Disponible au format Acrobat (132 Koctets)

N° 230

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 15 février 1996.

PROPOSITION DE LOI

visant à réformer la faillite civile en Alsace-Moselle,

PRÉSENTÉE

Par MM. Philippe RICHERT, Daniel ECKENSPIELLER, Francis GRIGNON, Hubert HAENEL. Daniel HOEFFEL, Roger HUSSON, Jean-Louis LORRAIN, Jean-Pierre MASSERET, Charles METZINGER, Joseph OSTERMANN et Jean-Marie RAUSCH,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Droit local . Alsace - Consommateurs - Dettes - Faillite civile - Moselle - Particuliers - Surendettement.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Héritée d'une loi allemande de 1877, la faillite civile a été introduite en Alsace-Moselle en 1879. A l'heure actuelle, toujours en vigueur, elle a survécu aux évolutions législatives successives.

La faillite civile autorise les débiteurs domiciliés dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle à demander l'ouverture d'une procédure collective lorsqu'ils sont ni commerçants, ni artisans, ni agriculteurs et se trouvent en état « d'insolvabilité notoire ».

Cette faculté coexiste avec la possibilité de demander le bénéfice du règlement amiable et du redressement judiciaire civil mis en place par la loi du 31 décembre 1989 sur le surendettement.

Sur la base d'arguments, certes justifiés, des tentatives parlementaires de suppression totale ou partielle de la faillite civile alsacienne-mosellane ont vu le jour ces dernières années :

- d'une part, la faillite civile a vu son champ d'application réduit avec l'application du droit général des procédures collectives aux artisans et aux agriculteurs ;

- d'autre part, la procédure collective est orientée vers l'entreprise commerciale ou artisanale, et peu adaptée aux particuliers insolvables ;

- enfin, et surtout, cette procédure a entraîné des abus, d'ailleurs constatés, aussi bien en Alsace ou en Moselle que sur le reste du territoire, abus caractérisés par un recours frauduleux à la procédure de liquidation judiciaire qui permet d'effacer les dettes de façon quasi automatique.

Or, il s'est avéré que :

- les procédures de surendettement (loi du 31 décembre 1989) ne répondent pas aux situations d'insolvabilité les plus graves ;

- les abus constatés par les tribunaux sont relativement rares et concernent plus souvent certaines professions libérales que la grande majorité des débiteurs civils ;

- il demeure nécessaire, plus que jamais, de permettre à des débiteurs placés dans une situation de détresse due à des facteurs extérieurs, de trouver une issue acceptable.

C'est la raison pour laquelle la commission d'harmonisation du droit privé alsacien-mosellan a été consultée.

Cette proposition de loi reprend intégralement les modifications suggérées par la commission d'harmonisation. Ces modifications visent à :

- encadrer plus strictement la pratique actuelle de la faillite civile et d'éviter les abus constatés ;

- faciliter la recherche d'un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers ;

- rétablir le droit de poursuite individuel des créanciers dans les cas où le débiteur a manifesté sa mauvaise foi.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

L'article 234 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises est ainsi rédigé :

« Art. 234. - Les articles 22, 23 et 24 de la loi du 1 er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle sont abrogés et remplacés par les dispositions du titre IX. »

Art. 2.

La loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 précité est complété in fine par un titre IX intitulé : « Dispositions particulières applicables dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle » et comprennent les dispositions suivantes :

« Art. 244. - Les dispositions des titres I à IV et du titre VIII de la loi sont applicables aux personnes physiques domiciliées dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle et à leur succession, qui ne sont ni des commerçants, ni des artisans, ni des agriculteurs, lorsqu'elles sont en état d'insolvabilité manifeste sous réserve des dispositions qui suivent.

« Art. 245. - Dans le jugement d'ouverture, le tribunal désigne le juge commissaire qui peut être un juge du siège du tribunal de grande instance ou un juge chargé du service du tribunal d'instance du domicile du débiteur ; il désigne également un mandataire chargé de vérifier les créances déclarées dans les conditions fixées par les articles 100 à 105, d'établir un rapport d'enquête sur la situation du débiteur et sur la possibilité d'établir un plan de redressement selon les modalités déterminées par l'article 246.

« Le mandataire désigné en vertu du premier alinéa peut être soit un mandataire judiciaire habilité en application de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise, soit toute autre personne qualifiée remplissant les conditions d'aptitude définies par un décret en Conseil d'État.

« Art. 246. - Le jugement de redressement judiciaire ouvre une période d'observation dont la durée est fixée dans les conditions prévues par l'article 140.

« Pendant cette période, la commission de surendettement des particuliers, établie en application du livre III du code de la consommation, peut être chargée par le tribunal d'une mission de conciliation dans les conditions définies par ces dispositions.

« Art. 247. - En cas d'accord entre le débiteur et ses créanciers, le plan est homologué par le tribunal qui lui confère force exécutoire. l'homologation met fin à la procédure.

« A défaut d'accord, le tribunal peut arrêter un plan de redressement dans les conditions du titre premier de la loi.

« Art. 248. - La liquidation judiciaire est prononcée en cas d'échec des pourparlers ou si un plan de redressement ne peut être arrêté.

« La liquidation judiciaire peut également être prononcée en tout état de cause lorsque le redressement de la situation du débiteur est manifestement impossible.

« La liquidation judiciaire est régie par les dispositions du titre III de la loi.

« Si un mandataire judiciaire n'a pas été précédemment désigné, le tribunal nomme en cette qualité un mandataire judiciaire à la liquidation des entreprises.

« Art. 249. - Les effets de la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif sont déterminés dans les conditions fixées par l'article 169.

« En outre, les créanciers recouvrent l'exercice individuel de leurs actions dans les cas suivants :

«- si le débiteur a organisé volontairement son insolvabilité ;

« - si le débiteur a dissimulé tout ou partie de son patrimoine ou de ses revenus ;

« - si le débiteur a, de mauvaise foi, omis de remettre au mandataire de justice ou à la personne ou organe habilité la liste complète et certifiée conforme de ses créanciers et le montant de ses dettes dans les huit jours suivant le jugement d'ouverture ;

« - si le débiteur a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire antérieure, clôturée pour insuffisance d'actif.

« Le tribunal statue sur les effets de la clôture au vu du rapport du mandataire et du juge commissaire.

« Art. 250. - L'assiette et la liquidation de la taxe sur les frais de justice en matière de redressement et de liquidation sont provisoirement réglées conformément aux dispositions des lois locales. »

Art. 3.

L'article L. 912-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :

« Art. L. 912-1. - En matière de redressement ou de liquidation judiciaires des débiteurs qui ne sont ni des commerçants, ni des artisans, ni des agriculteurs et qui se trouvent en état d'insolvabilité manifeste, le tribunal de grande instance remplit les fonctions attribuées par la loi au tribunal de commerce. Toutefois, les fonctions de juge commissaire peuvent être aussi exercées par un juge du siège du tribunal de grande instance ou par un juge chargé du service du tribunal d'instance du domicile du débiteur. »

Art. 4.

L'article 913-3 du code de l'organisation judiciaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctions du juge commissaire peuvent être exercées par un juge consulaire, par un juge du siège du tribunal de grande instance ou par un juge chargé du service du tribunal d'instance du domicile du débiteur. »

Page mise à jour le

Partager cette page