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N° 551
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 mai 2012 |
PROPOSITION DE LOI
visant à supprimer la rétention et la surveillance de sûreté ,
PRÉSENTÉE
Par Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, M. Christian FAVIER, Mme Marie-France BEAUFILS, MM. Michel BILLOUT, Éric BOCQUET, Mmes Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Robert HUE, Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC, Mmes Isabelle PASQUET, Mireille SCHURCH, MM. Paul VERGÈS et Dominique WATRIN,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Sous prétexte de lutter contre la récidive, la loi a imposé ces dernières années, des législations de plus en plus répressives et attentatoires aux libertés publiques. La rétention de sûreté, mise en place à la hâte, est l'une des dispositions répressives emblématique de cette manière de légiférer, sans recul et dans l'émotion, à laquelle la majorité précédente nous a habitué.
Cette disposition a instauré une privation de liberté nouvelle, qui, c'est totalement inédit dans notre droit positif, s'applique à des condamnés ayant pourtant purgés leurs peines. Faisant abstraction d'un lien de causalité entre un fait matériel et un préjudice, l'enfermement y est autorisé sur un simple pronostic reposant sur la présomption de dangerosité criminologique.
Cette véritable « justice de sûreté » procède d'une philosophie de l'enfermement manifestement contraire à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui proscrit toute forme de détention hors les cas prévus par l'article 5. Elle met à mal les principes même de responsabilité pénale et de présomption d'innocence, en instaurant une présomption de dangerosité suffisante à incarcérer un individu alors même qu'il n'a pas commis de crime, sinon celui pour lequel il a déjà purgé une peine.
Saisi, le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008, a estimé que la rétention de sûreté ne constitue pas une peine, ni même une sanction et a validé cette disposition. Il retient en ce sens que la cour d'assise ne prononce pas véritablement cette mesure, mais se borne « à la rendre possible dans le cas où ». Il ajoute que c'est alors la juridiction régionale de la rétention de sûreté, qui en réalité prononce cette rétention et ne se fonde pas pour cela sur la culpabilité mais sur la dangerosité de la personne.
Cette décision est critiquable.
S'agissant du prononcé de la mesure tout d'abord, c'est bien la cour d'assise, celle-là même qui retient la culpabilité, qui conditionne son prononcé ultérieur, comme le relève d'ailleurs de manière contradictoire le Conseil constitutionnel dans sa décision.
S'agissant du concept de dangerosité, ensuite, outre qu'il contribue à une grave confusion entre délinquance et maladie mentale, il ne fait l'objet d'aucune définition. Son application est forcément arbitraire et porte gravement atteinte à la présomption d'innocence.
On peut donc s'étonner de cette décision, d'autant que le Conseil avait en 2005 validé la surveillance judicaire des personnes dangereuses, précisément parce que sa durée était limitée à celle des réductions de peine obtenues, en sorte que la durée maximale de l'enfermement ne dépassait pas celle de la peine. Il n'a cette fois pas été choqué par des incarcérations à vie postsentencielles.
Ainsi, la rétention de sûreté doit être abolie parce que, malgré ce qu'en dit le Conseil constitutionnel, elle constitue une peine d'élimination préventive synonyme de mort sociale et susceptible de graves dérives. Mais aussi parce qu'elle implique un pronostic arbitraire de la dangerosité dont les contours ne peuvent être clairement définis ni par les psychiatres ni par les juristes. Enfin parce qu'elle témoigne du renoncement des pouvoirs publics à faire de la prison un temps utile à la prévention de la récidive et à la réinsertion. En effet, en refusant de porter les efforts humains et financiers sur le temps de la peine, ce texte a fait le choix de ne pas améliorer la prise en charge des détenus durant l'incarcération.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Les articles 706-53-13 à 706-53-22 du code de procédure pénale sont abrogés.