N° 139

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 1" décembre 1997

PROPOSITION DE LOI

tendant à créer un Comité national d'éthique du développement,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mme Nicole BORVO, MM. Jean DERIAN, Michel DUFFOUR, Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Robert PAGES, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Environnement - Ecologie - Economie internationale - Pays en voie de développement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, qui s'est tenue à Rio de Janeiro du 3 au 14 juin 1992, a, par la « Charte de la Terre », énoncé vingt-sept principes d'une bonne gestion des ressources de la planète, reprenant sommairement et partiellement la logique du « développement durable ».

Mais si elle a consacré de grands principes comme ceux de précaution et de réparation, force est de constater que les entreprises du « Nord » font fi de ces principes dans le cadre de leurs activités sur le territoire des pays en voie de développement.

C'est par exemple le cas des compagnies pétrolières occidentales qui, depuis les années soixante-dix, exploitent les ressources du parc Yasuni, patrimoine écologique et culturel de l'humanité, en Amazonie équatorienne, dans des conditions et selon des méthodes qui transgressent la réglementation internationale, portent directement atteinte à l'environnement, aux populations locales et engagent l'avenir de la planète.

De telles pratiques ne pourront être qu'encouragées par la signature des accords du GATT et l'exacerbation de la guerre économique que se livrent les grandes puissances, qui sacrifient à la logique de rentabilité financière toute autre considération, notamment celles portant sur une meilleure utilisation des ressources écologiques.

Si les organismes internationaux jouent un rôle majeur dans la prise de conscience des limites de notre planète, il serait contraire à tout principe de solidarité de leur déléguer toutes nos responsabilités (celles des pays du Nord) dans ce domaine.

Chacun, là où il vit, doit initier toutes les réflexions, développer toutes les actions nécessaires à cette prise de conscience, dans le cadre global d'un rapport nouveau au développement, à l'énergie, à l'avenir.

La France peut et doit prendre la tête de ce processus, notamment en oeuvrant à la constitution d'un code de bonne conduite à l'usage des entreprises françaises opérant dans le monde.

L'élaboration d'une charte de bonne conduite ne peut être engagée que dans le débat public.

Le décret n° 93-744 du 29 mars 1993 a porté création de la Commission (française) de développement durable, auprès du Premier ministre, afin :

« - de définir les orientations d'une politique de développement durable ;

« - de soumettre au Gouvernement des recommandations ayant pour objet de promouvoir ces orientations dans le cadre des objectifs arrêtés à l'occasion de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement. »

La Commission du développement durable doit également contribuer « à l'élaboration du programme de la France en matière de développement durable qui doit être présenté à l'arbitrage de la Commission du développement durable, placée auprès des Nations unies ». Elle doit enfin, à partir de cette année, remettre au Premier ministre un rapport rendu public.

La simple création d'une structure de conseil auprès du Premier ministre sur ces questions n'est certes pas néfaste. Il semble cependant d'un intérêt majeur de permettre à un organisme de ce type de jouir d'une « personnalité forte » permettant d'animer, voire d'initier, des débats publics sur le développement durable (ou, par néologisme, sur le développement « soutenable ») tels qu'énoncés ci-dessus.

Nous devons considérer le « droit à une planète saine » comme un droit inaliénable et sacré au sens du préambule de la Constitution de 1946. C'est donc davantage sur la loi que sur le Règlement que doit être fondé l'organe qui promeut et organise l'un des usages de ce droit.

L'article 1 er de la présente proposition vise, précisément, à fonder sur ce principe la création d'un Comité national d'éthique du développement.

* *

*

L'objectif de ce Comité national d'éthique du développement doit être plus large, en tout cas plus précis, que celui assigné à la Commission du développement durable.

Doivent notamment lui être confiées :

- la mission de l'élaboration et de la conduite d'un débat national sur le développement conduisant à l'adoption du code de bonne conduite pour les entreprises françaises prospectant ou exploitant les ressources naturelles des pays en voie de développement ;

- la définition concrète des principes de précaution et de réparation ;

- l'élaboration de toutes propositions utiles pour élaborer et conduire la politique de la France, à la fois en application des principes adoptés par la Conférence de Rio, et pour leur dépassement dans le cadre des négociations internationales.

C'est notamment l'objet de l'article 2 de la proposition.

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*

En outre, et d'une manière tout à fait naturelle, ce comité national ne peut pas limiter ces communications au Gouvernement.

- Il doit pouvoir auditionner toutes organisations ou personnalités d'importance significative, françaises ou étrangères, en direction de qui sa mission le conduit ou qui le sollicitent.

L'article 3 vise à mettre en oeuvre ces dispositions.

La responsabilité des citoyens comme des parlementaires français ne peut se limiter à l'invocation de conférences tenues par le passé et plus ou moins concrètement appliquées.

Si la force symbolique de Rio a été grande au regard des relations internationales, « la pérennité de cette force ne dépend pas de Rio, mais de nous tous ».

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter cette proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Il est créé un Comité national d'éthique du développement.

Article 2

Le Comité national d'éthique du développement est en priorité chargé d'initier et de conduire un débat national sur les notions de « développement durable » dégagées par la Conférence des Nations unies sur F environnement et le développement.

Il a pour mission, au terme d'un rapport rendu public à l'issue de ce débat :

- de définir les orientations d'une politique de développement durable ;

- de publier des recommandations ayant pour objet de promouvoir ou d'appliquer ces orientations, notamment en matière de « principe de précaution » et « de principe de réparation » ;

- d'oeuvrer à la rédaction d'un « code de bonne conduite » à l'usage des entreprises françaises dont l'activité dans les pays en voie de développement est susceptible d'avoir un impact important sur l'environnement et les populations autochtones.

Article 3

Dans le cadre de sa mission, le Comité national d'éthique du développement peut auditionner toutes organisations ou personnalités françaises ou étrangères.

Article 4

II est perçu une taxe due par les entreprises dont l'objet social induit la prospection, l'exploitation, l'importation ou la distribution de produits issus de ressources naturelles provenant des pays en voie de développement.

Le produit de cette taxe est affecté au financement de l'application des dispositions prévues aux articles 1 er à 3.

Article 5

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application des articles 1 er à 4.

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