excessif sera corrigé en 2013 au plus tard » ;

- « L'effort budgétaire annuel moyen sur la période 2010-2013, fondé sur la tendance du solde structurel (recalculé), est légèrement inférieur à l'effort (supérieur à 1 % du PIB) préconisé par le Conseil » ;

- « Pour rétablir une position budgétaire viable, il est indispensable d'éviter le dérapage des dépenses en étayant le renforcement de l'effort budgétaire par des mesures clairement définies , notamment parce que l'objectif 2013 ne laisse aucune marge de sécurité par rapport au seuil de 3 % du PIB » ;

- « La Commission considère que la France doit préciser davantage sa stratégie d'assainissement budgétaire, notamment pour 2012 et les années suivantes, afin de corriger son déficit excessif en 2013 au plus tard et de ramener sa dette sur une trajectoire descendante. Toute recette exceptionnelle devrait être utilisée pour accélérer la réduction du déficit et de la dette ».

Au total, la Commission européenne propose que le Conseil recommande à la France de s'attacher, au cours de la période 2011-2012, à « se conformer à la recommandation d'un effort budgétaire annuel moyen supérieur à 1 % du PIB sur la période 2010-2013 et mettre rigoureusement en oeuvre les mesures permettant de corriger le déficit excessif en 2013 au plus tard ; préciser les mesures nécessaires à cette fin et utiliser toute recette exceptionnelle pour accélérer la réduction du déficit et de la dette ; poursuivre l'examen de la viabilité du système de retraite et prendre des mesures supplémentaires si nécessaire ».

Lors de l'examen de ce qui est devenu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le Sénat a souhaité que le Gouvernement s'engage sur un certain effort structurel si, comme le juge probable la présente recommandation, la croissance était inférieure aux hypothèses retenues. Il est résulté de cette demande l'insertion dans le rapport annexé à cette loi des deux paragraphes suivants :

« Dans un scénario alternatif où la croissance de l'activité n'atteindrait que 2 % par an sur 2012-2014, les recettes publiques connaîtraient une croissance spontanée moins dynamique et cela affecterait la trajectoire de déficit public sur la période.

« Bien que l'impact de la croissance sur le solde public ne soit pas automatique, il est possible d'évaluer l'ordre de grandeur de l'effort supplémentaire nécessaire pour conserver la même trajectoire de déficit en points de PIB. Toutes choses égales par ailleurs, cet effort serait compris entre 4 Md€ et 6 Md€ chaque année. Il pourrait toutefois être accru par une évolution moins favorable du taux de chômage, ou une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB moins élevée. Le Gouvernement y ferait face par des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales pour assurer le respect de la trajectoire de déficit fixée dans la présente loi de programmation. »

Le Gouvernement devra confirmer devant le Conseil ces engagements pris devant le Sénat, et inscrits dans la loi.

*

La présente recommandation rejoint aussi les analyses de votre commission des finances, s'agissant des questions fiscales.

Tout d'abord, elle souligne la nécessité du basculement du système fiscal vers ce qu'il est convenu d'appeler la « TVA sociale ».

En effet, selon la présente recommandation : « La France est l'un des pays de l'Union européenne où les impôts et les charges sociales sur le travail sont les plus élevés, tandis que la consommation y est relativement peu taxée. De plus, la part des recettes des taxes environnementales dans le PIB est elle aussi nettement inférieure à la moyenne de l'Union européenne. Un rééquilibrage du système fiscal par le déplacement de la charge fiscale du travail vers la consommation et l'environnement aurait probablement des effets bénéfiques sur l'emploi et sur la réalisation des objectifs environnementaux ».

Ainsi, la Commission européenne propose que le Conseil recommande que la France s'attache, au cours de la période 2011-2012, à « accroître l'efficacité du système fiscal, notamment en déplaçant la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation (...) ».

La présente recommandation souligne en outre la nécessité de réduire les allégements de prélèvements obligatoires :

« Les exonérations fiscales et sociales (notamment les « niches fiscales ») en France sont très élevées ( environ 11 % du PIB ) et font peser un risque sur l'assainissement des finances publiques. De plus, pour comprendre et exploiter les avantages du système, les ménages et les entreprises doivent s'attacher les services d'experts. Les dépenses fiscales sont utilisées pour mettre en oeuvre une politique économique précise, mais aucune évaluation systématique n'est réalisée pour déterminer si les objectifs visés ont été atteints. Enfin, la possibilité de les substituer aux dépenses publiques a permis aux autorités françaises de respecter officiellement les règles existantes en matière de dépenses. Les autorités françaises prévoient que le coût budgétaire des dépenses fiscales diminuera d'environ 0,75 % du PIB sur la période 2011-2013 (du fait notamment de la suppression de plusieurs d'entre elles). Les dépenses fiscales à supprimer n'ont toutefois pas encore été définies pour 2012 et les années suivantes. »

Ainsi, la Commission européenne propose que le Conseil recommande que la France s'attache, au cours de la période 2011-2012, à « (...) accroître l'efficacité du système fiscal, notamment (...) en mettant en oeuvre la réduction prévue du nombre et du coût des exonérations fiscales et sociales (y compris les « niches fiscales ») ».

La commission des finances ne peut qu'approuver une telle orientation.

Les allégements de prélèvements obligatoires tels qu'elle les évalue sont d'ailleurs supérieurs au montant indiqué par la présente recommandation. En effet, cette dernière avance un montant d'« environ 11 % du PIB », soit de l'ordre de 200 milliards d'euros. Or, comme l'indique la commission des finances dans un récent rapport d'information 3 ( * ) de son rapporteur général, ils semblent plutôt de l'ordre de 300 milliards d'euros (soit 15 points de PIB).

Pour ces raisons, votre commission des finances a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui suit.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014,

Vu le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 transmis aux autorités de l'Union européenne le 3 mai 2011,

Vu l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et en particulier son paragraphe 4, qui prévoit que « lorsqu'il est constaté (...) que les politiques économiques d'un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations (...) ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire, (...) le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l'État membre concerné » et « statue sans tenir compte du vote du membre du Conseil représentant l'État membre concerné »,

Vu le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, dans sa version du 27 juillet 2005,

Vu la recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 adoptée par la Commission européenne le 7 juin 2011 (E 6315),

- souligne que les programmes de stabilité doivent reposer sur des hypothèses de croissance correspondant à la croissance potentielle de l'économie, pour ne pas surestimer l'amélioration du solde public ; que le programme de stabilité 2011-2014, qui retient des hypothèses de 2,25 % en 2012 et 2,5 % en 2013 et en 2014, ne satisfait pas à cette exigence ;

- observe que l'autre raison principale du non respect de la trajectoire de solde de la quasi-totalité des programmes de stabilité passés réside dans une hypothèse de croissance des dépenses publiques de l'ordre de 1 % en volume, contre une exécution en moyenne supérieure à 2 % ; qu'en conséquence, l'objectif de 0,6 % du programme de stabilité 2011-2014 devrait être mieux documenté ;

- rappelle que le respect de la trajectoire de solde conditionne la réduction du ratio d'endettement public à compter de 2013 ;

- se félicite de ce que la recommandation au Conseil souligne la nécessité de déplacer la charge fiscale du travail vers l'environnement et la consommation, et de réduire les allégements de prélèvements obligatoires ;

- constatant que la plupart des programmes de stabilité présentés en avril 2011 par les autres Etats membres de la zone euro comportent plusieurs scénarios de croissance, incite le Gouvernement à inclure dans ses prochains programmes de stabilité un scénario alternatif reposant sur une hypothèse de croissance de 2 % par an ;

- demande au Gouvernement de confirmer au Conseil son engagement, résultant du rapport annexé à la loi n° 2010-1645 précitée, de prévoir dès l'automne 2011 des mesures supplémentaires pour respecter sa trajectoire de solde, s'il apparaissait que la croissance ou les dépenses publiques devaient être respectivement inférieures ou supérieures aux hypothèses retenues.


* 1 SEC (2011) 806 final.

* 2 Rapport d'information n° 456 (2010-2011) du 26 avril 2011.

* 3 Rapport d'information n° 553 (2010-2011) du 25 mai 2011.

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