N° 444
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 30 juin 2006 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à favoriser le maintien des relations entre enfants et parents à la suite d'un divorce,
PRÉSENTÉE
Par MM. Gérard COLLOMB, Jean-Pierre BEL, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Bertrand AUBAN, Jean-Marie BOCKEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Bernard FRIMAT, Jean-Noël GUÉRINI, Mme Bariza KHIARI, MM. Serge LAGAUCHE, Roger MADEC, Jacques MAHÉAS, François MARC, Pierre MAUROY, Jean-François PICHERAL, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Thierry REPENTIN, Claude SAUNIER, Mme Catherine TASCA, MM. Jean-Marc TODESCHINI, Richard YUNG et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés,
Sénateurs.
( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Famille. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Lorsque survient une séparation et que les relations sont très conflictuelles entre les deux parents ou entre un parent et ses enfants, le juge aux affaires familiales propose au parent qui n'a pas la garde d'exercer sont droit de visite en terrain neutre. Le juge peut également utiliser cette solution lorsque l'un des parents ne présente pas les garanties éducatives, psychologiques ou matérielles nécessaires pour accueillir l'enfant à son domicile. Ces lieux neutres très utilisés par les juges sont gérés par des associations dont le financement a été progressivement assuré par diverses sources (Ministère de la Justice, Caisse d'Allocations Familiales, participation des familles).
Si les lieux neutres n'ont toujours pas fait l'objet d'une reconnaissance juridique, leur activité est appréciée et importante. Ainsi dans un rapport transmis en 2003 au ministre de la Santé, de la famille et des personnes handicapées et au ministre délégué à la Famille, Françoise de PANAFIEU, Hubert BRIN, président de l'Union nationale des associations familiales et Luc MARCHAND, délégué interministériel à la famille, ont relevé qu'en 2000, 11 346 enfants avaient pu rencontrer un parent avec lequel ils ne vivent pas et ceci dans 76 lieux neutres.
Toutefois, la principale source de financement de ces associations provenait jusqu'alors du Ministère de la Justice via une aide octroyée au titre de l'aide juridictionnelle, une part importante des familles concernées étant d'origine modeste. Or, par circulaire du 30 novembre 2005 le Ministère de la Justice a décidé d'exclure toute possibilité de financement de ces mesures judiciaires, en faisant sortir du champ de l'aide juridictionnelle le financement de ces lieux neutres tendant à favoriser le maintien des relations entre enfants et parents à la suite d'un divorce.
Cette décision brutale met d'ores et déjà en danger l'existence même des associations gérant ces lieux neutres dont la nécessité est aujourd'hui incontestable.
Il s'agit donc par la présente proposition de loi d'inscrire le dispositif des lieux neutres dans le code civil afin de combler le vide juridique qui a permis au Ministère de la Justice de se désengager sur un domaine aussi fondamental que celui de l'équilibre de l'enfant fragilisé par une situation de séparation.
L' article 1 er prévoit la possibilité d'exercice du droit de visite dans un lieu neutre différent du domicile des deux parents.
L' article 2 renvoie à un décret en Conseil d'État qui précisera les modalités de gestion et d'organisation de ces lieux.
En effet, il est souhaitable que le juge qui prend la décision de confier à une association de gestion des lieux neutres une mission de maintien des liens entre parents et enfants indique la durée de la mission, la date à laquelle le responsable de l'association doit déposer son rapport d'intervention et la date à laquelle l'affaire sera rappelée à l'audience.
Le juge devra également fixer le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'espace rencontre à un niveau aussi proche que possible de la rémunération prévisible et devra désigner la ou les parties qui consigneront la provision dans le délai imparti.
Les frais d'intervention de l'association de gestion des lieux neutres devront être répartis à parts égales entre les parties sauf décision contraire du juge des affaires familiales. Lorsque l'aide juridictionnelle aura été accordée à l'une des parties, les frais incombant à la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle seront à la charge de l'État.
La durée initiale du recours à l'association de gestion des lieux neutres ne pourra excéder six mois. Cette intervention sera renouvelable, une fois, pour une durée ne pouvant pas excéder un an, à la demande d'une partie ou des deux.
Dès le prononcé de la décision saisissant l'association des lieux neutres, le greffe de la juridiction en notifiera copie par lettre simple aux parties et à l'espace rencontre.
L'association de gestion des lieux neutres fera connaître son acceptation sans délai. Dès qu'il sera informé par le greffe de la consignation, le juge devra convoquer les parties.
Le responsable de l'association de gestion des lieux neutres devra informer le juge des affaires familiales des difficultés qu'il aura rencontrées dans l'accomplissement de sa mission. À l'expiration du délai prévu, il déposera son rapport dans lequel il informera le juge des affaires familiales des conditions dans lesquelles les rencontres se seront déroulées.
Si exceptionnellement, l'intervention de l'association de gestion des lieux neutres apparaît nécessaire au-delà de la fin de la procédure, le juge pourra en ordonner la prorogation.
À l'expiration de sa mission, le juge fixera la rémunération de l'association de gestion des lieux neutres. Il autorisera le responsable de cette dernière à se faire remettre, jusqu'à due concurrence, les sommes consignées au greffe.
Enfin, le juge pourra ordonner s'il y a lieu, le versement de sommes complémentaires en indiquant la ou les parties qui en auront la charge, ou la restitution des sommes consignées en excédent et un titre exécutoire sera délivré au responsable de l'association des lieux neutres, sur sa demande.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Après l'article 373-2-13 du code civil, sont insérés deux articles 373-2-14 et 373-2-15 ainsi rédigés :
« Art. 373-2-14 - Lorsqu'un seul parent exerce l'autorité parentale en application de l'article 373-2-1, le juge des affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite et d'hébergement de l'autre parent.
« Lorsque l'intérêt de l'enfant le commande, ce droit peut être exercé dans un lieu de rencontre neutre différent du domicile des deux parents désigné par le juge ».
« Art. 373-2-15 - Lorsque les parents exercent en commun l'autorité parentale et en application des articles 373-2 et 373-2-6, le juge aux affaires familiales peut prendre les mesures permettant de garantir le maintien effectif des liens de l'enfant avec le parent chez lequel il ne réside pas dans un lieu différent du domicile de l'un ou l'autre des deux parents.
« Ce lieu est organisé et géré par une association inscrite sur une liste dressée par la Cour d'Appel dans le ressort de laquelle elle exerce son activité. »
Article 2
Les conditions d'inscription de ces associations ainsi que les modalités de gestion et d'application du recours aux lieux neutres sont fixées par un décret en Conseil d'État.