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N° 736
SÉNAT
SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 septembre 2010 |
PROPOSITION DE LOI
relative aux autopsies judiciaires ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean-Pierre SUEUR, Mme Jacqueline ALQUIER, Mme Michèle ANDRÉ, MM. Serge ANDREONI, Alain ANZIANI, Jacques BERTHOU, Jean BESSON, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, M. Didier BOULAUD, Mmes Bernadette BOURZAI, Nicole BRICQ, Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Françoise CARTRON, M. Bernard CAZEAU, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Yves CHASTAN, Roland COURTEAU, Yves DAUDIGNY, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Alain FAUCONNIER, Jean-Luc FICHET, Charles GAUTIER, Serge GODARD, Jean-Noël GUÉRINI, Didier GUILLAUME, Mme Odette HERVIAUX, M. Ronan KERDRAON, Mme Virginie KLÈS, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Mme Françoise LAURENT-PERRIGOT, M. Jacky LE MENN, Mme Claudine LEPAGE, MM. Alain LE VERN, Claude LISE, Roger MADEC, François MARC, Marc MASSION, Rachel MAZUIR, Jean-Pierre MICHEL, Robert NAVARRO, Mme Renée NICOUX, MM. Jean-Marc PASTOR, Georges PATIENT, François PATRIAT, Daniel PERCHERON, Jean-Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Roland POVINELLI, Daniel RAOUL, Paul RAOULT, François REBSAMEN, Daniel REINER, Roland RIES, René-Pierre SIGNÉ, Simon SUTOUR, Michel TESTON, Jean-Marc TODESCHINI, Richard TUHEIAVA, André VANTOMME, Richard YUNG, Jacques GILLOT, Robert BADINTER, Mme Raymonde LE TEXIER, MM. Marc DAUNIS, Philippe MADRELLE, Marcel RAINAUD et les membres du groupe socialiste (1), apparentés (2) et rattachés (3),
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Serge Andreoni, Bernard Angels, Alain Anziani, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Claude Bérit-Débat, Jean Besson, Mme Maryvonne Blondin, M. Yannick Bodin, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Yannick Botrel, Didier Boulaud, Martial Bourquin, Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Boutant, Mme Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Louis Carrère, Mme Françoise Cartron, M. Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Yves Chastan, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Roland Courteau, Yves Daudigny, Yves Dauge, Marc Daunis, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontès, M. Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Alain Fauconnier, Jean-Luc Fichet, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Mme Samia Ghali, MM. Serge Godard, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Claude Haut, Edmond Hervé, Mmes Odette Herviaux, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. Claude Jeannerot, Ronan Kerdraon, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Mme Françoise Laurent-Perrigot, M. Jacky Le Menn, Mmes Claudine Lepage, Raymonde Le Texier, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Jean-Jacques Mirassou, Robert Navarro, Mme Renée Nicoux, MM. Jean-Marc Pastor, François Patriat, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Roland Povinelli, Mme Gisèle Printz, MM. Marcel Rainaud, Daniel Raoul, Paul Raoult, François Rebsamen, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Mmes Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, René Teulade, Jean-Marc Todeschini, André Vantomme et Richard Yung. (2) Apparentés : MM. Jean-Etienne Antoinette, Jacques Berthou, Jacques Gillot, Mme Virginie Klès, MM. Serge Larcher, Claude Lise, Georges Patient et Richard Tuheiava. |
(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean Desessard, Jacques Muller et Mme Dominique Voynet.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Un certain nombre de situations difficiles, douloureusement vécues par les familles et les proches de défunts concernés, aussi bien que plusieurs rapports relatifs à la médecine légale ont montré la nécessité de compléter et de préciser la législation actuellement en vigueur relative aux autopsies judiciaires.
Il apparaît, en premier lieu, nécessaire d'inscrire dans la loi l'obligation pour les médecins légistes de veiller à ce que la restitution du corps après l'autopsie donne lieu à la meilleure restauration possible.
Il apparaît, en second lieu, nécessaire de préciser les formations que doivent suivre obligatoirement les médecins légistes pour être habilités à pratiquer une autopsie dans le cadre d'une enquête judiciaire.
Il apparaît, en troisième lieu, nécessaire de mettre fin au vide juridique actuel concernant le statut des prélèvements humains réalisés dans le cadre d'une autopsie judiciaire.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.
L' article unique de la proposition de loi a pour objet d'introduire dans le code de procédure pénale un nouveau chapitre comportant des dispositions spécifiques relatives aux autopsies judiciaires.
L' article 230-6 précise les autorités judicaires habilitées à ordonner une autopsie.
Ce même article a pour objet d'exiger la formation appropriée des médecins légistes pouvant pratiquer une autopsie dans le cadre d'une enquête judiciaire.
En effet, si 80 % des médecins légistes pratiquant des autopsies sont désignés à partir des listes d'experts des Cours d'appel, un grand nombre de ces médecins, pourtant répertoriés dans la rubrique « médecine légale » de ces listes, ne sont pas titulaires d'un diplôme attestant de leur qualification dans ce domaine selon les termes du rapport de la mission interministérielle en vue d'une réforme de la médecine légale, rapport conjoint de l'Inspection générale des services judiciaires et de l'Inspection générale des affaires sociales de janvier 2006. En outre, les deux diplômes de médecine légale existant actuellement - diplôme d'études spécialisées complémentaires (DESC) de médecine légale et expertises médicales, d'une part, et la capacité de pratiques médico-judiciaires, d'autre part - proposent une formation qui apparaît trop souvent insuffisante pour la pratique des autopsies, notamment parce qu'ils ne garantissent pas une formation de base en anatomo-pathologie , seule discipline médicale qui inclut l'apprentissage de l'examen minutieux des organes au cours des maladies.
Le même article dispose que le médecin légiste désigné procède aux prélèvements strictement nécessaires aux besoins de l'enquête.
Il consacre enfin le droit d'information des proches sur les prélèvements effectués dans le cadre d'une autopsie judiciaire, tel qu'il est déjà reconnu pour les autopsies médicales par l'article L. 1232-1 du code de la santé publique.
L' article 230-7 vise à préserver les droits des proches du défunt ayant fait l'objet d'une autopsie judiciaire, qui sont actuellement insuffisamment pris en compte. En premier lieu, il consacre le droit de ceux-ci de recueillir le corps dès que sa conservation par la justice n'est plus justifiée par les besoins de l'enquête, conformément à l' arrêt Pannullo et Forte du 30 octobre 2001 de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Il institue en outre, dans tous les cas, l'obligation pour les médecins légistes de veiller à ce que la restitution du corps après l'autopsie ait lieu dans des conditions préservant le respect dû au cadavre et la dignité des proches du défunt, cette obligation n'existant aujourd'hui que pour les autopsies médicales, en vertu de l'article L. 1232-5 du code de la santé publique.
Il vise enfin à consacrer le droit des proches du défunt à accéder au corps du défunt avant sa mise en bière, dans des conditions garantissant à ceux-ci respect, dignité et humanité.
L' article 230-8 vise à combler le vide juridique actuel concernant le statut des prélèvements humains réalisés dans le cadre d'une autopsie judiciaire. On constate en effet que ces prélèvements ne sont pas concernés par les articles R. 1335-9 à R. 1335-12 du code de la santé publique qui fixent les règles relatives à l'élimination des pièces anatomiques. Ces règles visent uniquement les organes ou membres recueillis à l'occasion des activités de soins (diagnostic, traitement préventif, curatif ou palliatif dans le domaine de la médecine humaine et vétérinaire) ou d'autres activités limitativement énumérées (enseignement, recherche et production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi qu'activités de thanatopraxie).
Par ailleurs, la Cour de cassation a jugé que la procédure de restitution des objets placés sous main de justice prévue par les articles 41-4 et 99 du code de procédure pénale n'est pas applicable aux prélèvements humains, qui ne sauraient être considérés comme des « objets » ordinaires (Cour de cassation, chambre criminelle, arrêt du 3 avril 2002 et arrêt du 3 février 2010, ayant confirmé cette position).
Il apparaît donc indispensable de définir le traitement spécifique à réserver aux scellés humains. Inspiré de la rédaction des articles précités du code de procédure pénale, qu'il est cependant nécessaire d'adapter aux particularités de ces scellés, le présent article laisse à l'autorité judicaire compétente, en concertation avec les autorités hospitalières, le soin d'accepter une demande de restitution des organes. Celle-ci ne pourrait être formulée par la personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles que dans le seul but de procéder à l'incinération ou à l'inhumation du cadavre, dans le respect de son intégrité. Des motifs de non restitution sont également prévus.
Dans les cas où les organes ne sont pas restitués, il convient de prévoir l'obligation pour l'autorité judicaire compétente d'ordonner la destruction de ceux-ci quand leur conservation n'est plus nécessaire à l'établissement de la vérité. Il s'agit en effet de pallier les difficultés auxquelles sont actuellement confrontés les services de médecine légale quand ils ne reçoivent pas d'indications de la part des autorités judicaires compétentes sur la nécessité ou non de conserver les prélèvements.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le titre IV du Livre I er du code de procédure pénale est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Des autopsies judiciaires
« Art. 230-6. - Le prélèvement d'organes et de tissus sur une personne dont la mort a été dûment constatée peut être ordonnée par le procureur de la République dans le cadre d'une enquête aux fins de recherche des causes de la mort visée à l'article 74 du présent code ou par le juge d'instruction dès lors qu'a été ouverte une information judiciaire.
« L'autopsie ne peut être effectuée que par une personne titulaire d'un diplôme de médecine légale incluant une formation en anatomo-pathologie.
« Le médecin légiste désigné à cette fin procède aux prélèvements des organes et des tissus qui sont strictement nécessaires aux besoins de l'enquête.
« Les proches du défunt sont immédiatement informés par l'autorité judiciaire compétente de cette autopsie, ainsi que de leur droit à connaître la nature des prélèvements effectués.
« Art. 230-7. - Lorsqu'une autopsie a été ordonnée dans le cadre d'une enquête judiciaire et que la conservation du corps placé sous main de justice n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité, l'autorisation de restitution du corps et le permis d'inhumer sont délivrés dans les meilleurs délais.
« Les médecins légistes ayant procédé à cette autopsie sont tenus de s'assurer de la meilleure restauration possible du corps avant sa restitution aux proches du défunt.
« Il ne peut être refusé aux proches du défunt qui le souhaitent d'avoir accès au corps avant sa mise en bière, sauf pour des raisons de santé publique. L'accès au corps se déroule dans des conditions qui garantissent aux proches du défunt respect, dignité et humanité.
« Art. 230-8. - À la demande de la personne ayant qualité à pourvoir aux funérailles, la restitution des organes et tissus prélevés sur une personne décédée dans le cadre d'une autopsie judiciaire peut être décidée par le procureur de la République ou par le juge d'instruction.
« Cette demande ne peut être effectuée qu'aux fins d'inhumation ou d'incinération du cadavre.
« L'autorité judiciaire compétente statue, par ordonnance motivée, dans un délai de quinze jours suivant le dépôt de cette demande.
« L'autorité judiciaire compétente évalue la possibilité de donner suite à cette demande avec les autorités hospitalières concernées, pour s'assurer notamment que la restitution est matériellement possible et peut être effectuée dans des conditions d'hygiène adaptées.
« Il n'y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à faire obstacle à la manifestation de la vérité ou à la sauvegarde des droits des parties ou lorsqu'elle présente un danger pour les personnes ou pour la santé publique.
« En l'absence de demande de restitution ou en cas de rejet de cette demande, l'autorité judiciaire compétente ordonne la destruction des prélèvements humains placés sous main de justice dont la conservation n'est plus nécessaire à la manifestation de la vérité. La destruction s'effectue selon les modalités prévues par l'article R. 1335-11 du code de la santé publique et donne lieu à l'information préalable des proches, afin que ceux-ci puissent formuler, le cas échéant, une demande de restitution dans les conditions prévues par le présent article. »