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N° 796

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 septembre 2014

PROPOSITION DE LOI

tendant à renforcer les droits du conjoint survivant dans les sociétés d' immeubles en jouissance à temps partagé ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Pierre BERNARD-REYMOND, Philippe ADNOT, René BEAUMONT, Jean BIZET, Jean BOYER, Jean-Léonce DUPONT, Bernard FOURNIER, Mlle Sophie JOISSAINS, MM. Jean Louis MASSON, Christian NAMY et Robert LAUFOAULU,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les sociétés d'immeubles en jouissance à temps partagé ont permis à de nombreux foyers, aux revenus parfois limités, de s'offrir chaque année des vacances dans de belles contrées.

Elle consiste dans l'achat d'un droit de séjour, généralement d'une ou deux semaines par an, dans une résidence de vacances.

L'acquéreur n'est pas propriétaire de l'appartement occupé, ni même copropriétaire, mais détenteur de parts d'une société lui conférant un droit d'occupation temporaire. Il a, d'un point de vue juridique, la qualité d'associé de la société.

Malgré le caractère a priori attrayant de l'opération, ces contrats ont rapidement souffert d'une mauvaise réputation. L'emploi de manoeuvres commerciales agressives ou trompeuses de la part des professionnels chargés de leur placement auprès des consommateurs y a beaucoup contribué. Mais telle n'est pas la seule raison. Les risques financiers liés à l'opération se sont doublés d'une impossibilité de fait de sortir du contrat.

Les charges de multipropriété croissantes, pesant principalement sur les détenteurs de mauvaises semaines, se sont révélées parfois supérieures aux prix des locations pratiquées dans certaines villes. L'échange pour une autre destination au sein d'une bourse internationale s'est avéré difficile, si ce n'est impossible, du fait de la non-participation des détenteurs des semaines les plus valorisantes. Le faible taux de fréquentation et les moins-values à la revente, lorsque celle-ci s'avérait possible, ont encore contribué à la dévalorisation de ce type d'avoir.

La loi du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attribution d'immeubles en jouissance à temps partagé a posé les premiers jalons de la protection des acquéreurs. Diverses contraintes propres à garantir le respect des droits des consommateurs ont ainsi été imposées aux professionnels. Elles ont été renforcées par loi n° 98-566 du 8 juillet 1998 portant transposition de la directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 1994 concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l'acquisition d'un droit d'utilisation à temps partiel de biens immobiliers.

Cet encadrement normatif n'a pas empêché le système de tomber en désuétude auprès du grand public. Pire, il a même contribué, par sa rigidité, à alimenter la désaffection pour ces sociétés, accroissant d'autant le manque d'entretien et donc le peu d'attrait des immeubles proposés en temps partagé.

Aussi, la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques est-elle intervenue afin d'offrir aux associés la faculté de solliciter leur retrait de la société. Les conditions de sortie étaient, sous l'empire de cette législation, particulièrement restrictives : les associés ne pouvaient se retirer qu'après l'accord unanime des autres titulaires de parts ou encore par décision de justice fondée sur un « juste motif ». Celui-ci était admis notamment pour les parts ou actions transmises par succession depuis moins de deux ans, ou en cas de privation de jouissance due à la fermeture de la station ou l'inaccessibilité de la résidence.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové est venue assouplir les conditions de départ des associés ayant acquis leur droit par héritage. Le retrait est désormais de droit lorsque les parts ou actions que l'associé détient dans le capital social lui ont été transmises par succession depuis moins de deux ans.

La question des parts ou actions indivises entre un conjoint survivant et un ou plusieurs héritiers semble, quant à elle, avoir été oubliée des débats. Il ne s'agit pourtant pas d'un cas d'école : au décès de l'un des époux, une partie des quotes-parts est transmise par successions aux héritiers, l'autre restant ou devenant la propriété du conjoint survivant.

Il apparait équitable de prévoir que celui-ci, tout comme l'héritier, puisse bénéficier d'un retrait de droit lorsque les parts ou actions lui ont été transmises par succession. Il est donc propos de compléter l'article 19-1 de la loi du 6 janvier 1986, modifié par la loi du 24 mars 2014, par un troisième alinéa prévoyant l'assimilation du conjoint survivant à un héritier.

Le régime des immeubles en jouissance à temps partagé repose sur un équilibre délicat entre les intérêts des associés qui souhaitent se retirer et ceux qui restent. Les seconds craignent de s'appauvrir suite au rachat des parts des associés sortant, en ce qu'ils auront à supporter, pour le futur, la part des charges que ces derniers assumaient jusqu'alors.

Il convient donc d'éviter que le conjoint survivant, unique titulaire des parts , ne puisse bénéficier d'un retrait de droit par le seul effet du décès . Une telle faculté doit, au contraire, être limitée aux hypothèses d'indivision du conjoint survivant avec un ou des héritiers.

Tel est le sens de l'article unique de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L'article 19-1 de la loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d'attributions d'immeubles en jouissance à temps partagé, tel qu'il résulte de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du deuxième alinéa, le conjoint survivant est assimilé à un héritier dans tous les cas où il se trouve en indivision avec l'un ou plusieurs d'entre eux. »

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