Renforcer l'indépendance des médias et mieux protéger les journalistes (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 741

SÉNAT


SESSION DE DROIT EN APPLICATION DE L’ARTICLE 12 DE LA CONSTITUTION

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 juillet 2024

PROPOSITION DE LOI


visant à renforcer l’indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes,


présentée

Par Mme Sylvie ROBERT, M. Patrick KANNER, Mmes Marie-Pierre MONIER, Colombe BROSSEL, M. Yan CHANTREL, Mme Karine DANIEL, MM. Jean-Jacques LOZACH, David ROS et Adel ZIANE,

Sénatrices et Sénateurs


(Envoyée à la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi visant à renforcer l’indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes


Chapitre Ier

DU RENFORCEMENT DE L’INDÉPENDANCE DES MÉDIAS


Article 1er


Le troisième alinéa de l’article 3-1 de la loi  86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle apprécie le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes diffusés, en tenant compte, selon des modalités qu’elle détermine, de la diversité des sujets et des points de vue exprimés et des interventions de l’ensemble des participants, qui incluent les personnalités politiques et tout intervenant dès lors qu’il influe sur le débat et la vie politiques. »


Article 2

La loi  86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :

1° L’article 42-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Si la personne faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci ou si elle fait l’objet d’au moins deux mises en demeure, sur une période de trois ans, pour un manquement à ses obligations ou aux principes mentionnés aux articles 1er et 3-1, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une des sanctions suivantes : » ;

b) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une personne fait l’objet d’au moins trois mises en demeure, sur une période de trois ans, pour des manquements à ses obligations ou aux principes mentionnés aux articles 1er et 3-1 et qu’elle porte manifestement et gravement atteinte à la vie démocratique de la Nation, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle peut prononcer la sanction prévue au 4°. » ;

c) La première phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « Sans préjudice des secrets protégés par la loi, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique rend publique la sanction prononcée. » ;

2° La première phrase du premier alinéa de l’article 42-3 est complétée par les mots : « , ou en cas d’atteinte manifeste et grave à la vie démocratique de la Nation ».


Article 3

L’article 30-8 de la loi  86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) La deuxième phrase est complétée par les mots : « au moyen d’un mécanisme de saisine en ligne facilement accessible » ;

b) La dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Il rend public l’ensemble de ses avis ainsi que son bilan annuel. Un membre du comité assiste aux conseils d’administration des personnes titulaires des autorisations de diffusion de services dans des conditions fixées par décret. » ;

2° Après la deuxième phrase du dernier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée : « La liste des membres est rendue publique et facilement accessible. »


Article 4

Le dernier alinéa de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifié :

1° La deuxième phrase est complétée par les mots : « , sur le fondement de la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes de 1971, de la Charte d’éthique mondiale des journalistes de 2019 et de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes de 2011 » ;

2° Après l’avant-dernière phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le Conseil de déontologie journalistique et de médiation contrôle la conformité de cette charte avec la Déclaration des devoirs et des droits des journalistes de 1971, la Charte d’éthique mondiale des journalistes de 2019 et la Charte d’éthique professionnelle des journalistes de 2011. »


Chapitre II

DE LA PROTECTION DES JOURNALISTES


Article 5

I. – L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« I. – Afin de garantir l’information du public, le secret des sources est protégé. Il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues au titre XXXIV du livre IV du code de procédure pénale.

« A droit à la protection du secret des sources :

« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne ou de communication audiovisuelle ou d’une ou de plusieurs agences de presse, pratique le recueil d’informations et leur diffusion au public ;

« 2° Toute personne qui exerce des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ;

« 3° Tout collaborateur d’une rédaction, soit toute personne qui, par sa fonction au sein de la rédaction dans une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1°, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant de découvrir une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations. » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi modifié :

a) Au début de la première phrase, sont ajoutés les mots : « II. – Par dérogation au I, » ;



b) À la seconde phrase, les mots : « le journaliste » sont remplacés par les mots : « une des personnes mentionnées au I » ;



3° Au quatrième alinéa, les deux occurrences des mots « un journaliste » sont remplacées par les mots : « une des personnes mentionnées au I ».



II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :



1° Après le mot : « pénal », la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 326 est supprimée ;



2° Le dernier alinéa de l’article 100-5, le deuxième alinéa de l’article 109 et le second alinéa de l’article 437 sont supprimés ;



3° Le livre IV est complété par un titre XXXIV ainsi rédigé :



« TITRE XXXIV



« DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION DU SECRET DES SOURCES



« Art. 706-183. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources, directement ou indirectement, au cours d’une procédure pénale, qu’à titre exceptionnel, dans les conditions et selon les modalités prévues au présent titre.



« Pour l’application du présent titre, les informations protégées au titre du secret des sources, les personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources et la notion d’atteinte directe ou indirecte au secret des sources sont celles définies à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.



« Art. 706-184. – Toute personne mentionnée au I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsqu’elle est entendue au cours de l’enquête de police judiciaire ou d’une instruction ou devant une juridiction de jugement, en tant que témoin ou personne suspectée ou poursuivie, sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine.



« Avant le début de toute audition ou de tout interrogatoire, elle est informée de son droit à ne pas révéler ses sources.



« Art. 706-185. – Aucun acte d’enquête ou d’instruction ne peut avoir pour objet de porter atteinte au secret des sources, directement ou indirectement, sauf si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources.



« Pour apprécier la nécessité de l’atteinte au secret des sources, il est tenu compte de la gravité du crime ou du délit, de l’importance de l’information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d’investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité.



« À peine de nullité, l’acte d’enquête ou d’instruction doit être préalablement autorisé par ordonnance spécialement motivée au regard des conditions prévues au présent article, prise par le juge des libertés et de la détention, saisi, selon les cas, par requête motivée du procureur de la République ou par ordonnance motivée du juge d’instruction.



« Art. 706-186. – Lorsqu’elles ont pour objet de porter atteinte au secret des sources, les perquisitions prévues à l’article 56-2 doivent être préalablement autorisées par une ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention.



« En cas d’opposition à la saisie en application du sixième alinéa de l’article 56-2, les attributions confiées au juge des libertés et de la détention, en application de ce même alinéa et des alinéas sept à dix du même article, sont exercées par le président de la chambre de l’instruction.



« Art. 706-187. – À peine de nullité, lorsqu’ils constituent une atteinte directe ou indirecte au secret des sources, les documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels saisis au cours d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition ne peuvent être conservés dans le dossier de la procédure. Les correspondances émises par voie de communication électronique ayant fait l’objet d’une interception ne peuvent être transcrites que si les conditions prévues à l’article 706-185 sont remplies. »



III. – Le code pénal est ainsi modifié :



1° L’article 226-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :



« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 30 000 euros. » ;



2° L’article 226-15 est complété par un alinéa ainsi rédigé :



« Lorsque les faits prévus aux deux premiers alinéas ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 euros. » ;



3° Au dernier alinéa de l’article 323-1, après le mot : « État », sont insérés les mots : « ou lorsqu’elles ont été commises dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 » ;



4° Au premier alinéa de l’article 413-11, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 euros » est remplacé par le montant : « 100 000 euros » ;



5° L’article 413-13 est ainsi modifié :



a) Au premier alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;



b) Le deuxième alinéa est supprimé ;



c) Au troisième alinéa, après le mot : « causé », sont insérés les mots : « une atteinte à l’intégrité physique ou psychique ou » ;



6° Au premier alinéa de l’article 413-14, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » et le montant : « 75 000 € » est remplacé par le montant : « 100 000 euros » ;



7° L’article 432-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :



« Lorsque les faits prévus au premier alinéa ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 euros. » ;



8° L’article 432-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :



« Lorsque les faits prévus aux deux premiers alinéas ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 75 000 euros. »


Article 6

I. – Après l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 précitée, il est inséré un article 2 ter ainsi rédigé :

« Art. 2 ter. – Le numéro d’inscription est attribué aux entreprises de presse imprimée et aux entreprises de presse en ligne par la Commission paritaire des publications et des agences de presse, dès lors que la nomination du directeur de la rédaction a fait l’objet d’une validation préalable, par un vote d’au moins la moitié des membres de la rédaction concernée, à la majorité de soixante pour cent.

« Un décret fixe les conditions d’application du présent article. »

II. – La loi  86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifiée :

1° Après l’article 30-7, il est inséré un article 30-7-1 ainsi rédigé :

« Art. 30-7-1 – La nomination d’un responsable de la rédaction d’un service de communication audiovisuelle soumis à autorisation fait l’objet d’une validation préalable par un vote d’au moins la moitié des membres de la rédaction concernée, à la majorité de soixante pour cent, dans des conditions fixées par décret.

« Si le service ne se conforme pas à l’exigence mentionnée au premier alinéa, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique procède au retrait de son autorisation. » ;

2° Après le premier alinéa du I de l’article 34, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les services distribués sur des réseaux n’utilisant pas une fréquence assignée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et qui ne consistent pas en la reprise d’un service autorisé diffusé par voie hertzienne, la nomination du responsable de la rédaction fait l’objet d’une validation préalable par un vote d’au moins la moitié des membres de la rédaction concernée, à la majorité de soixante pour cent, dans des conditions fixées par décret. Le défaut de mise en œuvre de cette procédure de validation par un service est sanctionné par l’application d’une sanction pécuniaire correspondant à 7 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes de l’exercice précédent de la ou des personnes physiques ou morales détenant plus de vingt pour cent du capital ou des droits de vote du service. » ;



3° Après le premier alinéa de l’article 43-11, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :



« Les nominations des responsables de la rédaction des sociétés mentionnées au premier alinéa font l’objet d’une validation préalable par un vote d’au moins la moitié des membres de la rédaction concernée, à la majorité de soixante pour cent, dans des conditions fixées par décret. »


Article 7

Le code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 218-1 est ainsi rédigé :

« I. – On entend par publication de presse au sens du présent chapitre toute production journalistique, notamment rédactionnelle, photographique, sonore ou vidéographique, collectée, traitée et mise en forme à l’initiative, sous la responsabilité éditoriale et sous le contrôle d’un éditeur de presse ou d’une agence de presse, dans le but de fournir au public des informations sur l’actualité ou d’autres sujets. » ;

2° L’article L. 218-4 est ainsi modifié :

a) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Après consultation des éditeurs, agences de presse et services de communication au public en ligne concernés, un décret détermine la liste des éléments devant nécessairement faire l’objet d’une transmission de la part des services de communication en ligne aux agences et éditeurs de presse. » ;

b) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Le refus exprès ou tacite d’un service de communication au public en ligne de transmettre les éléments mentionnés au troisième alinéa du présent article, ou la transmission partielle de ceux-ci, est puni d’une amende ne pouvant excéder 4 % de son chiffre d’affaires mondial.

« Est considéré comme un refus tacite le fait pour un service de communication au public en ligne de ne pas délivrer ces éléments dans un délai d’un mois à compter de la première demande d’accès aux informations adressée par une agence ou un éditeur de presse.

« À défaut d’un accord portant sur la rémunération prévue au présent article dans un délai de six mois à compter d’une demande d’ouverture de négociation par une agence ou un éditeur de presse, ceux-ci peuvent saisir l’autorité de la concurrence. Cette dernière recherche un accord avec le demandeur et le ou les services de communication au public en ligne. Aux termes d’un délai de six mois, en cas de désaccord, l’autorité de la concurrence fixe les modalités de rémunération. »


Article 8


Les conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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