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N° 110
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2009 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l' enfant ,
PRÉSENTÉE
Par Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, Josiane MATHON-POINAT, M. François AUTAIN, Mme Marie-France BEAUFILS, MM. Michel BILLOUT, Jean-Claude DANGLOT, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mmes Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU, MM. Robert HUE, Gérard LE CAM, Mme Isabelle PASQUET, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mmes Mireille SCHURCH, Odette TERRADE, MM. Bernard VERA et Jean-François VOGUET,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La Convention internationale sur les Droits de l'Enfant a vingt ans. Quand elle a été adoptée par l'ONU, le 20 novembre 1989, elle a suscité l'espoir de réelles avancées en faveur des enfants dans le monde.
Soucieux de favoriser de nouveaux droits en faveur des enfants, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont, en 1995, déposé une proposition de loi « tendant à faire du 20 novembre une journée nationale des droits de l'enfant ». Adoptée à l'unanimité, cette proposition a pris force de loi le 9 avril 1996. Elle est l'occasion chaque année de faire le point des évolutions en France et dans le monde, d'agir et de faire des propositions en matière de protection de l'enfance.
Le rapport de la défenseure des enfants, adossé à son activité quotidienne pour la préservation de l'intérêt supérieur de l'enfant, à ses avis et recommandations, y contribue fortement. Pourtant, l'existence de cette autorité indépendante est aujourd'hui menacée.
Vingt ans après l'adoption de la Convention et malgré ces outils nouveaux et des évolutions positives dans certains domaines et certains pays, le constat reste très préoccupant.
Dans le monde, la misère, la pauvreté s'étendent et la crise aggrave encore une situation déjà catastrophique.
Cent millions d'enfants n'accèdent pas à l'école, dont une majorité de filles. 250 millions d'entre eux travaillent, pour certains dès l'âge de quatre à cinq ans, y compris dans des pays développés.
Les victimes de l'exploitation sexuelle sont toujours plus nombreuses.
La malnutrition et le manque d'eau font chaque année des centaines de millions de victimes.
L'accès aux vaccins demeure inéquitable et des enfants sont atteints de maladies qu'on peut aujourd'hui prévenir et soigner.
Le SIDA continue d'atteindre des enfants dans leur corps, mais fait aussi de très nombreux orphelins.
Les enfants subissent aussi de plein fouet les guerres et les violences. Des millions d'entre eux ont succombé ou sont réfugiés ou déplacés, et plus de 300 000 ont été transformés, sous la contrainte, en soldats.
Et comment ne pas citer cette violence insupportable : quatre pays, l'Iran, l'Arabie Saoudite, le Soudan et le Yémen persistent à condamner à mort et exécuter des mineurs.
Si ce n'est pas la situation en France, les droits des enfants y sont néanmoins bafoués.
Plus de deux millions vivent sous le seuil de pauvreté, selon les normes européennes ; les enfants sont les premières victimes de cette violence de notre société. Les inégalités devant la santé, devant l'école, les loisirs, le logement... sont immenses. Des enfants sont séparés de leurs parents, parce que ceux-ci n'ont pas les moyens de les loger. Si 80 % des enfants handicapés sont scolarisés, ce n'est que quelques heures par jour. Des maladies qu'on pourrait croire révolues, comme le saturnisme ou la tuberculose existent encore.
Ils sont confrontés de plus en plus jeunes au tabagisme, à l'alcoolisme, aux drogues...
La question des droits de l'enfant adopté est également source d'interrogations et de débat.
Les enfants étrangers, qu'ils soient nés en France ou qu'ils soient arrivés seuls ou avec leurs parents, vivent des situations particulièrement difficiles : contraints à une vie précaire, placés en centres de rétention, expulsés avec leurs parents alors que scolarisés...
Les principes de l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante qui fait primer la prévention et l'éducation sur la sanction sont mis en cause, avec l'abaissement de l'âge de la responsabilité pénale, la possibilité d'incarcération dès l'âge de 13 ans, la suppression parfois de l'excuse de minorité...
Les enfants subissent des agressions physiques ou morales, qui revêtent des formes diverses, mais toujours terribles, comme la maltraitance, la pédophilie, l'exploitation sexuelle...
Quelle perception de la société peut avoir un être humain dont l'enfance est ainsi niée ? Sur quelles valeurs, quelle conception construira-t-il sa vie, ses rapports aux autres ?
La société, le législateur ont la responsabilité de leur donner les moyens de construire leur avenir, un avenir fondé sur des valeurs de progrès, de solidarité, de fraternité, de paix, bannissant la violence. Pour cela, ils doivent contribuer à ce que croissent des droits effectifs pour les enfants, et aussi leurs parents.
Notre Haute Assemblée peut jouer un rôle en la matière. Elle peut faire acte de vigilance pour qu'aucun retour en arrière ne soit possible. Elle peut agir, proposer, être à l'initiative pour des avancées concrètes.
Le 13 février 2003, l'Assemblée nationale adoptait une proposition de loi « tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants ». Ce texte n'a jamais été examiné par le Sénat.
Nous vous proposons que ce dernier reprenne l'initiative de la création, en adoptant la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Après l'article 6 nonies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - I. - Il est constitué, dans chacune des deux assemblées du Parlement, une délégation parlementaire aux droits des enfants. Chacune de ces délégations compte trente-six membres.
« II. - Les membres des délégations sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes.
« La délégation de l'Assemblée nationale est désignée au début de la législature pour la durée de celle-ci.
« La délégation du Sénat est désignée après chaque renouvellement partiel de cette assemblée.
« III. - Sans préjudice des compétences des commissions permanentes ou spéciales ni des commissions chargées des affaires européennes, les délégations parlementaires aux droits des enfants ont pour mission d'informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des enfants. En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application des lois.
« En outre, les délégations parlementaires aux droits des enfants peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi par :
« - le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;
« - une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation.
« Enfin, les délégations peuvent être saisies par les commissions chargées des affaires européennes sur les textes soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la Constitution.
« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement leur communique les informations utiles et les documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission.
« IV. - Les délégations établissent, sur les questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations qui sont déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes, ainsi qu'aux commissions chargées des affaires européennes. Ces rapports sont rendus publics.
« Elles établissent en outre, chaque année, un rapport public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas échéant, des propositions d'amélioration de la législation et de la réglementation dans leurs domaines de compétence.
« V. - Chaque délégation organise la publicité de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de chaque assemblée. La délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des réunions conjointes.
« VI. - Les délégations établissent leur règlement intérieur. »