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N° 197

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 janvier 1997.

PROPOSITION DE LOI

tendant à prévenir certaines plantations forestières,

PRÉSENTÉE

Par MM. Gérard BRAUN, Philippe FRANÇOIS,

Jean-Paul ÉMIN et Rémi HERMENT,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution

éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Bois et forêts.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

L'environnement et la protection des paysages sont devenus des éléments essentiels de notre vie sociale et, par conséquent, de notre droit.

Or, la déprise agricole et l'exode rural ont, en réduisant le nombre des exploitants, conduit de nombreux propriétaires de parcelles à planter celles-ci en forêt sans tenir compte des conséquences de telles plantations sur l'écosystème. Il en est résulté des phénomènes d'enclavement visuel et de fermeture de certains fonds de vallée, d'acidification des sols, voire d'altération de la qualité des eaux de certains cours d'eau.

Or, la législation en vigueur ne permet pas de prévenir efficacement de telles plantations abusives.

La réglementation des boisements, fondée sur l'article L. 126-1 du code rural, a, certes, pour objet de limiter l'avance des boisements sur des terres à vocation agricole.

Le périmètre et les mesures de réglementation des semis et plantations d'essences forestières sont institués par arrêté préfectoral sur proposition de la commission communale d'aménagement foncier. Trois zones peuvent être définies :

- une zone interdite pour une période maximum de six ans ;

- une zone subordonnée à autorisation préalable (appelée aussi « zone réglementée ») dont la validité est permanente ;

- enfin, une zone dite « libre », où seules s'appliquent les prescriptions prévues par le code civil.

Or, les arrêtés prévoyant des zones d'interdiction sont peu nombreux et n'ont, le plus souvent, pas été renouvelés à l'expiration du délai d'interdiction.

En principe, toute personne désirant procéder, à l'intérieur du périmètre réglementé, à des plantations ou à des semis d'essences forestières doit, au préalable, déposer à la préfecture une demande d'autorisation. Les directions départementales de l'agriculture et de la forêt instruisent le dossier et consultent pour avis les maires et les organisations professionnels agricoles.

Le préfet peut faire opposition au boisement pour l'un des motifs suivants :

- maintien à la disposition de l'agriculture des terres indispensables à l'équilibre économique des exploitants ;

- préjudice que les boisements pourraient causer aux terres agricoles en raison de l'ombre des arbres et de leurs racines ;

- difficultés que pourraient entraîner les boisements pour la réalisation des opérations d'aménagement foncier.

Le préfet peut, par ailleurs, subordonner une autorisation de boisement à certaines conditions :

- distance de recul vis-à-vis des fonds voisins non boisés ; les arrêtés instituant les réglementations de boisement prévoient, le plus souvent, une distance de 6 mètres ;

- limitation du choix des essences ; par exemple, les résineux sont généralement proscrits à proximité des cours d'eau.

En cas de boisement effectué sans autorisation ou si certaines conditions de réalisation ne sont pas respectées, le préfet met le contrevenant en demeure de détruire la plantation. Faute de s'y conformer dans le délai d'un an, le contrevenant est passible d'une amende. Il peut en outre être procédé à la destruction d'office du boisement irrégulier.

En fait, l'efficacité de la réglementation des boisements reste limitée.

Les mesures d'interdiction complète sont lourdes à mettre en oeuvre pour leur durée d'application (six ans) et ne sont que rarement utilisées.

S'agissant des demandes d'autorisation de boiser, l'existence d'agriculteurs candidats pour exploiter les parcelles est la principale raison conduisant l'autorité préfectorale à s'opposer à certains projets.

En cas de recours devant le tribunal administratif, les décisions d'opposition au boisement ont été souvent annulées. Ces jugements stipulaient que le caractère « indispensable à l'équilibre économique des exploitations... » des parcelles incriminées n'était pas formellement établi, et ce, quels que soient les arguments invoqués.

En revanche, les distances de recul imposées, de même que les limitations de choix d'essence, sont assez bien respectées et n'ont pas fait l'objet de contentieux.

En cas de boisements irréguliers, les maires sont souvent réticents à constater les infractions. En outre, lorsque le boisement devient vraiment gênant, les délais de prescription (six ans) ne permettent plus la mise en demeure ni d'éventuelles poursuites.

L'inefficacité de la réglementation résulte, pour l'essentiel, des faibles moyens qu'offrent les motifs de refus prévus par le code rural et rappelés ci-dessus. Un projet de décret a été établi par le ministère de l'agriculture en 1994, élargissant le champ des motifs de refus, et prenant en compte les aspects liés à l'environnement et au paysage mais, en raison d'un avis défavorable du Conseil d'État, le dispositif actuel est demeuré inchangé.

Pour remédier aux rigidités constatées, les auteurs de la présente proposition de loi estiment souhaitable, conformément à l'esprit des lois de décentralisation, de confier aux communes un moyen supplémentaire de maîtrise de leur sol.

Il s'agirait, en complétant l'article L. 123.1 du code de l'urbanisme, d'ouvrir aux communes, dans le cadre de l'élaboration des plans d'occupation des sols - procédure démocratique à laquelle toute commune peut recourir -, la possibilité de déterminer des zones non forestées, dont il appartiendrait ensuite au pouvoir réglementaire de préciser le régime, sous la forme d'une éventuelle zone « NF ».

La sanction serait la même que celle que fixe actuellement l'article L. 126-1 du code rural.

Quant aux communes non dotées d'un plan d'occupation des sols, elles pourraient toujours recourir aux dispositions du même article L. 126-1 du code rural, la législation actuelle pouvant continuer à s'appliquer.

PROPOSITION DE LOI

Article unique.

I. - À. - Après le 12° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, il est inséré un alinéa nouveau ainsi rédigé :

« 13° Délimiter les zones dans lesquelles des plantations et des semis d'essences forestières sont interdits ou réglementés. Au cas où des plantations ou semis seraient exécutés en violation de ces conditions, il est fait application du troisième alinéa de l'article L. 121-6 du code rural. »

B. - Un décret en Conseil d'État précise, en tant que de besoin, les modalités d'application du I ci-dessus.

II.- La première phrase du premier alinéa du 1° de l'article L. 126-1 du code rural est ainsi rédigée :

« - En dehors des communes dotées d'un plan d'occupation des sols et qui font application du 13° de l'article L. 123.-1 du code de l'urbanisme, les zones dans lesquelles des plantations et des semis d'essences fournies peuvent être interdits ou réglementés. »

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