N° 244
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 8 mars 2006 |
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE AU NOM DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE (1) EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,
sur la proposition de règlement du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d' origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (E 3071),
Par M. Jacques BLANC,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; MM. Denis Badré, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Bernard Frimat, Simon Sutour, vice-présidents ; MM. Robert Bret, Aymeri de Montesquiou, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis de Broissia, Gérard César, Christian Cointat, Robert del Picchia, Marcel Deneux, André Dulait, Pierre Fauchon, André Ferrand, Yann Gaillard, Paul Girod, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Gérard Le Cam, Louis Le Pensec, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Yves Pozzo di Borgo, Roland Ries, Mme Catherine Tasca, MM. Alex Türk, Serge Vinçon.
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs
Les différents « signes d'origine et de qualité » reconnus par l'Union européenne sont une garantie pour les consommateurs. Ils ont aussi une importance économique considérable pour les producteurs concernés. Enfin, ils contribuent à orienter la production agricole et agro-alimentaire prioritairement vers la qualité, ce qui est souhaitable de plusieurs points de vue : d'un point de vue économique, l'orientation vers la qualité peut aider à trouver des débouchés rémunérateurs pour les productions européennes ; du point de vue de l'environnement, elle favorise des productions moins intensives.
L'Union européenne a mis en place trois systèmes de protection et de valorisation des produits agro-alimentaires : l'AOP, l'IGP et le STG :
- l'AOP (Appellation d'Origine Protégée) désigne la dénomination d'un produit dont la production, la transformation et l'élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté ;
- dans le cas de l'IGP (Indication Géographique Protégée) , le lien avec le terroir demeure à un des stades au moins de la production, de la transformation ou de l'élaboration ;
- enfin, la mention STG (Spécialité traditionnelle Garantie) ne fait pas référence à une origine, mais a pour objet de mettre en valeur une composition traditionnelle du produit, ou un mode de production traditionnel.
Ces trois systèmes de protection ont été mis en place par deux règlements communautaires adoptés en 1992, l'un sur les AOP et les IGP, l'autre sur les STG.
La Commission européenne a entrepris une refonte de ces deux règlements. Le Sénat a été saisi, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, de la proposition de règlement concernant les AOP et IGP, mais non de celle concernant les STG, qui a été jugée de nature réglementaire.
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Selon la Commission européenne, la proposition de règlement « concernant la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et denrées alimentaires » répond à trois objectifs :
- rationaliser et simplifier les procédures,
- mettre la réglementation communautaire en conformité avec les principes de l'OMC,
- renforcer la crédibilité du système, notamment en améliorant les contrôles.
Sur le premier point, il est tout d'abord prévu de mieux définir les informations-clé devant faire l'objet d'une publication officielle avant l'enregistrement d'une AOP ou d'une IGP et de les regrouper dans un document unique. Ces informations comprennent notamment la dénomination, la description du produit, de son étiquetage et de sa présentation (y compris les éventuelles restrictions à son conditionnement hors de la zone d'origine) et la preuve du lien entre le produit et son origine géographique.
Ensuite, le texte tend à clarifier la répartition des responsabilités entre les États membres et la Communauté dans la procédure. Celle-ci comprend aujourd'hui deux étapes : une étape nationale, puis une étape communautaire. La proposition de règlement maintient l'existence de deux étapes, mais, afin d'éviter une duplication des travaux, elle entend donner une plus grande place à l'étape nationale : l'État membre devra non seulement s'assurer que la demande respecte la réglementation communautaire, mais aussi rendre public tout projet de transmission d'une demande à la Commission, de manière à ce que l'opposition éventuelle d'un opérateur national puisse être formulée à ce stade.
Sur le deuxième point, le texte prend en compte une décision de l'organe de règlement des différends (ORD) de l'OMC, qui a conclu le 20 avril 2005 que la réglementation communautaire (c'est-à-dire l'actuel règlement n° 2081/92 du 14 juillet 1992) ne respectait pas l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) ainsi que certaines dispositions du GATT.
La réglementation actuelle impose, pour que des produits ou denrées originaires de pays tiers puissent bénéficier de la protection communautaire, que les pays tiers en cause soient dotés de règles équivalentes aux règles communautaires et qu'ils satisfassent à une condition de réciprocité : ces exigences ont été condamnées par l'ORD, de même que les dispositions prévoyant obligatoirement l'intervention des gouvernements des pays tiers en cause dans la procédure d'enregistrement.
La proposition de règlement prévoit donc l'abandon des exigences d'équivalence et de réciprocité, et rend facultative l'intervention éventuelle des gouvernements des pays tiers.
Enfin, sur le troisième point, le texte prévoit un renforcement des contrôles, l'accréditation obligatoire des organismes privés qui peuvent en être chargés, ainsi qu'un renforcement des obligations concernant l'étiquetage, qui devra comprendre à la fois la mention « AOP » ou « IGP » et le logo communautaire correspondant.
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Le Gouvernement a adopté, en première approche, une position globalement favorable à ce texte, dans la mesure où il souscrit aux trois objectifs mis en avant par la Commission.
Toutefois, à côté de réserves d'ordre technique, le Gouvernement émet deux réserves concernant le fond du texte.
La première porte sur le fait que le texte prévoit une nouvelle définition de l'indication géographique protégée, plus vague que la définition actuelle.
La deuxième réserve porte sur la protection accordée aux produits et denrées originaires de pays tiers. Le Gouvernement regrette que le règlement ne précise pas les modalités d'examen des demandes originaires de pays tiers, notamment la manière selon laquelle pourraient s'exercer d'éventuelles oppositions à ces demandes.
Enfin, le Gouvernement regrette les changements proposés par la Commission européenne en matière de « comitologie » (rôle attribué aux comités composés de représentants des États membres qui sont chargés d'assister la Commission pour définir les mesures d'exécution de la réglementation). En effet, la « comitologie » proposée associe moins étroitement aux décisions les représentants des États membres.
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La délégation pour l'Union européenne a examiné ce texte lors de sa réunion du 8 mars. Elle a estimé que la décision de l'ORD de l'OMC rendait nécessaire de revoir la réglementation communautaire, et qu'il n'était pas anormal que la Commission ait saisi cette occasion pour faire un « toilettage » de cette réglementation.
Tout en partageant les réserves émises par le Gouvernement, la délégation a regretté que le nouveau texte ne clarifie pas davantage le régime des AOP et IGP, et présente même de nouveaux risques de confusion.
Avec la nouvelle définition, l'IGP n'est plus constituée d'un nom géographique, mais devient une simple indication de provenance bien plus vague. Surtout, et c'est ce qui est peut-être le plus préoccupant, le nouveau règlement banalise le cas où la protection s'applique à un pays entier. Pour les AOP, le règlement continue à considérer le cas comme exceptionnel, mais pour les IGP cette précision disparaît. Or, des protections valables à l'échelon d'un pays ne sont pas conformes à l'esprit des signes d'origine et de qualité, qui doivent normalement correspondre à une production bien spécifique. Elles ne paraissent pas non plus conformes à l'esprit de la construction européenne, qui est de supprimer autant que possible les barrières nationales. C'est pourquoi il serait souhaitable que le nouveau règlement précise :
- que les IGP, comme les AOP, ne peuvent renvoyer à l'ensemble d'un pays que dans des cas exceptionnels ;
- que lorsqu'une AOP ou une IGP évoque un pays entier, elle ne doit pas exclure l'enregistrement d'une attestation de spécificité (STG) pour un produit portant le même nom, dès lors qu'il n'y a pas de confusion possible sur l'origine nationale de ce produit.
Toujours dans un souci de clarification, il devrait être établi que toute AOP doit être une dénomination renvoyant à une aire géographique. Le nouveau règlement, comme le précédent, permet l'existence d'AOP qui ne sont pas des dénominations géographiques. Il y a là une source de confusion. En effet, il entre dans la définition même de l'AOP que le produit soit issu d'une région ou d'un lieu déterminé. Il est nécessaire que cette caractéristique se retrouve dans sa dénomination, afin que les consommateurs puissent aisément faire la distinction entre une AOP et une simple attestation STG.
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Pour ces motifs, la délégation a conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de règlement du Conseil relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d'origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (texte E 3071),
Invite le Gouvernement à se prononcer en faveur des modifications suivantes :
- la définition actuelle des indications géographiques protégées (IGP) doit être maintenue ;
- les appellations d'origine protégées (AOP) et IGP ne doivent pouvoir couvrir l'ensemble d'un pays que dans des cas exceptionnels ;
- dans le cas où une AOP ou une IGP évoque un pays entier, elle ne doit pas exclure l'enregistrement comme spécialité traditionnelle garantie (STG) d'un produit de même nom, dès lors qu'il n'y a pas de confusion possible sur l'origine nationale de ce produit ;
- toute AOP doit être une dénomination comprenant un élément géographique ;
- les modalités d'examen des demandes d'enregistrement émanant de pays tiers doivent être précisées ;
- les règles actuelles de « comitologie » doivent être maintenues.