Amnistie sociale
N° 365
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juin 2003
PROPOSITION DE LOI
instaurant une
amnistie sociale
,
PRÉSENTÉE
Par Mme Nicole BORVO, MM. Roland MUZEAU, Guy FISCHER, Mme Michelle DEMESSINE, MM. Robert BRET, Gérard LE CAM, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Marie-France BEAUFILS, Danielle BIDARD-REYDET, M. Yves COQUELLE, Mmes Annie DAVID, Évelyne DIDIER, M. Thierry FOUCAUD, Mmes Hélène LUC, Josiane MATHON, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE, M. Paul VERGÈS
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Travail. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Un an après le vote par le Parlement de l'amnistie qui suivait
l'élection du Président de la République, les auteurs de
la présente proposition de loi demandent qu'enfin le champ de ces
dispositions d'apaisement social soit élargi.
La droite parlementaire avait refusé catégoriquement d'inclure
diverses dispositions permettant d'effacer ou de réparer les peines ou
sanctions prises à l'occasion de conflits ou mouvements sociaux. La
majorité parlementaire a ainsi écarté l'extension de
l'amnistie aux délits commis dans le cadre d'actions menées par
des organisations professionnelles d'exploitants agricoles. M. José
Bové se trouvait notamment exclu de ces dispositions. M. Alain
Hébert, militant syndical, depuis lourdement condamné, n'entrait
pas, par exemple, dans le champ d'application de la loi, ainsi que de nombreux
autres syndicalistes et militants associatifs.
Refuser une telle mesure n'est pas conforme à la tradition
républicaine de l'amnistie qui devrait avant tout être sociale.
Notre demande se trouve renforcée par l'autoritarisme brutal dont fait
preuve le Gouvernement à l'égard des mouvements sociaux en cours.
En effet, de nombreux manifestants ont été lourdement
sanctionnés ces derniers jours, notamment par des peines de prison ou
d'amendes disproportionnées.
Il est temps aujourd'hui de revenir sur l'injustice faite il y a un an.
L'
article
1
er
poursuit cet objectif.
L'
article
2
entend, d'une part, amnistier les sanctions prises
par les employeurs pour des faits commis dans le cadre de conflits du travail
et, d'autre part, les procédures de licenciements engagées dans
ce cadre seraient rendues caduques.
L'
article
3
entend établir, comme ce fut
déjà le cas dans le cadre de la loi d'amnistie du 5 août
1981, le droit à réintégration des salariés
protégés, licenciés pour des faits commis dans le cadre de
l'exercice de leur mandat. Le droit à réintégration donne
tout son sens à l'amnistie sociale. Comment parler en effet d'amnistie
si le salarié licencié demeure au chômage ?
Cette proposition de loi revient à la source de la tradition
républicaine de la loi d'amnistie : permettre, en un instant
donné, la réconciliation nationale.
C'est dans cet esprit qu'il vous est proposé de voter ces dispositions.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Sont amnistiés, lorsqu'ils sont passibles de moins de dix ans d'emprisonnement, les délits commis avant la date de promulgation de la loi, à l'occasion de conflits du travail ou à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de salariés, d'exploitants agricoles, d'agents publics et de membres de professions libérales, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics.
Article 2
Sont
amnistiés les faits commis à l'occasion de conflits du travail ou
à l'occasion d'activités syndicales et revendicatives de
salariés susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions
prononcées par un employeur.
Pour les faits amnistiés, l'autorisation de licenciement est
refusée par l'inspecteur du travail ou le ministre concerné,
lorsque les procédures de demandes de licenciements de
représentants du personnel déposées auprès de la
Direction Départementale du Travail et de l'Emploi ou du
ministère sont en cours ou lorsque les recours engagés n'ont pas
donné lieu à une décision exécutoire
définitive.
Dans le cas où l'autorité administrative concernée a
refusé l'autorisation de licenciement, le recours contentieux de
l'employeur devient sans objet lorsque les fautes invoquées comme motif
de licenciement sont amnistiées.
Article 3
Tout
salarié qui, depuis le 19 mai 1995, a été licencié
à raison de faits en relation avec l'exercice de sa fonction de
représentant élu du personnel, de représentant syndical au
comité d'entreprise ou de délégué syndical, peut
invoquer cette qualité, que l'autorisation administrative de
licenciement ait ou non été accordée, pour obtenir sa
réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent
chez le même employeur qui lui a succédé, en application de
l'article L. 122-12 du code du travail.
Il doit, à cet effet, présenter une demande dans un délai
de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.
L'employeur est tenu, dans le mois qui suit la demande de
réintégration, de notifier à l'intéressé,
soit qu'il accepte la réintégration, soit qu'il s'y oppose. Dans
ce dernier cas, il doit indiquer les motifs de sa décision et, en
même temps qu'il la notifie à l'intéressé, en
adresser une copie à l'inspecteur du travail. Avant de prendre sa
décision, l'employeur consulte le comité d'entreprise ou,
à défaut, les délégués du personnel, s'il en
existe, leur avis étant communiqué à l'inspecteur du
travail.
Si l'inspecteur du travail estime que le refus de l'employeur n'est pas
justifié, il propose la réintégration. Sa proposition
écrite est motivée et communiquée aux parties.
Le contentieux de la réintégration est soumis à la
juridiction prud'homale qui statue comme en matière de
référé. Le salarié réintégré
bénéficie pendant six mois, à compter de sa
réintégration effective, de la protection attachée par la
loi à son statut antérieur au licenciement.
L'inspecteur du travail veille à ce qu'il ne puisse être fait
état des faits amnistiés.
A cet effet, il s'assure du retrait des mentions relatives à ces
sanctions dans les dossiers de toute nature concernant les travailleurs qui
bénéficient de l'amnistie.
Les règles applicables au contentieux des sanctions sont applicables au
contentieux de l'amnistie.