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N° 97
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.
PROPOSITION DE LOI
tendant à renforcer les pouvoirs des agents de contrôle des organismes mentionnés aux articles L. 243-7 et L. 216-6 du code de la sécurité sociale dans la lutte contre le travail clandestin,
PRÉSENTÉE
Par MM. Bernard PLASAIT, Henri de RAINCOURT, Jacques DOMINATI, Jean-Paul ÉMIN, James BORDAS, François GERBAUD, Marcel-Pierre CLÉACH, Ambroise DUPONT, Mme Nelly OLIN, MM. Serge FRANCHIS, Michel DOUBLET, Roger BESSE, Rémi HERMENT, Louis-Ferdinand de ROCCA SERRA, Jean CLOUET, Jean-Pierre SCHOSTECK, André ÉGU, Nicolas ABOUT, Alain GOURNAC, Michel PELCHAT, Bernard BARBIER, Jacques DELONG, Jean-Claude CARLE, Charles-Henri de COSSE-BRISSAC, François TRUCY, Michel CALDAGUÈS, Emmanuel HAMEL, François MATHIEU, Edmond LAURET, Roger HUSSON, Martial TAUGOURDEAU, Jean BERNARD, Charles GINÉSY, Jean POURCHET, Alain GÉRARD, Robert CALMEJANE, Philippe de GAULLE, Christian DEMUYNCK et Alain VASSELLE,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle
d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Travail. -- Travail clandestin -- Code de la sécurité sociale .
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
L'article L. 324-9 du code du travail définit le travail clandestin comme : « la dissimulation de tout ou partie de l'une des activités mentionnées à l'article L. 324-10 et exercées dans les conditions prévues à cet article ».
L'article L. 324-10 dispose qu'est « réputé clandestin l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui se soustrait intentionnellement à l'une quelconque des obligations suivantes :
« -- requérir son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés lorsque celle-ci est obligatoire ;
« -- procéder aux déclarations exigées par les organisations de protection sociale et par l'administration fiscale ;
« -- en cas d'emploi salarié, effectuer au moins deux formalités prévues aux articles L. 143-3, L. 143-5 et L. 630 du code du travail (déclaration préalable d'embauché, inscription au registre unique du personnel, remise d'un bulletin de paie, tenue d'un livre de paie) ».
Le travail clandestin (par dissimulation d'activités et, plus encore, par dissimulation de salariés) occupe une place prépondérante dans le champ du travail illégal puisque plus des deux tiers (69 %) des délits relevés en 1994 répondent à cette qualification.
La seule verbalisation fait apparaître un nombre de salariés non déclarés d'environ 20 000 personnes en 1994, ce qui représenterait un montant de moins-values fiscales de 1,2 milliard de francs, le montant de la fraude aux cotisations sociales atteignant près de 890 millions.
Avec un nombre de travailleurs illégaux évalué à 1,5 million, le coût fiscal et social de ce phénomène avoisine les 160 milliards.
Contrairement à ce que suggère l'expression impropre de « travailleur clandestin », ce délit ne peut être relevé à rencontre du salarié dissimulé par son employeur. Victime du délit de travail clandestin commis par ce dernier, le salarié ne peut en être tenu pour responsable ou coresponsable.
Les agents de l'URSSAF et de la Mutualité sociale agricole effectuent des opérations de contrôle au cours desquelles ils découvrent des fraudes au droit du travail.
Leur mission est, en effet, de contrôler le respect des dispositions du code de la sécurité sociale, le recouvrement des cotisations en matière d'assurances sociales et l'application de certaines dispositions du code du travail (telles que celles relatives au travail clandestin).
Le contrôle des agents de l'URSSAF ne porte pas que sur l'assiette des cotisations. Les contrôleurs ont également compétence, au même titre que les inspecteurs du travail, pour vérifier que tous les salariés de l'entreprise sont bien déclarés.
L'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale permet aux fonctionnaires et agents chargés du contrôle de poser des questions directement aux salariés, notamment pour leur demander leurs nom, adresse, rémunérations, y compris les avantages en nature dont ils bénéficient. Il ne précise pas où ni quand cet interrogatoire peut avoir lieu.
Se fondant sur cet article, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 6 juin 1996, a considéré « Attendu qu'il résulte de ce texte que les agents de contrôle de l'URSSAF ne sont autorisés qu'à entendre les salariés eux-mêmes, dans l'entreprise ou sur les lieux du travail ; que les auditions opérées en violation de ce texte entraînent la nullité du contrôle. »
L'interprétation ainsi faite de l'article R. 243-59 -- qui ne mentionne expressément aucune condition particulière de lieu ou de temps pour ce droit d'interrogation du personnel reconnu à l'URSSAF -- est pour le moins étonnante, sauf à comprendre que les dispositions de cet article émanent du décret n° 96-91 du 31 janvier 1996 pris en application de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 -- article L. 243-11 du code de la sécurité sociale -- qui organise le contrôle dans l'entreprise.
Il convient donc, tant dans un souci de protection sociale des salariés que dans celui d'une concurrence loyale, d'accentuer les moyens de lutte contre le travail clandestin en permettant aux agents de contrôle d'interroger les salariés à leur domicile, étant entendu que les intéressés y parlent plus librement.
Pour ce faire, il est nécessaire de compléter l'article L. 243-11 du code la sécurité sociale.
Tels sont les motifs qui nous conduisent, Mesdames, Messieurs, à vous demander de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique.
L'article L. 243-11 du code de la sécurité sociale est complété par les deux alinéas suivants :
« Les agents de contrôle mentionnés aux articles L. 243-7 et L. 216-6 peuvent interroger les salariés à leur domicile.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. »