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N° 341
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er mars 2010 |
PROPOSITION DE LOI
relative aux élections à l' Assemblée des Français de l' étranger ,
PRÉSENTÉE
Par M. Christian COINTAT,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, messieurs,
L'article 34 (6 e et 7 e alinéas) de la Constitution, dispose, depuis l'entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 : « La loi fixe également les règles concernant : - le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; »
Il résulte de cette disposition, adoptée à notre initiative, que le régime électoral de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui est l'une des instances représentatives des Français de l'étranger, relève du domaine de la loi. Plusieurs dispositions relatives à l'élection de cette assemblée qui figuraient jusqu'ici dans le décret n° 84-252 du 6 avril 1984 1 ( * ) relèvent désormais du domaine de la loi. La Constitution fait donc un devoir au législateur de transférer dans le domaine de la loi ce qui, précédemment, relevait du domaine réglementaire. Nous vous proposons d'opérer le transfert de ces règles dans la loi du 7 juin 1982 relative à l'assemblée des Français de l'étranger. C'est le premier objet de cette proposition de loi.
Ce transfert permettra également d'apporter d'utiles précisions concernant la date des élections, le point de départ et la date de fin du mandat ainsi que les conditions de recensement des votes, de publication des résultats et la procédure de contestation des élections, toutes matières qui relèvent, pour l'essentiel, du domaine de la loi et qui figurent dans la partie législative du code électoral pour plusieurs catégories d'élections en France.
Enfin, il nous est apparu nécessaire de modifier une nouvelle fois le régime de la propagande électorale à l'étranger pour les élections à l'AFE. Nous proposons d'adopter, pour l'essentiel, le même régime de propagande que celui prévu par l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 pour l'élection des députés représentant les Français établis hors de France.
Ainsi serait davantage clarifié et unifié le droit applicable aux élections auxquelles participent les Français de l'étranger.
*
* *
I - LA FIXATION DE LA DATE DES ÉLECTIONS
ET DU DEBUT
ET DE LA FIN DU MANDAT
Actuellement, aucun texte ne fixe précisément la date des élections et les dates de début et de fin du mandat. Il n'existe qu'une seule disposition, l'article 1 er de la loi du 7 juin 1982 qui prévoit que le mandat des membres élus dure six ans.
Les sièges étant répartis en deux séries A et B, un renouvellement partiel de l'assemblée a lieu tous les trois ans. Le ministre des affaires étrangères fixe par arrêté la date des élections, en principe en juin.
Jusqu'à la parution du décret n° 2005-1614 du 22 décembre 2005, le ministre ne se voyait imposer aucun délai précis quant à la date de publication de l'arrêté convoquant les électeurs. L'art. 26 de ce décret a comblé cette lacune en prévoyant que les électeurs devaient être convoqué par arrêté publié quatre-vingt jours avant l'élection, délai que l'art. 9 du décret n° 2009-47 du 13 janvier 2009 a porté à quatre-vingt-dix jours.
Par ailleurs, le mois d'élection ne figure dans aucun texte.
Ces dispositions relèvent désormais du domaine de la loi depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. Elles figurent d'ailleurs, pour l'essentiel, dans la partie législative du code électoral pour les élections législatives, pour les élections cantonales, régionales et municipales, celles de l'assemblée de Corse, et les élections de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, du conseil général de Mayotte et des conseils territoriaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon 2 ( * ) .
Nous proposons donc de préciser dans la loi du 7 juin 1982 les points suivants:
- le ministre doit convoquer les électeurs par arrêté publié quatre-vingt dix jours au moins avant l'élection ; il pourra le faire plus tôt s'il l'estime nécessaire ;
- les élections ont lieu au mois de juin, pour chaque renouvellement partiel ;
- les collèges électoraux d'une même série sont tous convoqués le même jour le dimanche ou le samedi dans les circonscriptions d'Amérique;
- le mandat des nouveaux élus commence le deuxième lundi du mois de juillet, date choisie pour tenir compte du régime particulier de publication de publication des résultats ( cf. § III ci-après). Le ministre des affaires étrangères dispose, en effet, d'un délai de huit jours au plus pour procéder à cette publication. Si les élections ont lieu dans la deuxième quinzaine de juin, il convient donc de prévoir un délai suffisant entre la date de scrutin et le point de départ du mandat, de façon à permettre au ministre de prendre son arrêté dans des délais raisonnables.
II - LA PROPAGANDE ÉLECTORALE
L'une des raisons essentielles de l'abstention pour les élections à l'AFE est l'impossibilité de faire de la propagande. Hors de l'Europe, les candidats ne peuvent, en droit strict, se faire connaître des électeurs que par l'affichage et la réception des documents électoraux (bulletins et professions de foi).
Le législateur, à notre initiative, a libéralisé la propagande en Europe conformément aux dispositions des traités de l'Union européenne et de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et de ses protocoles.
La propagande demeure interdite dans les pays tiers. Le maintien de cette interdiction ne nous paraît plus possible alors que lors des prochaines élections des députés représentant les Français établis hors de France, la propagande sera possible. Lors des travaux préparatoires de l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009, M. Alain MARLEIX, secrétaire d'État, a reconnu, au nom du Gouvernement, qu'une évolution était nécessaire pour les élections à l'AFE 3 ( * ) . Il serait, en effet, paradoxal, et discriminatoire que les candidats à la députation puissent se faire connaître librement et que ceux à l'AFE soient soumis, hors Europe, à l'ancienne interdiction de propagande.
Il est d'autant plus nécessaire de prévoir les mêmes règles de propagande pour ces deux types d'élection qu'elles sont susceptibles de se tenir le même jour, comme nous le proposons pour 2012 ( cf. § IV ci-après).
Dès lors, nous proposons d'appliquer à l'étranger les mêmes règles que pour l'élection des députés élus par les Français établis hors de France Il s'agit des dispositions relatives à la propagande mentionnées à l'article L. 330 du code électoral et des dispositions de l'article L. 330-6 dudit code. C'est l'objet de l' article 4 de notre proposition.
En toute hypothèse, les candidats devront observer les lois du pays de résidence qui s'opposeraient à certaines formes de propagande. Dans ce cas, une stricte égalité de traitement devra être observée entre les candidats ou listes. Il n'a pas paru nécessaire de préciser cette question, le droit international commun et le principe d'égalité suffisant à y pourvoir.
III - RECENSEMENT DES VOTES ET PUBLICATION DES RESULTATS, CONTENTIEUX DES ELECTIONS
L' article 3 fixe les conditions essentielles de recensement des votes, de publication des résultats et du contentieux des élections, qui relèvent désormais du domaine de la loi depuis la réforme constitutionnelle du juillet 2008. On notera que ces conditions figurent dans la partie législative du code électoral pour les élections législatives, les élections régionales 4 ( * ) et les élections de l'assemblée de Corse, de l'assemblée de la Polynésie française, de l'assemblée territoriale des îles Wallis-et-Futuna, du Congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie.
Le dispositif de recensement des votes et de proclamation des résultats est différent en France et dans les bureaux de vote à l'étranger.
En France, si l'on prend l'exemple des élections régionales, les résultats sont proclamés par les présidents de bureau de vote, puis le recensement est fait, pour chaque département, au chef-lieu du département, en présence des représentants des listes, par une commission qui présente toutes les garanties d'indépendance et de compétence : une majorité de magistrats (trois dont le président de la commission, un élu, conseiller général, et un fonctionnaire. Le recensement général des résultats des départements est ensuite fait par la commission qui siège au département où se trouve le chef-lieu de la région (art. L. 359 et LR. 189 du code électoral).
Pour les élections à l'AFE, le président de bureaux de vote proclame les résultats pour son bureau. Ensuite, le recensement général des votes par circonscription est effectué au chef-lieu de la circonscription, en présence des représentants des candidats. Première différence avec le droit commun : le recensement est fait par le représentant de l'État, en l'espèce, l'ambassadeur ou le chef-de poste ou son représentant, non par une commission puisqu'il n'est pas possible d'envoyer un nombre important de magistrats aux chef-lieu des différentes circonscriptions. Par contre, une garantie essentielle est apportée : le recensement des votes se fait, à l'étranger comme en France métropolitaine, en présence des représentants des candidats ou listes qui peuvent toujours consigner leurs observations au procès-verbal.
Deuxième différence : en métropole, les résultats ne sont pas proclamés par arrêté ministériel ou préfectoral. Pour les élections à l'AFE, ils sont publiés par arrêté du ministre des affaires étrangères. Initialement, aucun délai légal n'était imposé au ministre pour effectuer cette publication. L'article 15 du décret n° 2009-47 du 13 janvier 2009 exige que cette publication intervienne au plus tard huit jours après la date du scrutin. L'arrêté ministériel ne peut, évidemment, changer les résultats. Il a un objet purement déclaratif, de simple constatation des résultats transmis par les ambassadeurs ou chefs de poste consulaire des chefs-lieux de circonscription.
En conséquence, les recours contre l'élection se font non par une contestation directe de l'élection mais par un recours pour excès de pouvoir formé contre l'arrêté du ministre des affaires étrangères publiant les résultats. Ce contentieux relève de la compétence du Conseil d'État.
Or, les conditions essentielles de ce dispositif qui relevaient précédemment du domaine réglementaire (sauf la compétence du Conseil d'État) relèvent désormais, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 du domaine de la loi. Il est donc nécessaire de procéder au transfert de ces normes dans la loi du 7 juin 1982. C'est l'objet des articles 3 et 5 de notre proposition.
IV - DISPOSITIONS TRANSITOIRES
L' article 6 prévoit que la loi nouvelle s'appliquerait à toutes les élections à venir sauf en matière de propagande en cas d'élection partielle intervenant avant le prochain renouvellement. Dans ce dernier cas, en effet, il nous paraît opportun de maintenir le régime antérieur s'agissant d'un siège qui a été pourvu selon le régime actuel de la propagande, le mandat de l'élu devant durer seulement jusqu'au prochain renouvellement partiel de la série à laquelle le siège appartient.
Par ailleurs, en 2012, nous proposons que les élections à l'Assemblée des Français de l'étranger aient lieu le même jour que le premier tour des élections législatives. Cette simultanéité permettra de réaliser des économies et favorisera la participation électorale pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger. Contrairement à certaines allégations selon lesquelles une telle simultanéité serait source de difficultés, nous croyons utile de rappeler que nous disposons d'une administration très performante qui a su s'adapter aux situations nouvelles, par exemple en matière de listes consulaires. La qualité et le dévouement remarquables des fonctionnaires qui se sont consacrés aux opérations électorales lors des derniers scrutins laissent présager les meilleurs résultats et une efficacité constante en cas de simultanéité des élections à l'Assemblée des Français de l'étranger et des élections législatives.
Il y a d'ailleurs un précédent avec les élections simultanées de conseiller de Français de l'étranger et des députés au Parlement européen à l'époque où les Français expatriés pouvaient encore voter dans les centres de vote à l'étranger pour les élections au Parlement européen.
*
* *
Tels sont, Mesdames, Messieurs, les motifs de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
La loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger est ainsi modifiée.
Article 2
Après l'article 2, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... . - Les élections ont lieu au mois de juin. Le mandat s'achève le deuxième dimanche du mois de juillet. Le mandat des nouveaux élus commence le deuxième lundi du même mois.
« Les électeurs sont convoqués par arrêté du ministre des affaires étrangères publié quatre-vingt-dix jours au moins avant la date du scrutin.
« Dans toutes les circonscriptions, les collèges électoraux sont convoqués le même jour.
« Le scrutin a lieu le dimanche ; toutefois, dans les ambassades et les postes consulaires d'Amérique, il a lieu le samedi précédent. »
Article 3
Après l'article 2, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... . - Le recensement général des votes et l'attribution des sièges sont effectués au chef-lieu de la circonscription électorale, en présence des représentants des candidats, par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire ou par son représentant.
« Les résultats sont transmis immédiatement au ministre des affaires étrangères qui publie par arrêté la liste des candidats élus au plus tard huit jours après la date du scrutin. »
Article 4
L'article 5 est ainsi rédigé :
« Art. 5. - Les dispositions de l'article L. 330 du code électoral relatives à la propagande et l'article L. 330-6 du même code sont applicables aux élections à l'Assemblée des Français de l'étranger. »
Article 5
L'article 9 est ainsi rédigé :
« Art. 9. - Tout électeur de la circonscription électorale ou tout candidat peut contester devant le Conseil d'État la régularité des opérations électorales par voie de recours contre l'arrêté du ministre des affaires étrangères publiant la liste des élus.
« Le recours doit être formé dans le délai d'un mois à compter de la date de publication au Journal officiel de l'arrêté susvisé. Il est déposé auprès de toute ambassade ou poste consulaire de la circonscription électorale ou adressé au Conseil d'État. »
Article 6
En cas d'élections partielles antérieures au renouvellement partiel de 2012, les dispositions relatives à la propagande électorale en vigueur avant la promulgation de la présente loi demeurent applicables à ces consultations.
Le prochain renouvellement partiel de l'Assemblée des Français de l'étranger aura lieu le jour du premier tour des élections des députés représentant les Français établis hors de France.
* 1 Décret n° 84-252 du 6 avril 1984 portant statut de l'assemblée des Français de l'étranger et fixant les modalités d'élection de ses membres.
* 2 Art. LO. 121, LO. 122, L. 173, L. 192, L. 218 à L. 219, L. 227, L. 247, L. 330-1, L. 336, L. 364, L. 378, L. 422, LO. 457, L. 464, L. 492, L. 507, L. 519, L. 534, LO. 538, L. 547.
* 3 Assemblée des Français de l'étranger - Compte-rendu - Vendredi 6 mars 2009 - M. Alain MARLEIX, Secrétaire d'État à l'Intérieur et aux Collectivités territoriales, auprès de la ministre de l'Intérieur, de l'Outre-mer et des Collectivités territoriales : (...) « Troisièmement, les modalités de la campagne électorale : il est impossible bien entendu de s'en tenir aux règles traditionnelles s'agissant d'une campagne se déroulant sur le territoire d'un pays étranger. Il faudra donc trouver des solutions originales, voire innovantes par exemple pour la tenue de réunions publiques, les commissions de propagande et la diffusion de profession de foi. Nous devons de même recourir aux sociétés de radiodiffusion et de télévision françaises émettant en direction de l'étranger pour la campagne officielle. - Sur les modalités de propagande pour l'AFE, les modifications de la loi de 1982, j'y suis favorable, cela me paraît évident qu'il faut faire évoluer les choses, qu'il faut les faire bouger. Mais, je vous fais confiance pour mener à bien ce travail. En tout cas, au nom du gouvernement, je me permets de vous dire que je suis tout à fait ouvert à cela. »
* 4 Art. L. 175, L. 360, L. 361, L. 379, L. 381, L. 396, L. 406, L. 416, L. 427, L. 427-1.