Limitation du recours aux dispositions fiscales rétroactives
N° 53
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 novembre 1999
PROPOSITION DE LOI
CONSTITUTIONNELLE
limitant le
recours
aux
dispositions fiscales
rétroactives
,
PRÉSENTÉE
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Impôts et taxes. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le principe de sécurité juridique est une condition
essentielle de bon fonctionnement des sociétés.
Il implique
que chaque citoyen puisse connaître, à l'avance et de
manière précise, les avantages et les inconvénients de ses
actes eu égard aux règles juridiques qui s'imposent à lui.
Concrètement, la sécurité juridique implique que la norme
juridique soit accessible, claire et prévisible.
Elle garantit donc
la stabilité des situations juridiques, notamment en s'opposant à
leur remise en cause par des normes rétroactives.
Or, la multiplication, au cours de ces dernières années, de
dispositions fiscales soit rétroactives, soit rétrospectives
(comme l'abrogation par anticipation d'avantages fiscaux concernant des
opérations étalées sur plusieurs années) a
contribué à développer un sentiment
d'insécurité juridique fort parmi les contribuables.
Cette situation entraîne deux effets pervers.
D'une part, elle altère l'esprit d'entreprise des contribuables :
si l'environnement juridique de l'entreprise ou du patrimoine devient instable,
toute prévision tend à devenir impossible et les agents
économiques ne sont plus encouragés à développer
leurs activités.
D'autre part, l'utilisation intempestive de la rétroactivité
affaiblit la crédibilité et l'efficacité de la politique
fiscale. En effet, les contribuables sont moins réceptifs aux
incitations fiscales de l'Etat dès lors que celles-ci peuvent être
effacées ou remises en cause après quelques années.
Certes, l'article 2 du code civil pose le principe selon lequel la loi ne
dispose que pour l'avenir ; elle n'a pas d'effet rétroactif.
Toutefois, la simple valeur législative du principe de non
rétroactivité, confirmée par le Conseil constitutionnel,
ne permet pas de l'imposer au législateur.
C'est la raison pour laquelle il a paru utile de faire évoluer
l'état du droit applicable.
Deux propositions de loi sont nécessaires pour limiter le recours aux
dispositions rétroactives.
Une proposition de loi organique (n° 54 ; 1999-2000)
déposée conjointement avec la présente proposition de loi
constitutionnelle énumère les principales mesures visant à
limiter le recours aux dispositions rétroactives.
Toutefois, compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel
concernant le domaine des lois organiques, une révision
constitutionnelle préalable apparaît nécessaire.
En effet, le Conseil constitutionnel estime qu'une loi organique ne peut
intervenir que dans les domaines et pour les objets limitativement
énumérés par la Constitution.
Or, aucune disposition constitutionnelle ne fait référence au
principe de non rétroactivité que nous souhaitons consacrer.
C'est la raison pour laquelle nous présentons la présente
proposition de loi constitutionnelle.
Son article unique
modifie le sixième alinéa de l'article
34 de la Constitution qui dispose que la loi fixe les règles concernant
l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de
toutes natures.
Il s'agit de préciser que les règles relatives
à l'assiette et au taux ne sont pas rétroactives sauf dans les
conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi constitutionnelle que
nous vous demandons de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
Le
sixième alinéa de l'article 34 de la Constitution est
remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« - l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des
impositions de toutes natures ; les règles relatives à
l'assiette et au taux ne sont pas rétroactives sauf dans les conditions
et sous les réserves prévues par une loi organique ;
« - le régime d'émission de la
monnaie. »