Non bis in idem
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N°
79 rectifié
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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2003
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne (1), en application de l'article 73 bis du Règlement, sur l'initiative de la République hellénique concernant l'adoption par le Conseil d'un projet de décision-cadre relative à l' application du principe « non bis in idem » (E2236) ,
par M.
Pierre FAUCHON,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
Règlement et d'administration générale sous réserve
de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le Règlement).
(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel,
président
; M. Denis Badré, Mme Danielle Bidard-Reydet,
MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier, Jean François-Poncet,
Lucien Lanier,
vice-présidents
; M. Hubert Durand-Chastel,
secrétaire
; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Jacques
Bellanger, Jean Bizet, Jacques Blanc, Maurice Blin, Gérard César,
Gilbert Chabroux, Robert Del Picchia, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel
Deneux, Jean-Paul Émin, Pierre Fauchon, André Ferrand, Philippe
François, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Serge Lagauche, Louis Le
Pensec, Aymeri de Montesquiou, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Simon Sutour,
Jean-Marie Vanlerenberghe, Jean-Pierre Vial, Paul Vergès, Xavier de
Villepin, Serge Vinçon.
Union européenne .
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La règle
« non bis in idem »
est un principe
classique de la procédure pénale, déjà connu du
droit romain, d'après lequel
« nul ne peut être
poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes
faits »
(ancien code d'Instruction criminelle).
Cette règle, qui répond à une double exigence
d'équité et de sécurité juridique, est reconnue et
appliquée dans l'ordre juridique interne par l'ensemble des pays
respectueux de l'État de droit. En France, elle figure notamment
à l'article 368 du code de procédure pénale.
Le principe
« non bis in idem »
est également
consacré dans plusieurs instruments internationaux de protection des
droits fondamentaux, tels que le Pacte de New York relatif aux droits civils et
politiques de 1966 (article 14 § 7), le protocole
n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales (article 4) et la
Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (article 50).
Le principe
« non bis in idem »
n'a pas seulement
pour vocation de s'appliquer au niveau national, mais également dans les
relations entre les Etats.
Ainsi,
au niveau de l'Union européenne, ce principe est repris
à l'article 54 de la Convention d'application de l'accord de
Schengen, signée le 19 juin 1990 et intégrée au droit
de l'Union par le protocole au traité d'Amsterdam relatif à
l'acquis de Schengen.
L'article 55 de cette Convention a prévu, cependant, que les Etats
pouvaient faire une déclaration, au moment de la ratification, de
l'acceptation ou de l'approbation de cette Convention, pour ne pas être
liés par le principe du «
non bis in idem »
dans trois cas :
- lorsque les faits visés par le jugement étranger ont eu
lieu, soit en tout, soit en partie, sur leur territoire (cette exception ne
s'appliquant pas si ces faits ont eu lieu en partie sur le territoire de l'Etat
où le jugement a été rendu) ;
- lorsque les faits visés par le jugement étranger
constituent une infraction contre la sûreté de l'État ou
d'autres intérêts également essentiels ;
- lorsque les faits visés par le jugement étranger ont
été commis par un fonctionnaire en violation des obligations de
sa charge.
La France a manifesté son intention de ne pas être liée par
le principe du
« non bis in idem »
pour les deux
premiers cas.
L'initiative de la présidence hellénique s'inscrit dans le
cadre du programme de mesures destiné à mettre en oeuvre le
principe de la reconnaissance mutuelle, qui a été consacré
comme
« la pierre angulaire »
de la
coopération judiciaire par le Conseil européen de Tampere,
d'octobre 1999
. D'après ce programme, le réexamen des
articles 54 à 57 de la convention d'application de l'Accord de Schengen
constitue même la première des priorités.
La présidence grecque a donc proposé un projet de
décision-cadre qui vise à doter les États membres de
règles de droit communes concernant le principe
« non bis
in idem »
afin de garantir l'uniformité de son
interprétation et de son application pratique.
La présente décision-cadre, qui constitue un développement
de l'acquis de Schengen, s'appliquerait à l'Islande et à la
Norvège. Le Royaume-Uni et l'Irlande y participeraient également.
Au-delà des nombreuses difficultés juridiques que soulève
ce projet, il pose trois questions d'ordre politique. Les deux
premières, qui concernent la litispendance (article 3) et les
définitions (article 1
er
), semblent trouver une solution
satisfaisante. En revanche, la troisième, relative aux exceptions
(article 4), semble poser de graves problèmes à la France.
I. DEUX QUESTIONS QUI SEMBLENT TROUVER UNE SOLUTION SATISFAISANTE
1. La litispendance (article 3)
À l'origine, le projet prévoyait, en cas de concours de
poursuites pénales pour les mêmes faits et à l'encontre de
la même personne dans plusieurs États membres (effet de
litispendance), des critères pour établir la compétence
d'un État et une suspension des procédures dans les autres
États membres. Ce mécanisme de règlement des conflits de
compétence au stade des pousuites reposait sur une consultation entre
les autorités compétentes des États membres.
Lors des négociations au sein du Conseil, la majorité des
États membres, dont la France, a cependant contesté l'idée
de prévoir dans un texte relatif au
« non bis in
idem »
un article qui traiterait de manière quelque peu
accessoire d'un sujet aussi important que la litispendance. Ces États
ont notamment fait valoir que la question, plus large, du règlement des
conflits de compétence avait été abordé par la
Convention sur l'avenir de l'Europe et qu'il conviendrait, en particulier, de
tenir compte du rôle attribué à Eurojust sur ce point par
le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe.
Ils ont donc demandé la suppression de cet article.
À l'inverse, d'autres États se sont déclarés
favorables à cet article. Le Parlement européen a, quant à
lui, proposé, dans son avis, de renforcer le mécanisme en
établissant une hiérarchie des critères relatifs à
la détermination de la compétence.
Afin de sortir de ce dilemme, la présidence italienne a proposé
un compromis consistant à conférer à ces critères
un caractère purement indicatif et à adopter, au moment de
l'adoption de l'instrument, une déclaration du Conseil invitant la
Commission à présenter ultérieurement une proposition plus
complète sur cette question. Ce compromis a été
accepté par quatorze États membres, dont la France.
Ce compromis paraît opportun dans la mesure où il
prévoit une future initiative de la Commission sur la prévention
et le règlement des conflits de compétence, qui est une question
majeure paraissant nécessiter une réflexion approfondie,
notamment sur le rôle d'Eurojust dans cette optique.
2. Les définitions (article 1
er
)
Le texte initial contenait à l'article 1
er
des
définitions des notions d'« acte punissable », de
« jugement » ou de « mêmes
faits ».
Ces définitions ont, toutefois, donné lieu à de nombreuses
difficultés en raison des différences entre les procédures
pénales des États membres, notamment en matière de
régime des poursuites (opportunité ou légalité).
Par exemple, en France, la notion de « décision
définitive », qui a remplacé le terme de
« jugement », renvoie à l'extinction de l'action
publique, mais cette dernière est mal compris par nos partenaires.
Par ailleurs, plusieurs représentants des États membres, dont
ceux de la France, ont exprimé le souhait de prendre en compte dans cet
instrument la jurisprudence très évolutive, tant de la Cour de
Strasbourg que de la Cour de Luxembourg sur le principe du
«
non bis in idem ».
Ainsi, il a été convenu, par exemple, de supprimer la
définition des « mêmes faits » à
l'article 1
er
et de la remplacer par un considérant
libellé comme suit :
« La notion de mêmes faits
doit être interprétée en tenant compte de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme. Selon cette jurisprudence,
qui est susceptible d'évoluer, le principe « non bis in
idem » s'applique aux mêmes faits quelle que soit leur
qualification juridique ».
Mais, c'est surtout un arrêt très important rendu par la Cour de
justice des Communautés européennes qui a nourri les
débats du Conseil.
La présentation de l'initiative grecque a, en effet,
coïncidé avec l'arrêt rendu le 11 février 2003 par la
Cour de justice de Luxembourg dans les affaires dites Gozutok et Brugge,
où la Cour de justice a dit pour droit que
« le principe
« non bis in idem » (...) s'applique également
à des procédures d'extinction de l'action publique (...) par
lesquelles le ministère public d'un État membre met fin, sans
l'intervention d'une juridiction, à la procédure pénale
engagée dans cet État, après que le prévenu a
satisfait à certaines obligations et, notamment, a acquitté une
certaine somme d'argent fixée par le ministère
public »
.
La Cour de justice a donc fait dans cet arrêt, au moyen d'une
interprétation téléologique, une lecture finaliste de
l'article 54 de la convention d'application de l'accord de Schengen, qui
utilise les termes
« définitivement
jugée »
et
« condamnation »
. En
effet, les juges communautaires ont étendu le champ du principe du
« non bis in idem »,
qui ne serait plus
limité aux seules décisions définitives rendues par les
juridictions, mais couvrirait également les décisions
prononcées par les parquets, dès lors que celles-ci mettent
définitivement un terme aux poursuites. Il convient de noter que, pour
la France, les classements sans suite prononcés par le ministère
public ne seraient pas compris dans la notion de
« décision
définitive »
dégagée par la Cour de justice
dans cet arrêt, dans la mesure où ces décisions ne mettent
pas définitivement fin aux poursuites. En revanche, l'ensemble des
décisions prises par le ministère public qui ont pour effet
d'éteindre l'action publique, telle que, par exemple, la composition
pénale, seraient dorénavant concernées.
La Cour de justice de Luxembourg a considéré que
« le principe non bis in idem impliquait nécessairement
qu'il existe une confiance mutuelle des États membres dans leurs
systèmes respectifs de justice pénale et que chacun d'entre eux
accepte l'application du droit pénal en vigueur dans les autres
États membres, quand bien même la mise en oeuvre de son propre
droit national conduirait à une solution
différente ».
Votre rapporteur, qui tient à souligner le caractère
très novateur de cette jurisprudence, qui pourrait revêtir
à l'avenir la même importance que le célèbre
arrêt « Cassis de Dijon » pour l'« espace
de liberté, de sécurité et de justice », partage
donc le souci du Gouvernement de prendre en compte dans cet instrument, tant la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, que celle de
la Cour de justice des Communautés européennes.
II. LE PROBLÈME DES EXCEPTIONS AU PRINCIPE DU
« NON BIS IN
IDEM »
(ARTICLE 4) DEMEURE EN SUSPENS
Il s'agit là de
la principale pierre d'achoppement des
négociations
car la suppression, la réduction ou le maintien
des exceptions au principe du
« non bis in
idem »
,
contenues à l'article 55 de la Convention
de Schengen et reprises dans l'article 4 de la décision-cadre, est une
question très sensible pour les États membres.
Elle soulève, par ailleurs, en France,
la question du contrôle
de constitutionnalité du droit communautaire dérivé
,
que notre délégation a déjà abordée à
plusieurs reprises, et tout récemment à l'occasion de la
révision constitutionnelle nécessaire à la mise en oeuvre
du mandat d'arrêt européen.
1. L'état des négociations
Les positions des États membres concernant les exceptions au principe du
« non bis in idem »
sont très
divergentes
.
Certains estiment que l'article 4 devrait être supprimé car les
exceptions à ce principe ne paraissent plus justifiées dans un
espace judiciaire européen. C'est également la position de la
Commission européenne et celle du Parlement européen, qui
considèrent que la plus-value de cet instrument réside
précisément dans la suppression ou la limitation des exceptions
au principe du
« non bis in idem »
. À
l'inverse, d'autres États souhaitent maintenir l'ensemble de ces
exceptions. Enfin, certains États se situent dans une position
intermédiaire, car ils pourraient accepter de renoncer à
certaines exceptions mais pas à d'autres.
La présidence italienne a proposé récemment
un
compromis
reposant sur
trois
éléments :
- d'une part, les États membres qui sont d'ores et
déjà liés par les dispositions de Schengen et qui n'ont
pas fait de déclaration pour prévoir des exceptions au principe
du
« non bis in idem »
n'auraient plus la
possibilité de faire une telle déclaration dans le cadre du
nouvel instrument ;
- d'autre part, la liste des exceptions serait limitée car elle
comprendrait la clause territoriale, les exceptions concernant les
fonctionnaires et celle relative à la sûreté nationale,
mais elle ne concernerait plus l'exception relative aux
« autres
intérêts également essentiels »
;
- Enfin, un mécanisme automatique de révision des exceptions
au principe du
« non bis in idem »,
à l'issue
d'une période de cinq ans après l'entrée en vigueur de la
décision-cadre, serait mis en place.
Malgré les importantes concessions qu'il accorde aux États
membres, ce compromis n'a semble-t-il pas recueilli l'adhésion des
ministres de la justice des Quinze lors du dernier Conseil JAI du
6 novembre.
2. L'hostilité du gouvernement français
Le Gouvernement français se situe parmi les États qui sont le
plus hostiles à ce compromis, dont il conteste l'ensemble des
éléments.
a) Ainsi, notre Gouvernement s'oppose, tout d'abord, à l'idée
d'interdire aux États membres, qui sont d'ores et déjà
liés par les dispositions de Schengen et qui n'ont pas fait de
déclaration sur les exceptions au principe du « non bis in
idem », de faire une telle déclaration dans le cadre du nouvel
instrument.
A priori, cette position peut surprendre.
D'abord, ne serait-ce que parce
que la France ne devrait pas se sentir concernée puisque, selon le
décret du 21 mars 1995 portant publication de la convention
d'application de l'accord de Schengen, elle aurait fait alors une telle
déclaration. Ensuite, parce que les arguments de la Commission, selon
lesquels cette possibilité marquerait un recul par rapport au droit
existant, ne sont pas dénués de fondement.
Mais la position du Gouvernement sur ce point s'expliquerait par le fait que
l'exécutif français a « oublié » de
transmettre la déclaration en question au dépositaire de la
Convention d'application de l'accord de Schengen, c'est-à-dire
auprès du Gouvernement Luxembourgeois
, comme l'indique le document
du Conseil n°13281/1/03 en date du 17 octobre 2003.
La déclaration de la France sur les exceptions au principe du
«
non bis in idem
», qui a été
pourtant régulièrement introduite en droit interne, ne serait
donc pas valide juridiquement.
A cet égard, il paraît très regrettable que le Gouvernement
n'ait pas cherché, au préalable, les moyens de régulariser
cette situation.
Mais aujourd'hui nous sommes dans cette situation. Devons-nous, dès
lors, du fait de cette erreur, renoncer à la possibilité de nous
prévaloir d'une déclaration ?
Votre Rapporteur ne le pense pas
et considère, compte-tenu de
ces circonstances et du caractère novateur de cette
décision-cadre, que le gouvernement a raison de demander que la
possibilité de faire une déclaration soit ouverte à
nouveau à tous les États membres.
b) Notre Gouvernement souhaite également conserver l'ensemble des
exceptions au principe du « non bis in idem »
mentionnées à l'article 55 de la convention d'application de
l'accord de Schengen, y compris celle relative aux « autres
intérêts également essentiels ».
D'après le décret du 21 mars 1995, cela concernerait
« les infractions qualifiées d'atteintes aux
intérêts fondamentaux de la Nation et réprimées par
le titre Ier du Livre IV du Code pénal, la falsification et la
contrefaçon du sceau de l'Etat, de pièces de monnaie ou de
billets de banque (...) et tout crime ou délit contre les agents ou les
locaux diplomatiques ou consulaires français ».
Or, la Commission européenne considère que la « plus
value » de la décision-cadre réside
précisément dans la réduction des exceptions au principe
du
« non bis in idem »
et il semble difficile de ne
pas la rejoindre sur ce point.
c) Notre Gouvernement s'oppose même à l'idée
d'introduire, à l'article 8, un mécanisme automatique de
révision de ces exceptions, à l'issue d'une période de
cinq ans après l'entrée en vigueur de la
décision-cadre.
Or, ce mécanisme pourrait contribuer à applanir les fortes
divergences entre les Etats membres.
3. Des difficultés d'ordre constitutionnel
Le Gouvernement explique ses fortes réticences par la crainte de
difficultés d'ordre constitutionnel
Les représentants du Gouvernement expliquent les fortes
réticences de la France à l'égard de la suppression ou de
la réduction des exceptions au principe du
« non bis in
idem »
par le fait que cela serait susceptible de soulever des
difficultés d'ordre constitutionnel en droit interne.
Le maintien de
l'ensemble de ces exceptions serait, d'après eux, nécessaire pour
garantir le respect du principe de la souveraienté nationale, principe
à valeur constitutionnelle.
Toutefois,
ces arguments ne paraissent guère convaincants.
En
effet, le Conseil constitutionnel a été appelé à se
prononcer sur la conformité de la convention d'application de l'accord
de Schengen, alors que la France n'avait pas encore fait la déclaration
prévue à l'article 55 de cette convention, et, dans sa
décision, le Conseil constitutionnel n'a pas soulevé de motif
d'inconstitutionnalité sur ce point.
Dans ce contexte,
comment expliquer que le Gouvernement n'ait pas
décidé de consulter le Conseil d'État en application de la
circulaire du Premier ministre en date du 30 janvier 2003 ?
Car, on se trouve ici en présence d'un cas qui relève directement
de cette circulaire. Cette dernière répond, en effet, au souhait
unanime des parlementaires, exprimé notamment à l'occasion des
débats sur la révision constitutionnelle nécessaire
à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen,
d'instaurer, selon l'expression de notre ancien collègue Michel Barnier,
une « veille constitutionnelle », qui porterait en
particulier sur les textes relatifs à l'espace de liberté, de
sécurité et de justice » qui touchent aux droits
fondamentaux des individus.
A cet égard, on
constate que cette circulaire n'a encore jamais
été appliquée, alors que les occasions n'ont pas
manqué,
comme celle que présentait la proposition de
directive concernant les normes minimales relatives à la
procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié.
Comme l'a souligné notre collègue Robert Del Picchia, lors du
débat en séance publique sur le projet de loi réformant le
droit d'asile, la notion de « pays tiers sûr »
contenue dans cette proposition de directive serait susceptible de soulever des
difficultés au regard de la Constitution, et on peut regretter que le
Gouvernement n'ait pas jugé utile de consulter le Conseil d'Etat sur ce
point.
Or,
il paraît indispensable que la question de
l'éventuelle non-conformité à la Constitution de la
suppression ou de la limitation des exceptions au principe du
«
non bis in idem
» soit clarifiée et que le
Parlement soit informé de la réalité des
difficultés d'ordre constitutionnel avancées par le Gouvernement
dans la négociation de ce texte qui touche directement les droits
fondamentaux des individus.
On peut, en effet, penser qu'une éventuelle révision
constitutionnelle ne devrait pas être exclue d'office s'agissant d'un
principe aussi fondamental que celui du
« non bis in
idem »
.
Pour ces raisons, votre délégation pour l'Union européenne
a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui
suit :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le
Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le projet de décision-cadre relatif à l'application du
principe «
non bis in idem
» (texte
E 2236),
- Se félicite de l'initiative de la République hellénique
et considère que le principe du «
non bis in
idem
» est consubstantiel à l'idée d'un espace
judiciaire européen fondé sur le principe de la reconnaissance
mutuelle et sur la protection des droits fondamentaux des individus ;
- Approuve l'idée d'une extension du principe du «
non
bis in idem
», qui prendrait en compte, tant la jurisprudence de
la Cour de justice des Communautés européennes, que celle de la
Cour européenne des droits de l'homme ;
- Partage les préoccupations du Gouvernement sur les
difficultés soulevées par l'article 3 sur la litispendance
et approuve l'idée d'une proposition ultérieure de la Commission
sur le règlement des conflits de compétence et le rôle
d'Eurojust dans cette optique ;
- Considère très regrettable, au vu de ses
conséquences juridiques potentielles, que la déclaration de la
France sur le fondement de l'article 55 de la Convention d'application de
l'accord de Schengen concernant les exceptions au principe du « non
bis in idem » n'ait pas été transmise de manière
régulière au dépositaire de cette Convention et invite le
Gouvernement à étudier, dès à présent, les
moyens de régulariser cette situation ;
- Compte-tenu de ces circonstances et du caractère novateur de
cette décision-cadre, approuve la demande du Gouvernement tendant
à ce que la possibilité de faire une telle déclaration
soit ouverte à nouveau à tous les États membres ;
- Estime, en tout état de cause, que les exceptions au principe du
« non bis in idem » devraient être les plus
réduites possibles et demande par conséquent au Gouvernement
d'oeuvrer en ce sens au sein du Conseil ;
- Demande que le Conseil d'Etat soit saisi des difficultés d'ordre
constitutionnel soulevées par la suppression ou la réduction des
exceptions au principe du «
non bis in idem
» et que
son avis soit porté à la connaissance des
assemblées.