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N° 58
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 octobre 2010 |
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
tendant à renforcer la fonction de représentation par le Sénat des collectivités territoriales de la République ,
PRÉSENTÉE
Par M. Yvon COLLIN et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (1),
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
(1) Ce groupe est composé de : MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, Gilbert Barbier, Jean-Pierre Chevènement, Yvon Collin, Denis Detcheverry, Mme Anne-Marie Escoffier, M. François Fortassin, Mme Françoise Laborde, MM. Daniel Marsin, Jacques Mézard, Jean Milhau, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Plancade, Robert Tropeano, Raymond Vall et François Vendasi. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Aux termes de l'article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». De cette fonction particulière qui le distingue de l'Assemblée nationale découle son mode de scrutin, l'élection au suffrage universel indirect par un collège électoral formé pour l'essentiel des élus locaux. Cette légitimité lui confère un rôle essentiel de défense et de protection de la démocratie et des libertés locales.
Depuis la révision constitutionnelle de mars 2003, cette légitimité a même été renforcée puisque désormais le deuxième alinéa de l'article 39 de la Constitution fait obligation au Gouvernement de soumettre en premier lieu au Sénat « les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales ».
En revanche, la Constitution ne confère pas au Sénat le droit de statuer définitivement sur un projet ou une proposition de loi de cette nature en cas de désaccord entre les deux assemblées, contrairement à l'Assemblée nationale qui, à la demande du Gouvernement, pourrait statuer définitivement en cas d'échec d'une commission mixte paritaire ou de rejet des conclusions de celle-ci (article 45). C'est ce qu'on appelle « donner le dernier mot à l'Assemblée nationale ». Si le Sénat n'a jamais « le dernier mot », il existe néanmoins des cas qui nécessitent son accord et l'adoption d'un texte identique par les deux assemblées. En effet, les lois organiques relatives au Sénat (article 46), ainsi que les propositions ou projets de révision de la Constitution (article 89), doivent être votés par les deux assemblées parlementaires en termes identiques.
Il en résulte, s'agissant des projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales, que la volonté du Sénat, pourtant constitutionnellement chargé de représenter celles-ci, pourrait être outrepassée par le dernier mot donné à l'Assemblée nationale. En conséquence, la possibilité d'un tel cas de figure apparaît comme une anomalie au regard du rôle dévolu par la Constitution à la Haute assemblée.
L'examen récent par le Parlement du projet de loi de réforme des collectivités territoriales a démontré que de profonds désaccords peuvent exister entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur des points majeurs et des dispositions particulièrement importantes touchant à l'organisation et au fonctionnement des collectivités territoriales. En toute logique, et conformément à l'esprit de la Constitution, un texte comme celui-ci, ayant un tel impact sur l'organisation territoriale de la République et au-delà sur la vie de tous les citoyens, doit recueillir l'assentiment du Sénat. Or, aujourd'hui aucune garantie n'existe en ce sens et l'Assemblée nationale pourrait très bien avoir « le dernier mot » : une grande réforme concernant les collectivités territoriales pourrait donc être adoptée sans tenir compte au final de la position du Sénat ou, pire, être adoptée contre l'avis même du Sénat.
Il y a donc là un risque réel de détournement de l'esprit même de notre Constitution, laquelle confère pourtant à la Haute assemblée la représentation des collectivités territoriales et la primeur de l'examen des textes les concernant. À quoi sert-il au Sénat d'avoir « le premier mot » si au final l'Assemblée nationale peut avoir « le dernier mot » ? C'est pourquoi, les auteurs de la présente proposition de loi constitutionnelle estiment indispensable de supprimer cette double incohérence, juridique et politique, en mettant les deux assemblées au même niveau pour l'adoption des textes concernant les collectivités territoriales.
Pour ce faire, l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle ajoute un nouvel alinéa à l'article 45 de la Constitution. Cet alinéa soustrait les projets et les propositions de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales (au sens du deuxième alinéa de l'article 39 pour les projets de loi) à la procédure permettant le cas échéant à l'Assemblée nationale de statuer définitivement sans l'accord du Sénat. En conséquence, cette disposition renforce la logique de nos institutions en ne permettant pas qu'un texte relatif à l'organisation des collectivités territoriales de notre pays puisse être adopté sans l'approbation de l'assemblée parlementaire en charge de leur représentation, le Sénat.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
L'article 45 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
L'alinéa précédent ne s'applique pas aux projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales au sens du deuxième alinéa de l'article 39, ainsi qu'aux propositions de loi ayant le même objet.