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N° 792

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 septembre 2011

PROPOSITION DE LOI

tendant à interdire les coupures d' électricité , de chaleur et de gaz entre le 1 er novembre de chaque année et le 15 mars de l'année suivante,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Évelyne DIDIER, Mireille SCHURCH, M. Gérard LE CAM, Mme Odette TERRADE, M. Jean-Claude DANGLOT, Mme Éliane ASSASSI, M. François AUTAIN, Mmes Marie-France BEAUFILS, Nicole BORVO COHEN-SEAT, M. Michel BILLOUT, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mmes Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU, M. Robert HUE, Mmes Marie-Agnès LABARRE, Josiane MATHON-POINAT, Isabelle PASQUET, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Bernard VERA et Jean-François VOGUET,

Sénateurs

(Envoyée à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La politique sociale et économique conduite par la droite ces dernières années a engendré une paupérisation accrue de la population en France. L'INSEE, par une étude accablante, a estimé à 8,2 millions les personnes vivant en 2009 au-dessous du seuil de pauvreté, situé à 60 % du revenu médian, pour une personne seule, soit 954 euros mensuels.

La pauvreté touche un nombre croissant de personnes alors même que le pays s'enrichit. Les écarts entre les plus pauvres et les plus riches ne cessent d'augmenter en raison des politiques menées en faveur de ces derniers par le gouvernement, politiques qui renforcent les inégalités sociales et territoriales, notamment en termes d'accès aux services publics.

Le secteur énergétique est particulièrement révélateur du désengagement de l'État dans la conduite de politiques publiques au service de l'intérêt général. Les investissements publics d'hier sont bradés pour permettre l'enrichissement des actionnaires des grands groupes du secteur qu'ils soient privés ou publics. Dans la période récente, la privatisation de Gaz de France, l'obligation faite à EDF de vendre une partie de sa production d'électricité d'origine nucléaire aux opérateurs privés, le dessaisissement des prérogatives du ministre de l'énergie et donc de l'État en matière de fixation des tarifs de gaz et d'électricité au profit de la Commission de régulation de l'énergie, toutes ces mesures commandées par le marché et l'objectif de rémunération du capital, ont affaibli considérablement le service public énergétique exposant la population à la précarité énergétique.

Les lois du marché, la concurrence libre et non faussée ont conduit à un alourdissement très net de la facture énergétique des ménages fragilisant ainsi les plus modestes. Depuis juillet 2005, les tarifs du gaz naturel ont augmenté de 61 %. Sur la seule année écoulée, la hausse des prix s'élève à 21 %.

En ce qui concerne l'électricité, la facture est également à la hausse. En 2009, le PDG d'EDF Pierre GADONNEIX avait ainsi jugé nécessaire une hausse de 20 % sur trois ans des tarifs de l'électricité. Les tarifs de l'électricité ont augmenté de 6 % en 2010, mais ils devraient encore se renchérir au cours des prochaines années. L'impact de la loi de nouvelle organisation du marché de l'électricité sur les tarifs a été évalué et entrainerait une hausse de 5 % chaque année jusqu'en 2015, soit une progression de 30 % des prix de l'électricité.

Dans ce contexte, plusieurs études émanant d'organisations institutionnelles ou de groupes de travail commandés par le gouvernement l'ont alerté sur l'ampleur de difficultés rencontrées par la population.

En 2007, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) produisait un document visant à lutter contre la précarité énergétique. L'agence notait en effet que trois millions de personnes occupaient à cette date des logements insalubres. Dans sa lettre Stratégie et Études, elle abordait la question de la précarité énergétique des ménages, au travers notamment de l'analyse des résultats de l'enquête 2006 INSEE « budget des ménages », et notait ainsi qu'en 2006, la part des dépenses énergétiques des 20 % de ménages les plus pauvres était 2,5 fois plus élevée que celle des 20 % de ménages les plus riches et que la facture énergétique représentait pour les premiers 15 % de leur budget familial.

Le rapport sur la précarité énergétique réalisé dans le cadre du Plan bâtiment Grenelle, et remis en janvier 2010 à Valérie LÉTARD, secrétaire d'État à l'écologie confirmait cette tendance lourde et relevait que pour 2009, près de 3 400 000 ménages, soit 13 % des foyers, consacraient plus de 10 % de leurs ressources au paiement de leurs factures d'énergie. Un seuil qui est considéré dans certains pays comme le signe d'une précarité énergétique avérée. En mars 2011, la ministre de l'écologie, Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, à l'occasion de l'installation de l'observatoire sur la précarité énergétique faisait remarquer qu'un Français sur dix, soit 6,5 millions d'individus, « a souffert du froid en janvier car mal chauffé ».

Face à cette situation humainement inacceptable, le gouvernement n'a pas proposé de solution efficace pour lutter contre la précarité énergétique. D'une part, les dispositifs que le ministre de l'énergie Éric BESSON a jugés suffisants sont sous-utilisés. L'ADEME notait que 500 000 personnes bénéficiaient du tarif de première nécessité pour 2007, mais que beaucoup de personnes, faute d'information et de moyen, ne le demandaient pas. Ces difficultés ne sont toujours pas réglées. Ainsi, sur les deux millions de foyers français qui pourraient bénéficier du tarif de première nécessité, seuls 625 000 en profitaient fin juin 2010. D'autre part, ces dispositifs ne garantissent la continuité de la fourniture d'énergie que dans certains cas. En effet, la personne en difficulté doit demander une aide auprès du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). En principe, dès l'introduction de la demande, et jusqu'à ce que le fonds rende sa décision, sous deux mois, la fourniture d'électricité ne peut pas être suspendue. Si l'avis du FSL est positif, aucune réduction ou coupure d'énergie ne peut être faite entre le 1 er novembre et le 15 mars. Toutefois, les critères permettant de bénéficier de la tarification sociale de l'électricité et d'être prémunis contre une coupure d'électricité sont très restrictifs. Pour bénéficier de la tarification sociale de l'électricité, il faut gagner moins de 604 euros par mois. De la sorte, 65 % des bénéficiaires potentiels de cette aide n'y ont pas le droit.

Les politiques libérales menées par la droite ont ainsi entrainé pour tous les consommateurs un renchérissement de leur facture énergétique sans que cela ne profite aux investissements nécessaires en termes de recherche et d'entretien des infrastructures énergétiques. Les sénateurs du groupe CRC-SPG ont dénoncé à maintes reprises les grandes difficultés des personnes touchées par la précarité énergétique. Il est inacceptable qu'un ménage soit conduit à choisir entre se chauffer au risque d'impayés ou ne plus se chauffer et subir les conséquences du froid sur sa santé, son logement. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de mettre fin à de telles situations et de garantir les conditions d'une vie décente à l'ensemble des individus

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de rompre définitivement avec le modèle économique libéral, et il est urgent de répondre dès à présent aux difficultés réelles de la population.

C'est pourquoi dans l'attente d'une loi dans le domaine énergétique qui garantisse à tous l'accès à l'énergie, les sénateurs du groupe CRC-SPG vous proposent d'adopter la présente proposition de loi visant à interdit toute coupure d'électricité, de chaleur ou de gaz entre le 1 er novembre de chaque année et le 15 mars de l'année suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Les deux premières phrases du troisième alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Du 1 er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à aucune interruption de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz. »

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