Service public et transport de voyageurs
N°
334
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 mai 2001
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
présentée en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière d' exigences de service public et à l' attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer , par route et par voie navigable (E 1587),
PRÉSENTÉE
par M.
Pierre LEFEBVRE, Mme Odette TERRADE, MM. Gérard LE CAM, Jean-Yves
AUTEXIER, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes
Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Robert BRET, Guy FISCHER, Thierry
FOUCAUD,
Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Roland MUZEAU,
Jack RALITE et Ivan RENAR,
Sénateurs.
( Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Union européenne .
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Issue d'une lente prise de conscience de l'incapacité du marché
à « produire du lien social », l'organisation de
services publics est le résultat dans la plupart des pays membres de
l'union européenne d'un réel volontarisme politique. Une longue
et souvent douloureuse maturation historique, a abouti, en autres, à
rendre accessible à la majorité de la population un certain
nombre de
biens publics
, qui en raison de leur caractère
d'
intérêt
social et global
exorbitant du
marché ont été organisés par la puissance publique.
Certes, dans la pratique, en fonction de l'histoire sociale des Etats et d'une
conception des services publics qui leur était propre, les voies
d'application de l'intervention publique ont pu ici ou là prendre des
formes différentes.
Mais nul ne nierait que les services publics ont globalement contribué
à l'intégration sociale et territoriale et ce, parce qu'ils
assumèrent les diverses missions imparties par les autorités
publiques et parce qu'ils furent aussi générateurs d'emplois
stables.
Comme nul ne nierait que sur fond de mondialisation capitaliste et de
généralisation des rapports marchands, mais aussi au vu des
avancées actuelles du mouvement de régionalisation
européenne, ils soient devenus un réel enjeu de
société. Ils permettent en effet un questionnement sur la nature
du type de société que nous propose l'Europe en construction ou,
pour le dire autrement, sur les valeurs qui président au fondement
même de la société que nous voulons construire pour nos
enfants et petits-enfants.
Autant dire aussi qu'ils constituent de par
leur nature même
la
pierre de touche du degré de démocratie que recèle le
processus de la construction européenne.
En France, la notion de service public, notion essentielle du droit public
repose sur quatre principes fondamentaux : continuité,
égalité de traitement, adaptabilité et
universalité. Ces principes constituent l'architecture abstraite
à partir de laquelle se concrétisent dans divers domaines de la
vie sociale les missions dites de service public. Tout citoyen (consommateur,
usager, contribuable...) bénéficie sur l'ensemble du territoire
d'un service public de qualité, à des prix abordables et
susceptibles de s'adapter aux évolutions des besoins de la
société (nouvelles technologies de communication, par exemple
aujourd'hui).
Demeurés jusqu'à la fin des années quatre-vingt à
l'écart du mouvement de libéralisation des économies
nationales, les services publics sont depuis une dizaine d'années
considérés par les instances européennes comme l'ultime
étape de la réalisation du marché intérieur
européen.
Au début des années quatre-vingt-dix, la Commission a
amorcé par voie de directives le processus d'ouverture à la
concurrence des différents secteurs, généralement
organisés en réseaux, accomplissant des missions dites de service
public (télécommunications, poste, transport,
électricité et gaz, eau...).
Cette intégration du droit communautaire dans les juridictions
nationales s'est heurtée à de nombreuses résistances de la
part non seulement de diverses composantes (organisations syndicales
nationales, mouvements associatifs, Confédération
Européenne des Syndicats...) des forces sociales pouvant prendre la
forme de
contre-sommets européens mais aussi, de la part de
certaines autorités gouvernementales elles-mêmes
(1(
*
))
.
Si le droit communautaire tend à véhiculer un mode particulier de
régulation sociale et économique, c'est précisément
ce mode-là que les multiples mouvements sociaux contestent aujourd'hui.
Il convient donc d'être attentif tant au contenu du droit communautaire
en matière de service public qu'à la manière dont il se
constitue.
L'on se doit d'y être d'autant plus attentif que la Commission a
décidé lors du sommet de Lisbonne des 24 et 25 mars derniers
d'accélérer « la libéralisation dans les
secteurs tels que le gaz, l'électricité, l'eau, les services
postaux et les transports », condition
sine qua non
selon elle
de l'achèvement du
marché
intérieur européen.
La proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil
relatif à l'action des Etats membres en matière d'exigences de
service public et à l'attribution de contrats de service public dans le
domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie
navigable, rend compte de cette volonté d'accélérer
l'achèvement du marché unique européen.
Outre que cette dernière est contraire à l'accord conclu le
22 novembre 2000, dans le cadre des négociations sur le
« paquet ferroviaire », entre le Conseil des ministres de
l'Union européenne et le Parlement, de reporter à l'horizon 2005
les négociations concernant la libéralisation du transport de
voyageurs par chemin de fer, elle ouvre la voie à une remise en cause du
principe de subsidiarité selon lequel le domaine des services publics
est, dans la tradition des traités européens,
considéré par l'Union comme relevant de la compétence
souveraine des Etats membres. Elle fait peser de graves menaces quant au
respect des principes fondamentaux du service public (continuité,
égalité de traitement assise sur la péréquation
tarifaire, mutabilité, garantie d'accès, neutralité et
transparence).
L'introduction d'une concurrence qualifiée de régulée
-forme apparentée, mais néanmoins dénaturée de ce
que l'on désigne en France sous le terme de
gestion
déléguée
- consistant par le biais de la
procédure d'appel d'offres à octroyer des « contrats de
service public » d'une durée de cinq ans, comporte plusieurs
risques dont les plus préoccupants méritent d'être
soulignés. L'adoption de la proposition de règlement peut
remettre en cause l'organisation des services publics de transport et
compromettre leur développement en phase avec l'évolution de la
société et les besoins nouveaux.
Le premier de ces risques réside dans la perte de la liberté de
choix du mode des transports collectifs que les autorités
compétentes souhaitent développer. En France, les
collectivités territoriales ont le choix entre trois modes de gestion
des services publics de transport que sont la gestion directe (régie),
la gestion indirecte (confiée à un établissement public ou
à une société d'économie mixte) ou la gestion
déléguée (confiée généralement
à une entreprise privée pour une durée
déterminée). La gestion déléguée constitue,
de longue expérience, la forme d'organisation la plus couramment
adoptée par les autorités organisatrices (près de 70% des
situations en province).
Ce risque de perte de la libre administration des collectivités
territoriales, que garantit pourtant l'article 72 de notre constitution, peut
s'analyser d'un double point de vue.
En premier lieu, la réversibilité des choix (révision ou
résiliation du contrat), droit constitutif de la libre administration
des collectivités territoriales, n'est en aucun cas assurée par
les nouvelles règles de la concurrence introduites par la proposition de
règlement.
En second lieu, l'essor actuel de firmes multinationales cherchant à
pénétrer simultanément l'ensemble des services pour y
acquérir, à l'image de Vivendi (présente entre autres,
dans des domaines aussi variés que l'eau, les
télécommunications et l'audiovisuel) une identité
multiservices mérite toute notre attention. La constitution d'une telle
identité multiservices confère aux firmes opératrices,
multinationales à assise nationale ou étrangère, un
véritable pouvoir de domination, exercé notamment en
matière d'information, de gestion et d'utilisation des financements
publics. A l'heure où la notion de transparence est sans cesse
invoquée, il serait paradoxal que de telles asymétries soient
à l'origine d'un déséquilibre du rapport de forces entre
parties contractantes au profit des firmes opératrices.
Dans le contexte actuel de mondialisation, le développement de grandes
métropoles et leur mise en réseau sous l'impulsion des nouvelles
technologies de communication (émergence de gigantesques centres
d'affaires) peut conduire à une marginalisation de certaines zones
urbaines et à un fractionnement régional du territoire,
fractionnement ayant son corollaire, sur le plan strictement urbain, dans la
constitution de poches d'exclusion (zones périurbaines, zones
rurales...). Ce danger est d'autant plus évident que la proposition de
règlement rend possible l'exploitation de certaines parties des
réseaux de transports urbains, pouvant provoquer une atomisation de
certains réseaux de transports collectifs dont la cohérence
était jusque là assurée.
C'est donc la fonction d'intégration territoriale et plus largement
sociale qui est en jeu.
L'ajout d'une liste de critères de qualité visant à rendre
compatible la concurrence avec les missions de service public, outre qu'elle
n'est pas exhaustive, comporte un danger majeur, celui d'une réification
de la notion de service d'intérêt général dont la
conceptualisation fondée sur quelques principes abstraits permet
précisément une adaptabilité aux besoins nouveaux.
Si, en ce domaine, la production du droit communautaire par la Commission
(directive, règlement...) est dominée par une vision strictement
économique, la production de la jurisprudence de la Cour de justice des
communautés européennes est quant à elle plus conforme
à l'esprit du droit public français, qui intègre la
dimension sociale
(2(
*
))
. Face à ce qui
s'apparente à une contradiction, la précipitation actuelle de la
Commission pourrait s'expliquer, en autre, par le souhait de combler le vide
juridique actuel au niveau communautaire.
L'imposition d'une norme en matière de durée des contrats
fixée à cinq ans constitue le deuxième risque. Cette
période est, dans le cas général, trop courte pour que la
programmation des investissements en infrastructures nécessitant un
horizon d'amortissement long puisse être envisagée correctement.
La menace d'une dérive vers une exigence de rentabilité à
plus court terme, préjudiciable à la qualité et à
l'efficience des services publics de transports n'est pas à
écarter. Elle s'ajoute à celle d'une faiblesse du niveau
d'investissement préjudiciable à l'entretien et au
développement des réseaux de transport collectif.
Le troisième risque porte sur une possible détérioration
des conditions de travail et de rémunération du personnel. La
préservation de la qualité et de la disponibilité des
services publics de transport suppose que toute nouvelle firme respecte les
conventions collectives en vigueur dans l'Etat où elle souhaite
opérer et qu'elle s'engage à maintenir l'ensemble du personnel.
Enfin, le risque, sur le plan tant national qu'européen, d'une
réduction d'emploi, associée à la multiplication des
formes précaires de gestion de main-d'oeuvre, observable dans de
nombreux autres domaines publics libéralisés, est bien
réel.
A contrario
, l'efficience, la qualité et la disponibilité
des services publics exigent une main-d'oeuvre qualifiée et stable,
formée aux nouvelles technologies. Une telle main-d'oeuvre constitue
aussi un facteur fondamental d'intégration sociale.
Face à ces graves menaces contre l'avenir même des services
publics de transport, les auteurs soumettent cette proposition de
résolution à votre approbation.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Vu
l'article 88-4 de la Constitution ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne et
notamment ses articles 5 et 16 ;
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du
Conseil relatif à l'action des Etats membres en matière
d'exigences de service public et à l'attribution de contrats de service
public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route
et par voie navigable (Com (2000) 7 final du 26 juillet 2000 / E1587) ;
Considérant que les transports publics de voyageurs ressortissent aux
missions de service d'intérêt général et que leur
développement constitue un enjeu de société ;
Considérant que les transports publics constituent un droit
nécessitant un financement public propre à assurer une politique
de développement de réseaux publics de transport collectif de
voyageurs ; que cette même politique doit contribuer à la
promotion des transports favorisant l'amélioration des conditions de
vie, la protection de l'environnement, la prévention de la pollution et
l'aménagement du territoire dans le respect des principes du
développement durable ;
Considérant que l'article 4 de la proposition de règlement
susmentionnée impose aux autorités publiques compétentes
de fournir « des services de transports publics de voyageurs
suffisants et d'un niveau de qualité et de disponibilité
élevé » ;
Considérant que la proposition de règlement susmentionnée
a pour objet « l'harmonisation des principaux aspects des
procédures d'adjudication appliquées dans les Etats
membres » ainsi que le renforcement de la sécurité
juridique des opérateurs et des autorités ayant trait aux
subventions publiques et à l'attribution de droits exclusifs dans le
domaine des transports ;
Considérant que la proposition de règlement susvisée
s'appuie sur les conclusions du Conseil européen de Lisbonne du
28
mars 2000 visant à « accélérer la
libéralisation dans les domaines tels que (...) le
transport » ;
Considérant que, à cette fin, la proposition de règlement
susmentionnée a pour but de développer « une
concurrence régulée » dans le domaine des transports
publics à travers la signature de « contrats de service
public » d'une durée de cinq ans entre opérateurs et
autorités publiques ;
Considérant que selon la proposition de règlement
susvisée, « la concurrence régulée »
consiste en l'octroi par voie d'appel d'offres de droits exclusifs permettant
à un opérateur d'exploiter les services de transport de voyageurs
« sur une ligne, un réseau ou dans une zone
donnée » ;
Considérant que dans certains pays membres, il existe une organisation
cohérente des réseaux de transport urbains et régionaux
favorisant les synergies entre les différents modes de transports ;
que dans les zones urbaines, cette organisation est profitable aux usagers qui
bénéficient d'un système de correspondances et de tarifs
uniques et abordables sur l'ensemble du réseau ; et que dès lors,
cette cohérence risque d'être rompue du fait de l'introduction de
« la concurrence régulée » telle que
définie par la proposition de règlement susvisée ;
Considérant que dans l'absolu et plus encore si le risque d'atomisation
des réseaux de transports était avéré suite
à l'introduction de la « concurrence
régulée » telle que définie par la proposition
de règlement, la tarification au coût marginal, propre dans le
cadre d'une gestion privée, à assurer une rentabilité
optimale, conduirait à une remise en cause de la
péréquation tarifaire nécessaire à assurer la
cohérence et la qualité des réseaux de transports
collectifs ;
Considérant que l'article 16 du traité instituant la
Communauté européenne souligne le rôle joué par les
services d'intérêt général dans la
« promotion de la cohésion sociale et territoriale de
l'Union » et invite la Communauté et les Etats membres
à veiller « à ce que ces services fonctionnent sur la
base des principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs
missions » ;
Considérant que le Conseil européen de Nice des 6, 8, 9
décembre 2000 reconnaissant le rôle unique et indispensable
joué par les services d'intérêt général a
réaffirmé que « les Etats membres sont libres de
définir les missions ainsi que les modalités de gestion et de
financement des services d'intérêt économique
général » ;
Considérant que résultant de traditions et de conceptions leur
étant propres, l'organisation et la gestion des services de transports
publics de voyageurs sont très variables d'un pays membre à
l'autre ; que cette même diversité de conception
préside aux choix des modalités selon lesquelles les
autorités compétentes souhaitent aujourd'hui développer de
manière efficiente leur réseau de transport pour répondre
aux nouveaux besoins ; que l'obligation de recourir à la
procédure d'appel d'offres inscrite dans la proposition de
règlement susvisée, risque de faire perdre à ces
mêmes autorités leur liberté de choix en matière
d'organisation des transports collectifs portant ainsi atteinte au principe de
libre administration des collectivités territoriales des Etats membres,
consacré, en ce qui concerne la France, à l'article 72 de la
Constitution ;
Considérant que, ne tenant pas compte de la décision du Conseil
de l'Union européenne et du Parlement, réunis le
22 novembre
2000 au titre de la conciliation sur le paquet ferroviaire, de reporter
à une date ultérieure les négociations concernant la
libéralisation du transport de voyageurs par chemin de fer, la
proposition de règlement susvisée qui réintroduit une
concurrence intermodale, risque en l'absence de règles réellement
contraignantes, d'être contraire à la promotion des transports
collectifs respectueux de l'environnement, comme elle risque d'aboutir à
la marginalisation des zones éloignées des centres urbains,
générant ainsi des inégalités entre pôles
urbains et arrières pays, préjudiciables à la
cohérence territoriale et à l'intégration sociale ;
Considérant que les dispositions prévues au paragraphe 2 de
l'article 9 de la proposition de règlement permettent à une
autorité compétente de refuser l'octroi de droits exclusifs
à un opérateur au seul motif que ce dernier détiendrait
plus du quart du marché considéré de services de
transports publics de voyageurs, pourraient contribuer au morcellement des
réseaux de transport, ainsi qu'à l'exclusion des
opérateurs historiques ;
Considérant que l'article 6 de la proposition de règlement
susmentionnée fixe pour le cas général la durée des
contrats de service public à 5 ans, alors que les exigences actuelles en
matière de développement des réseaux de service de
transport public de qualité et de sécurité exigent la
programmation d'investissements sur le long terme qu'un horizon limité
à cinq ans ne permet pas, dans la majorité des cas
d'amortir ;
Considérant que le paragraphe 3 de l'article 9 de la proposition de
règlement susmentionnée n'est pas suffisamment contraignante
quant à l'obligation dévolue à tout nouvel
opérateur de maintenir les droits sociaux du personnel de l'entreprise
lors de l'établissement d'un nouveau contrat ;
Considérant que l'annexe II de la proposition de règlement
susvisée, autorise à traiter comme des entreprises communautaires
les opérateurs de certains pays candidats à l'Union
européenne et donc à leur accorder le droit
d'établissement ; que dès lors, ces mêmes pays
disposant d'avantages concurrentiels en raison de leur actuel niveau de
développement, le risque existe que l'ouverture de nouvelles lignes ou
la mise en place de nouveaux réseaux provoquent des distorsions
préjudiciables à une organisation efficiente de services de
transports publics de voyageurs de qualité ;
Considérant que dans les cas de non respect des exigences en
matière de service d'intérêt général ou
lorsqu'une autorité compétente souhaite promouvoir avant
l'échéance du contrat, un projet de développement de
transports favorisant la prévention de la pollution, la proposition de
règlement susvisée ne prévoit aucune disposition
permettant la réversibilité du contrat ;
Considérant enfin que la liberté contractuelle, symptomatique
d'une régulation par le marché, n'est pas assortie de
règles de concurrence suffisamment contraignantes afin de garantir au
champ visé par la proposition de règlement susmentionnée
les exigences qui relèvent des missions d'intérêt
général, le Sénat :
1- Constate que la proposition de règlement susvisée n'est pas
conforme au principe de subsidiarité tel que le définit l'article
5 du traité instituant la Communauté européenne ;
2- Estime que, la diversité actuelle des conceptions en matière
d'organisation et de gestion des services de transports publics mérite
d'être préservée afin que les autorités
compétentes puissent choisir les modes d'organisation et de gestion des
transports publics à la fois les plus efficients et les mieux
adaptés au plan local et ce dans le respect du principe de
subsidiarité ;
3- Refuse que les transports de voyageurs par chemin de fer soient
intégrés au champ d'application de la proposition de
règlement susmentionnée ;
4- Estime que l'introduction d'une « concurrence
régulée » conduirait au morcellement des réseaux
de transports urbains, préjudiciable à son organisation optimale,
aux exigences en matière de service d'intérêt
général (péréquation tarifaire, tarification
abordable pour l'ensemble des usagers, services de correspondance de
qualité...) et en dernière instance aux attentes des
usagers ;
5- Juge que la situation de « concurrence
régulée » estimée comme une situation
intermédiaire entre « marché fermé »
(monopole) et marché déréglementé (absence de
droits exclusifs) est incompatible avec les exigences de fournir des services
de transports publics de voyageurs de qualité en conformité avec
les principes d'universalité, de sécurité, de respect de
l'environnement et d'intégration sociale et territoriale ;
6- Juge fondamental que les dispositions prévues au paragraphe 3 de
l'article 9 soient rendues plus contraignantes afin qu'en cas de transferts des
droits de propriété, les droits sociaux du personnel soient
maintenus par le nouvel opérateur ;
7- Exige que des clauses sociales de sauvegarde soient introduites au
paragraphe 3 de l'article 9 de la proposition de règlement
susvisée afin d'éviter une concurrence déloyale lors de
l'ouverture de nouvelles lignes ou lors de la mise en place de nouveaux
réseaux de transport ; ou à défaut, que l'annexe II
de la proposition de règlement susvisée, soit
supprimée ;
8- Juge inopportun, notamment en ce qui concerne les réseaux de
transports urbains (métro, bus, tramway...) que les droits exclusifs
puissent être accordés lignes par lignes ;
9- Juge indispensable l'abrogation des dispositions prévues au
paragraphe 2 de l'article 9 ;
10- Demande, en conséquence, au gouvernement français de
s'opposer à l'adoption de la présente proposition de
règlement.
1
Cf. le différend qui oppose aujourd'hui la
Commission de Bruxelles et le gouvernement français quant à
l'application de la directive gaz.
2
Cf notamment les arrêts Corbeau, Commune d'Almelo et Gemente
Arnhem. Dans l'arrêt
Corbeau
, par exemple, la Cour de justice des
Communautés européennes relève que :
«
La Régie des Postes est chargée d'un service
d'intérêt économique général consistant dans
l'obligation d'assurer la collecte, le transport et la distribution du
courrier, au profit de tous les usagers, sur l'ensemble du territoire de l'Etat
membre concerné, à des tarifs uniformes et des conditions de
qualité similaires, sans égard aux situations
particulières et au degré de rentabilité économique
de chaque opération individuelle
».