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N° 696

SÉNAT

SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 septembre 2010

PROPOSITION DE LOI

tendant à adapter le calendrier de l' élection des députés par les Français établis hors de France ,

PRÉSENTÉE

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En 2012, les Français établis hors de France éliront pour la première fois onze députés à l'Assemblée nationale.

C'est un rendez-vous historique pour ces nombreux citoyens qui représentent le septième département en ordre d'importance électorale.

En effet, la tenue de ces élections comme leur déroulement sont inédits. Il faut le souligner : pour la première fois, un des plus grands obstacles à l'épanouissement de la vie politique à l'étranger sera levé : l'interdiction de la propagande n'a pas été reprise dans l'ordonnance qui fixe les modalités d'élections de ces députés par les Français établis hors de France.

L'émergence d'un débat politique français à l'étranger est une chance. En réalité, ce sera la première fois que la vie politique française sera réellement exportée.

Les débats qui ne manqueront pas d'avoir lieu hors de nos frontières dépasseront les préoccupations immédiates qui marquent le quotidien des Français résidant hors de France, tout en leur permettant de participer activement à la citoyenneté. Car c'est bien le propre des élections législatives : l'élection locale de représentants nationaux.

D'ailleurs, le nombre de députés qui seront élus par les Français de l'étranger renforce encore le poids de cette première échéance de 2012. Onze députés, des majorités ont été acquises ou perdues avec beaucoup moins de sièges...

Scrutin inédit, enjeu national : il nous faut être particulièrement vigilant quant à l'organisation.

En effet, les élections organisées dans les centres de vote ouverts à l'étranger, qu'il s'agisse des élections présidentielle, référendaire, locales et maintenant législatives, sont marquées par un certain nombre de spécificités plus ou moins heureuses.

Abstention massive, manque cruel de moyens de communication avec l'électorat, difficultés de mise à jour de la liste électorale... Les obstacles sont nombreux.

Pour y remédier, le législateur a accepté de donner mandat au Gouvernement pour définir le cadre légal de l'élection de députés par les Français établis hors de France.

Le régime de droit commun de l'élection législative a donc été adapté pour tenir compte des spécificités des scrutins à l'étranger.

Il faut rappeler que pour ces élections, le monde a été divisé en onze circonscriptions, en fonction du nombre de Français inscrits au Registre des Français établis hors de France.

Ainsi, si la Suisse constitue à elle seule une circonscription, la onzième circonscription recouvre la Russie, l'Asie et l'Océanie, soit géographiquement environ un tiers du monde.

D'autres circonscriptions sont aussi gigantesques : le continent américain est seulement divisé en deux circonscriptions, tout comme le continent africain.

Pour organiser au mieux des élections législatives à cette échelle-là, il est indispensable d'anticiper les problèmes.

Ainsi la distance qui peut empêcher des électeurs résidant trop loin des centres de vote a-t-elle conduit à aménager les modalités de participation. Elles sont largement amendées, puisque le citoyen inscrit à l'étranger pourra voter par Internet ou par correspondance postale en plus du vote à l'urne. Il pourra recevoir jusqu'à trois procurations au lieu de deux.

Se pose également la question du calendrier de cette élection à deux tours. Ce ne sera pas une, mais deux semaines, qui sépareront les deux tours de scrutin.

Le Gouvernement a estimé qu'il n'était pas possible d'organiser deux tours de scrutin à une semaine d'intervalle, comme c'est le cas dans les départements. L'ordonnance qui définit les modalités d'élection des députés par les Français établis hors de France prévoit donc que les deux tours de scrutin sont espacés de deux semaines.

C'est bien la reconnaissance que l'aménagement des moyens est nécessaire pour assurer une égalité de résultat : une participation la plus forte possible, pour une représentativité accrue.

Pourtant, si nous devons nous féliciter que des mesures adaptées soient prises en compte pour cette élection aux modalités si particulières, force est de constater que les aménagements ne sont pas suffisants pour répondre aux questions pratiques qui se posent.

La semaine supplémentaire n'est pas suffisante pour garantir un bon déroulement du scrutin.

Les candidatures pour le deuxième tour doivent être déposées le mardi suivant le premier tour de scrutin. En cas de retard dans le décompte des votes, le code électoral admet même un dépôt des candidatures le mercredi.

Il faut encore que les candidats impriment les bulletins de vote, que la commission électorale envoie le matériel de vote par correspondance sur cinq continents selon des modalités qui seront ultérieurement définies par décret.

Or, il faut prendre en considération un certain nombre d'éléments :

- le vote à distance (par correspondance postale et électronique) admis pour cette élection, est un vote anticipé. Il se déroule sur plusieurs jours, en réalité le plus de jours possibles, avant la date du scrutin. Plus le scrutin à distance est étalé dans le temps, plus il encourage la participation.

- les deux tours de scrutin auront lieu les samedis dans les centres de vote du continent américain. Cet aménagement, aujourd'hui traditionnel, permet aux électeurs de voter sans connaître le résultat. Il est donc indispensable, mais il raccourcit d'une journée supplémentaire le délai. En effet, les textes mettant en oeuvre le vote à distance seront les mêmes pour toutes les circonscriptions. Dès lors, c'est le samedi, et non le dimanche, qui devra servir de date butoir pour le retour des votes par correspondance.

- les postes diplomatiques et consulaires seront chargés par la commission électorale d'envoyer aux électeurs de leur circonscription le matériel électoral. Il est inenvisageable que près d'un million de courriers soient envoyés de Paris. Or, les moyens humains et matériels des postes sont très réduits. L'envoi du matériel électoral demandera un temps très difficile à estimer.

- il faut prendre en compte les délais du service postal. Non seulement certains pays ont une poste défaillante, mais dans un nombre considérable de pays, ce service fonctionne beaucoup plus lentement. Il faut encore souligner que dans certains pays, le jour chômé n'est pas le dimanche, mais le jeudi, le vendredi ou le samedi. Cela ralentira d'autant plus l'acheminement du matériel électoral.

On ne peut pas croire que le matériel électoral sera envoyé aux électeurs en vingt-quatre heures, puis renvoyé dans le même délai par lesdits électeurs. C'est pourtant sur ce postulat qu'est construit le calendrier de l'élection.

Or, cette question du matériel électoral est capitale : le vote par correspondance représente plus des deux tiers des votes à l'étranger lors des élections à l'Assemblée des Français de l'étranger. Beaucoup d'électeurs choisiront ce mode de votation pour les législatives parce qu'il est simple et qu'il n'oblige pas à se déplacer. Le principal problème est qu'il demande du temps.

C'est pourquoi, à différentes reprises, les responsables de l'administration consulaire ont refusé le principe de son adoption pour d'autres scrutins, comme l'élection présidentielle. On ne croyait pas possible de l'utiliser lors d'un scrutin à deux tours.

Car si l'administration ne parvient pas envoyer le matériel électoral à temps, la conséquence en sera l'annulation du scrutin.

En effet, il a été récemment décidé par le juge électoral qu'« il appartient à l'administration consulaire de prendre toutes les mesures utiles pour que soient pris en compte les votes par correspondance régulièrement émis par les électeurs inscrits sur les listes électorales ; ».

Si les difficultés d'acheminement ne sont pas prises en compte par l'administration, plusieurs centaines de vote, voire plusieurs milliers, ne seront pas comptabilisés parce qu'envoyés trop tard pour arriver à temps. C'est ce que l'on doit craindre, et les élections dans les plus grandes circonscriptions seront annulées.

Les annulations par le juge électoral ne sont pas chose rare. Cela arrive parfois, sans que le paysage politique en soit bouleversé. Mais il n'est pas concevable qu'une élection de cette envergure soit annulée en raison de problèmes d'organisation largement prévisibles.

En résumé, il ne faut pas douter que des retards auront lieu dans l'envoi du matériel électoral. Les membres de l'Assemblée des Français de l'étranger, parmi lesquels il faut compter les sénateurs, ne le savent que trop bien. Il n'y a pas eu un seul scrutin organisé à l'étranger sans que de tels retards n'interviennent.

Il ne faut pas douter que beaucoup d'électeurs voteront par correspondance postale. Ils étaient près de deux tiers à avoir utilisé ce mode de participation lors du dernier scrutin organisé à l'étranger.

Il ne faut donc pas douter qu'un délai trop court entre les deux tours de scrutin entrainera l'annulation des élections dans les circonscriptions les plus vastes.

C'est pourquoi nous proposons que trois semaines, au lieu de deux actuellement, séparent les deux tours de l'élection de députés par les Français établis hors de France.

La stricte égalité du régime électoral des députés ne pourra pas nous être opposée efficacement, dans la mesure où un régime dérogatoire a déjà été prévu par l'ordonnance. Nous nous contentons d'aménager un aménagement, pour le rendre efficace.

Par ailleurs, la date limite de dépôt des candidatures, qui intervient quatre semaines avant le premier tour de scrutin en département, a fait l'objet d'un aménagement pour l'élection des députés par les Français établis hors de France. Il a été porté à trois semaines, pour coïncider avec la date butoir française. Cet aménagement est d'autant plus regrettable qu'il réduit la durée de la campagne officielle à l'étranger. Nous l'avons dit, cette campagne est une chance pour ces élections. Étant donnée la taille des circonscriptions à l'étranger, le délai le plus long parait préférable.

Nous proposons de rétablir le délai de droit commun de quatre semaines.

Cette disposition entrainera une réduction du délai durant lequel les candidatures peuvent être reçues. Mais cela ne devrait pas porter à conséquence. Rappelons que les candidats à cette élection se préparent une année à l'avance, pour se conformer aux prescriptions relatives au contrôle du financement de la vie politique. Rappelons encore que les candidats pour ces élections n'ont pas l'obligation de se présenter en personne. Par exception au droit commun, ils peuvent désigner un mandataire. Il est donc évident que deux semaines suffisent pour porter sa candidature à la préfecture de Paris.

L'article 1 de cette proposition de loi prévoit que le premier tour de scrutin pour les élections de députés par les Français établis hors de France a lieu trois semaines avant, au lieu de deux actuellement.

L'article 2 rétablit la durée de droit commun pour la date limite de candidature et le début de la campagne.

L'article 3 porte ratification de l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article L. 330-5 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « Par dérogation » sont remplacés par le mot : « Conformément » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ».

Article 2

L'article L. 330-11 du code électoral est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, avant le mot : « dimanche » est inséré le mot : « deuxième » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

3° Au troisième alinéa, le mot : « quatorzième » est remplacé par le mot : « vingt-et-unième ».

Article 3

L'adoption de la présente proposition de loi vaut ratification de l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France.

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