N°360
SENAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 18 mai 1999.
PROPOSITION DE LOI
tendant à éviter la double imposition des bailleurs pour l'exercice 1999,
PRÉSENTÉE
Par MM. Patrick LASSOURD, Gérard BRAUN, Louis ALTHAPÉ, Pierre ANDRÉ, Jean BERNARD, Roger BESSE, Jean BIZET, Paul BLANC, Dominique BRAYE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jacques CHAUMONT, Jean CHÉRIOUX, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Xavier DARCOS, Désiré DEBAVELAERE, Jean-Paul DELEVOYE, Jacques DELONG, Christian DEMUYNCK, Robert DEL PICCHIA, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Xavier DUGOIN, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Bernard FOURNIER, Philippe FRANÇOIS, Yann GAILLARD, Patrice GÉLARD, Alain GERARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Francis GIRAUD, Daniel GOULET, Alain GOURNAC, Adrien GOUTEYRON, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Emmanuel HAMEL, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Alain JOYANDET, Lucien LANIER, Gérard LARCHER, René-Georges LAURIN, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Serge LEPELTIER, Bernard MURAT, Paul NATALI, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM. Jacques OUDIN, Joseph OSTERMANN, Jacques PEYRAT, Victor REUX, Henri de RICHEMONT, Jean-Jacques ROBERT, Michel RUFIN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Louis SOUVET, Maurice ULRICH, Jacques VALADE, Alain VASSELLE, Serge VINÇON et Guy VISSAC,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Impôts et taxes. - Droit au bail - Code général des Impôts.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
L'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 a réformé le droit au bail et sa taxe additionnelle en les remplaçant par deux contributions représentatives de ce droit et de cette taxe recouvrée selon les modalités de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés selon le régime fiscal dont relève le bailleur.
Cette réforme répond incontestablement à un objectif de simplification administrative. Elle tend en effet à supprimer, dès l'année 1999, les obligations déclaratives particulières au droit au bail qui pesaient jusqu'à ce jour sur les bailleurs.
Elle permettra par conséquent de supprimer plus de 5 millions de déclarations au grand bénéficie de nos concitoyens et d'alléger d'autant le travail de nos services fiscaux.
Cependant, 1' absence de prise en compte par le gouvernement des conséquences de la transition entre les deux systèmes fiscaux aboutit aujourd'hui à une double imposition manifeste des bailleurs. Ceux-ci ont en effet acquitté le montant de leur droit au bail et de la taxe additionnelle pour les neuf premiers mois de l'année 1998 en novembre dentier et vont voir leurs contributions représentatives pour l'exercice 1999 calculées sur la base de leurs revenus locatifs de l'ensemble de l'année 1998.
Certes, les bailleurs n'acquittent l'impôt sur leur droit de bail qu'une fois par année civile. Ce fut les cas en novembre 1998 et la prochaine imposition n'interviendra qu'en septembre 1999, lors du versement du dernier tiers de l'impôt sur le revenu ou pour les personnes mensualisées lors de leur cotisation d'impôt d'octobre.
Mais, la prise en compte dans les bases d'imposition des contributions de droit au bail pour 1999 des neuf premiers mois de 1998, pourtant déjà taxés, ne peut s'analyser que comme une double imposition.
Plusieurs preuves en sont d'ailleurs données par le dispositif même de l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998.
Cependant, peut-on affirmer qu'il n'y a pas double imposition et dans le même temps prévoir qu'en cas de cessation de location d'au moins neuf mois de l'immeuble taxé, le Trésor remboursera au propriétaire sa contribution ? On ne peut envisager que l'Etat ait en l'espèce décidé de faire un cadeau aux contribuables, ce qui d'ailleurs aboutirait à un enrichissement sans cause. En conséquence, le dégrèvement institué par le nouvel article 234 decies du code général des impôts ne peut se justifier que par l'exercice d'une imposition non fondée puisque versée alors que les loyers n'ont en réalité pas été perçus.
Comment justifier que le troisième alinéa du III de l'article 234 quater du code général des impôts permette aux personnes morales bailleurs de réduire spontanément leur contribution payée à la date fixée par le 2 de l'article 1668 du code général des impôts lorsque leurs recettes prévisibles de location pour l'année d'exercice risquent d'être inférieures à l'évaluation qu'en aura faite le Trésor sur le fondement de la déclaration des recettes perçues à ce titre pour l'année 1998 lors de la déclaration de l'impôt sur les sociétés ?
Comment affirmer qu'il n'y a pas de double imposition lorsqu'une note de la direction générale des impôts du 16 juillet 1998 (citée dans le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998 , n° 116 1998-1999 p. 85) précise qu'« à titre de transition et pour supprimer la double imposition sur les neuf mois compris à la fois dans l'assiette de l'ancien droit de bail et dans l'assiette de la nouvelle contribution, celle-ci sera plafonnée au montant qui aurait été exigible en l'absence de modification de la législation : un dispositif de remboursement du trop-perçu éventuel (personnes physiques) ou d'imputation (personnes morales) serait mis en place ».
Il est donc clair que l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 1998 a instauré, sous couvert de simplification, une double imposition, en particulier à rencontre des bailleurs personnes physiques.
Or, l'existence du mécanisme de dégrèvement défini par l'article 234 decies du code général des impôts ne permet pas de sauvegarder les intérêts légitimes des propriétaires bailleurs. En effet, ce mécanisme ne joue que si la cessation de location dure au moins neuf mois. En cas d'arrêt de location d'une durée inférieure, le propriétaire ne recevra aucune compensation.
De plus, le dispositif de l'article 234 decies du code général des impôts va obliger le propriétaire bailleur à engager, pour obtenir un éventuel remboursement de ses contributions trop perçues, une démarche -spécifique auprès des services fiscaux qui n'aboutira pas avant plusieurs années.
Afin d'éviter de tels dysfonctionnements qui pénalisent lourdement les propriétaires bailleurs, il convient donc de tirer toutes les conséquences de la mise en place du nouveau dispositif de déclaration fiscale des contributions représentatives de droit au bail en proposant à titre transitoire, que pour l'année 1999, leurs nouvelles contributions dues par les bailleurs soient calculées sur la base des revenus locatifs perçus pour les mois d'octobre à décembre 1998.
Cette proposition avait d'ailleurs été faite par plusieurs parlementaires lors des débats sur la loi de finances rectificative pour 1998. Elle n'a été refusée par le gouvernement qu'aux motifs qu'un tel dispositif équivaudrait pour l'Etat à un manque à gagner par rapport à ses prévisions de recettes pour 1999 de 7 milliards de francs.
Cependant, l'égalité devant la loi et les charges publiques justifie de ne pas spolier les propriétaires bailleurs de ces 7 milliards de francs et de leur faire injustement payer les erreurs d'évaluations fiscales du gouvernement.
En conséquence, il vous est proposé d'adopter, Mesdames, Messieurs, la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Le I de l'article 234 bis du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« A titre transitoire, cette contribution sera, pour l'exercice 1999, assise sur les recettes nettes perçues au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 1998. »
Article 2
Le I de l'article 234 nonies du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée :
« A titre transitoire, cette contribution sera, pour l'exercice 1999, assise sur les recettes nettes perçues au cours des mois d'octobre, novembre et décembre 1998. »
Article 3
L'article 234 decies du code général des impôts est supprimé.
Article 4
Les pertes subies par l'Etat découlant de l'application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.