Proposition de résolution sur la communication de la Commission et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatives aux promotions des ventes dans le marché intérieur
Table des matières
N° 352
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SÉNAT
SESSION
EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juillet 2002
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne (1), en application de l'article 73 bis du règlement, sur la communication de la Commission et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatives aux promotions des ventes dans le marché intérieur (E 1842)
par M. Jean-Paul ÉMIN,
SÉNATEUR
(Renvoyée à la commission des Affaires
économiques et du Plan sous réserve de la constitution
éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions
prévues par le Règlement).
(1) Cette délégation est composée de
: M Hubert
Haenel,
président
; M. Denis Badré,
Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier,
Jean François-Poncet, Lucien Lanier,
vice-présidents
; M. Hubert Durand-Chastel,
secrétaire ;
MM. Bernard Angels, Robert Badinter,
Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Bizet,
Jacques Blanc, Maurice Blin, Gérard César, Gilbert Chabroux,
Robert Del Picchia, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean-Paul
Emin, Pierre Fauchon, André Ferrand, Philippe François,
Yann Gaillard, Emmanuel Hamel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec,
Aymeri de Montesquiou, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Simon Sutour,
Jean-Marie Vanlerenberghe, Paul Vergès, Xavier de Villepin, Serge
Vinçon.
Union européenne .
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le recours à des pratiques promotionnelles est fréquent en
matière commerciale pour attirer ou conserver la clientèle,
qu'elles prennent la forme de rabais, primes, cadeaux, concours ou autres
jeux... Ces pratiques sont, pour l'instant, régies par des
législations nationales très différentes et ne font pas
l'objet d'une politique d'harmonisation. Or, selon la Commission, une telle
disparité menace la sécurité juridique des échanges
transfrontaliers.
Les promotions des ventes s'appliquent aux biens et aux services marchands dans
tous les secteurs. Selon une enquête menée dans neuf États
membres, la conception et la réalisation de ces opérations de
promotions auraient concerné un million d'emplois en 2000, pour un
volume de dépenses total de l'ordre de 40 milliards d'euros.
À ce jour, la Commission fait valoir que la disparité et la
complexité des réglementations nationales pénalisent de
nombreuses entreprises (agences de publicité, sociétés de
conception des promotions des ventes), médias (radio et presse), et
services (ventes d'espaces publicitaires, marketing direct, distribution...)
dans leurs activités transnationales.
En 1998, dans sa communication de suivi du Livre vert de 1996, la Commission a
de ce fait identifié les promotions des ventes comme une priorité
de sa politique en matière de pratiques commerciales. Sur la base des
résultats d'une étude, menée par un groupe d'experts
durant deux ans et demi, elle présente ici une communication assortie
d'une proposition de règlement afin de faciliter l'activité
transfrontalière et la communication des promotions des ventes.
Le dépôt de ces textes coïncide avec la présentation
d'un Livre vert consacré plus largement à la protection des
consommateurs, dont l'étude est en cours mais non achevée. Selon
la Commission, la présente proposition permettrait de compléter,
sur la question des promotions commerciales, les conclusions qui seront
tirées ultérieurement de l'examen dudit Livre vert.
*
S'agissant des pratiques promotionnelles de vente, il est donc
ici
proposé de démanteler certains obstacles posés par les
législations nationales. Trois voies d'action sont envisagées
simultanément :
a) d'abord, l'harmonisation des règles d'utilisation et de
communication des pratiques commerciales
• Le texte impose la transparence de l'information sur les rabais,
les primes et leurs conditions d'obtention, ainsi que sur les règles
applicables aux jeux promotionnels et aux concours.
• Il autorise les ventes à perte et prévoit une
obligation d'information, tant à l'égard des fournisseurs
vis-à-vis de leurs revendeurs, qu'à l'intention du consommateur
final ;
• Enfin, il organise la protection des enfants et des mineurs,
d'abord par l'exigence du consentement des parents pour participer à
certaines opérations promotionnelles, ensuite et pour des motifs de
santé publique, en interdisant d'offrir des boissons alcoolisées
aux mineurs et de distribuer des échantillons aux enfants laissés
sans surveillance.
b) ensuite, l'allègement de certaines restrictions
jugées excessives
:
Dans un deuxième temps, le texte propose d'abolir une série
d'interdictions introduites dans les droits nationaux et qualifiées de
« disproportionnées ».
• Ainsi, il supprime l'interdiction des ventes avec prime, des ventes
à perte, l'obligation de gratuité pour participer aux jeux
promotionnels, l'interdiction de communication des promotions à
l'extérieur des points de vente...
• De même, il s'oppose à la limitation de la valeur des
promotions, par exemple en n'encadrant plus le montant des rabais ou en ne
limitant plus la valeur des cadeaux, des primes et des prix mis en
concours ;
• Il autorise désormais les rabais pendant la période
précédant les soldes saisonnières et ne soumet plus les
opérations de promotion à autorisation préalable.
c) enfin, l'organisation d'un système de reconnaissance mutuelle
des pratiques nationales :
Ce dispositif aurait pour but de simplifier le régime applicable sur
l'ensemble du territoire de l'Union pour toutes les autres promotions et
communications commerciales non visées par les dispositions
précédentes.
*
Que
doit-on penser de ce dispositif complexe qui s'apparente d'ailleurs
plutôt à un catalogue ? Il faut avouer que sa lecture plonge
dans une grande perplexité car son contenu est une sorte de
« fourre-tout », juxtaposant, dans un désordre
certain,
des considérations de santé publique, de protection
des mineurs, de politique de la concurrence et de protection des
consommateurs.
Sur ce dernier volet, il se situe sur bien des points
aux antipodes de la
législation française
, qui constitue pourtant, de l'avis
général, un modèle très élaboré de
protection de l'acheteur. Signalons, par exemple :
- l'autorisation de rabais avant les périodes de soldes - ce
qui n'est pas permis en France ;
- le régime proposé pour les ventes à perte, qui
contrarie la réglementation sur le dumping commercial et ne concerne pas
directement la protection des consommateurs, mais plutôt les relations
commerciales entre professionnels ;
- ou bien encore la participation aux jeux promotionnels, qui, selon le
droit français actuel, ne doit pas être subordonnée
à un acte d'achat afin de protéger le libre-arbitre du
consommateur.
Or, il convient de préciser que, s'agissant ici d'une proposition de
règlement
communautaire, il sera d'application directe et
intégrale en droit national dès son entrée en vigueur et
abrogera immédiatement des pans entiers de notre dispositif
législatif. Du strict point de vue de l'application du
principe de
subsidiarité
, on peut s'interroger, à juste titre, sur
l'opportunité de procéder en la matière par voie de
règlement.
De surcroît, il semble peu cohérent, au niveau de la simple
logique, de présenter ce texte spécifique alors que les
conclusions du Livre vert « protection des consommateurs »,
déposé en octobre 2001,
n'ont pas encore été
tirées
. Nos concitoyens s'élèvent souvent contre le
manque de vision d'ensemble et de transparence des dispositifs
européens : cette façon de procéder ne peut que
conforter la critique. D'une manière plus générale, il
apparaît d'ailleurs que ce texte a davantage pour objet de libérer
les échanges que de promouvoir la politique commune de protection des
consommateurs d'un niveau élevé qu'ambitionne ce Livre vert.
Enfin, ce texte a déjà fait l'objet de plusieurs débats,
notamment au sein des groupes de travail « Consommation »
et lors du Conseil « marché intérieur » du 21
mai dernier et il y a rencontré l'opposition de la majeure partie des
États membres, pour des motifs d'ailleurs opposés, en fonction de
leur conception nationale des pratiques commerciales.
Pour tous ces motifs, on peut légitimement estimer que ce texte n'est
pas suffisamment abouti pour faire l'objet d'un accord et que, dans sa
rédaction actuelle, il justifie le dépôt d'une proposition
de résolution traduisant nos critiques et nos réserves.
*
La délégation a alors conclu au dépôt de la proposition de résolution suivante :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le
Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu le texte E 1842 portant communication et proposition de
règlement relatifs aux promotions des ventes dans le marché
intérieur,
Vu le Livre vert sur la protection des intérêts économiques
des consommateurs dans l'Union européenne, en date du 2 octobre 2001,
Demande au Gouvernement :
- de s'opposer à l'adoption de ce texte qui, en l'état,
marque un recul par rapport au régime national de protection des
consommateurs,
- d'obtenir le report de la décision après l'examen du Livre
vert sur la protection des intérêts économiques des
consommateurs dans l'Union européenne, afin d'assurer la
cohérence du dispositif d'ensemble en la matière,
- de faire valoir à la Commission qu'il serait plus conforme au
principe de subsidiarité d'intervenir par la voie d'une directive-cadre
permettant l'adaptation des législations nationales plutôt que
sous la forme d'un règlement d'application directe et immédiate
en droit interne.