Lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 367

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 février 2021

PROPOSITION DE LOI


relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique,


présentée

Par MM. Éric GOLD, Jean-Claude REQUIER, Stéphane ARTANO, Christian BILHAC, Henri CABANEL, Mme Maryse CARRÈRE, M. Jean-Pierre CORBISEZ, Mme Nathalie DELATTRE, MM. Bernard FIALAIRE, Jean-Noël GUÉRINI, Mme Véronique GUILLOTIN, M. André GUIOL, Mme Guylène PANTEL et M. Jean-Yves ROUX,

Sénateurs


(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi relative à la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique


Chapitre Ier

Détecter les publics en difficulté avec le numérique


Article 1er


Une étude biannuelle évalue l’exclusion numérique et l’utilisation faite des compétences numériques par les usagers. À cette fin, un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article et définit un référentiel commun d’évaluation des capacités numériques.


Article 2


La première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 114-3 du code du service national est complétée par les mots : « et un test d’évaluation des compétences numériques ».


Chapitre II

Passer d’une logique de services publics 100 % dématérialisés à une logique de services publics 100 % accessibles


Article 3

La sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complétée par un article L. 112-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-6-1. – Tout usager du service public est reçu, à sa demande, dans les sites d’accueil physique des administrations afin de réaliser toute démarche administrative dans un délai raisonnable, au plus tard deux mois à compter de la date de la saisine. L’existence d’un téléservice n’emporte aucune obligation de saisine par voie électronique de l’administration. »


Article 4

La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des relations entre le public et l’administration est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Choix des modalités d’échange et de paiement

« Art. L. 112-6-2. – L’usager peut refuser à tout moment et par tout moyen le recours au procédé électronique pour la réalisation ou la poursuite de la démarche administrative.

« Toute notification d’attribution, de suppression ou de révision des droits comportant des délais et des voies de recours est communiquée sous support papier ou sous support électronique. L’accord exprès de la personne destinataire de la notification est recueilli préalablement aux échanges dématérialisés.

« Art. L. 112-6-3. – L’existence d’une offre de paiement des services dématérialisée n’emporte aucune obligation de paiement en ligne. Pour les usagers ne disposant pas d’un compte bancaire, l’administration met en place une modalité de paiement alternative. »


Article 5

L’article L. 123-1 du code des relations entre l’administration et le public est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « situation », sont insérés les mots : « , y compris lors de l’accomplissement d’une démarche administrative dématérialisée, » ;

2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout site internet public permet à l’utilisateur de procéder à des modifications en raison d’erreurs de saisie, à chaque étape de la démarche administrative. »


Article 6

I. – Après l’article L. 112-9 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 112-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 112-9-1. – Un décret en Conseil d’État définit un référentiel d’ergonomie des sites internet publics des administrations dans les conditions définies au présent article.

« La conception des sites internet publics des administrations et des téléprocédures intègre le point de vue des usagers tout au long de leur développement et de leur exploitation.

« Les téléservices prennent en compte l’ensemble des procédures et des cas de figure existants tels que prévus par les lois et les règlements en vigueur permettant à l’usager de bénéficier des droits qui lui sont reconnus. Ils permettent d’effectuer à tout moment des rectifications des dossiers en cours de réalisation avant leur dépôt. Ils délivrent un accusé de connexion nominatif et horodaté à chaque connexion d’un usager.

« À chaque étape de la procédure dématérialisée, l’usager dispose d’un accès lui permettant de contacter directement le service compétent par une modalité de saisine alternative.

« La page d’accueil de tout site internet public des administrations comporte une mention clairement visible précisant s’il est ou non conforme aux règles fixées par le référentiel d’ergonomie. »

II. – Le décret mentionné au premier alinéa du I du présent article est publié dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi.

III. – À compter du 1er janvier 2022, la non-conformité d’un site internet public ou d’un téléservice au référentiel défini au I du présent article fait l’objet d’une sanction administrative dont le montant, qui ne peut excéder 100 000 €, est fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au même I en fonction de la taille, des ressources et de la nature de l’organisme concerné. Une nouvelle sanction est prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure.


Article 7

L’article 47 de la loi  2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est ainsi modifié :

1° Les deux dernières phrases du II sont supprimées ;

2° Le second alinéa du IV est ainsi rédigé :

« Le défaut de mise en conformité d’un service de communication au public en ligne avec les obligations mentionnées au présent article fait l’objet d’une sanction administrative dont le montant, qui ne peut excéder 100 000 €, est fixé par le décret en Conseil d’État mentionné au V en fonction de la taille, des ressources et de la nature de l’organisme concerné. Une nouvelle sanction est prononcée chaque année lorsque le manquement à ces dispositions perdure. » ;

3° Après le même second alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les obligations mentionnées au présent article s’appliquent dans les communes ou les groupements de communes de moins de 10 000 habitants, les établissements publics qui leur sont exclusivement rattachés, ainsi que pour les opérateurs économiques mentionnés à l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, dans la mesure où elles ne créent pas une charge disproportionnée pour l’organisme concerné. La charge disproportionnée est définie par décret en Conseil d’État, après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées mentionné à l’article L. 146-1 du code de l’action sociale et des familles. »


Chapitre III

Financement de la politique d’inclusion numérique


Article 8

Le titre VI du livre II du code de l’action sociale et des familles est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« Chapitre VII

« Lutte contre l’exclusion numérique

« Art. L. 267-1. – Le chèque-équipement numérique est un titre spécial de paiement permettant aux ménages dont le revenu fiscal de référence est, compte tenu de la composition du ménage, inférieur à un plafond, d’acquitter tout ou partie du montant des dépenses visant à financer la location ou l’achat d’un terminal numérique dont la remise est conditionnée à la participation à une formation.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions de remise du titre mentionné au premier alinéa ainsi que les modalités d’application du présent article.

« Art. L. 267-2. – Il est institué un fonds de lutte contre l’exclusion numérique, géré par l’Agence nationale de la cohésion des territoires et alimenté par les gains budgétaires permis par la dématérialisation des services publics et la taxe sur certains services fournis par les grandes entreprises du secteur numérique prévue à l’article 299 du code général des impôts.

« Ce fonds a pour mission de financer la politique de lutte contre l’illectronisme, notamment la formation au numérique sur l’ensemble du territoire favorisant l’autonomisation de l’utilisateur, la structuration d’une offre de médiation numérique de qualité, la couverture intégrale du territoire en lieux d’accompagnement numérique des usagers du service public et le chèque-équipement pour les ménages à bas revenus mentionné à l’article L. 267-1 du présent code.

« Les modalités d’application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d’État. »


Article 9

I. – Le fonds prévu à l’article 8 de la présente loi est financé par :

1° Le budget général de l’État ;

2° Le produit de la taxe prévue au I de l’article 299 du code général des impôts ;

3° Les produits divers, dons et legs.

II. – Le II de l’annexe à la loi  2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance est ainsi modifiée :

1° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « et en garantissant la possibilité de bénéficier d’un accueil au guichet » ;

2°Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° De financer la lutte contre l’illectronisme à hauteur de 500 millions d’euros par an d’ici à 2022 et la couverture de l’ensemble du territoire en lieux d’accompagnement des usagers. »


Chapitre IV

Accompagnement des usagers exclus de la dématérialisation des services publics


Article 10

Le V de l’article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Accompagne la structuration des offres de médiation numérique sous une labellisation unique et établit une cartographie de l’ensemble des lieux d’accompagnement des usagers du service public. »


Article 11

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre désignent un référent en charge de l’inclusion numérique. À ce titre, le référent accompagne et coordonne les initiatives locales en matière de médiation numérique assurant un maillage fin du territoire.

Chaque année, il présente devant l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre un rapport rendu public sur l’état de la couverture numérique du territoire de l’établissement ainsi que la cartographie locale des lieux de médiation numérique.

Un décret définit les conditions d’application du présent article.


Article 12


À la première phrase et à la dernière phrase de l’article L. 121-2 du code de l’éducation, les mots : « et l’innumérisme » sont remplacés par les mots : « , l’innumérisme et l’illectronisme ».


Article 13

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le huitième alinéa de l’article L. 721-2 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ils organisent la formation continue en matière numérique de tous les enseignants permettant une actualisation régulière de leurs capacités numériques. »

2° Le début de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 611-8 est ainsi rédigé : « Les enseignants suivent régulièrement une formation… (le reste sans changement). »


Article 14

I. – La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un L ainsi rédigé :

« L : Crédit d’impôt à la formation aux outils numériques au bénéfice des petites et moyennes entreprises

« Art. 244 quater Y. – I. – Les petites et moyennes entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 50 % des dépenses engagées destinées à la formation aux outils numériques des leurs dirigeants et de leurs salariés.

« II. – Les petites et moyennes entreprises mentionnées au premier alinéa du I du présent article répondent à la définition de l’annexe I au règlement (UE)  651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

« III. – Un décret précise les modalités d’application du présent article. »

II. – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


Article 15


La présente loi entre en vigueur dans les six mois à compter de sa publication.


Article 16


La perte de recettes résultant pour l’État de la présente loi est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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