Proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant
N° 74
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2002-2003
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 2002
PROPOSITION DE LOI
tendant à la
création
de
délégations parlementaires
aux
droits
de l'enfant
,
PRÉSENTÉE
Par Mmes Nicole BORVO, Hélène LUC, M. Robert BRET, Mme Josiane MATHON, MM. François AUTAIN, Jean-Yves AUTEXIER, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Marie-France BEAUFILS, M. Pierre BIARNÈS, Mme Danielle BIDARD-REYDET, M. Yves COQUELLE, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Evelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM, Paul LORIDANT, Roland MUZEAU, Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Odette TERRADE et M. Paul VERGÈS,
Sénateurs.
( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ).
Parlement. Enfants. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'enfant est le bien le plus précieux de toute société. Il
est son avenir. Nous souscrivons aux termes de la déclaration des pays
européens au Congrès de Yokohama, en décembre
2001 : « La protection de l'enfance est un enjeu majeur de
civilisation en tant qu'elle fonde la responsabilité des adultes
à l'égard des jeunes générations et des valeurs
avec lesquelles elles construiront l'humanité».
Quand, le 20 novembre 1989, la Convention internationale sur les Droits de
l'Enfant a été adoptée par l'ONU, elle a suscité
l'espoir de réelles avancées en faveur des enfants du monde. Ce
texte majeur, qui fonde les droits de l'enfant à l'échelle
mondiale, est entré en application dans notre pays le 6 septembre 1990.
Soucieux de favoriser de nouveaux droits en faveur des enfants, les
sénatrices et sénateurs du groupe communiste républicain
et citoyen ont, en 1995, déposé une proposition de loi
« tendant à faire du 20 novembre une journée nationale
des droits de l'enfant ». Cette proposition a pris force de loi le 9
avril 1996. Elle est l'occasion chaque année de faire le point des
évolutions en France et dans le monde, d'agir et de faire des
propositions en matière de protection de l'enfance. Le rapport de la
défenseure des enfants y contribue fortement.
Malheureusement, malgré ces outils nouveaux et des évolutions
positives dans certains domaines et certains pays, le constat reste très
préoccupant.
La misère, la pauvreté s'étendent dans des proportions
catastrophiques.
Cent millions d'enfants n'accèdent pas à l'école, et parmi
eux les deux-tiers de filles. Au moins 250 millions d'entre eux travaillent,
pour certains dès l'âge de quatre à cinq ans, y compris
dans les pays développés, et notamment en Europe de l'Est. Les
victimes de l'exploitation sexuelle sont toujours plus nombreuses.
150 millions d'enfants sont atteints de malnutrition, et 30 000 succombent
au manque d'eau. Chaque année, plus de dix millions d'enfants meurent
pour des causes qu'on aurait pu éviter, notamment avec la vaccination
qui, si elle a globalement progressé dans le monde, a
régressé en Afrique subsaharienne, passant de 60 à 47%.
Le SIDA fait de plus en plus de victimes enfantines et d'orphelins -13 millions
dans les pays pauvres d'Afrique, les plus touchés-. Les perspectives sur
ce plan sont terrifiantes.
Les enfants subissent de plein fouet les guerres et les violences. Depuis plus
de dix ans, des millions d'entre eux ont succombé ; vingt millions
sont réfugiés ou déplacés, et plus de 300 000
ont été transformés, sous la contrainte, en soldats.
Et comment ne pas citer cette violence insupportable qu'est la peine de
mort appliquée dans certains pays comme les États-Unis, aux
condamnés mineurs au moment des faits ?
En France, alors que, depuis dix ans, de nombreuses associations se sont
mobilisées pour lutter contre les exclusions, quatre millions de
personnes vivent sous le seuil de pauvreté ; les enfants sont les
premières victimes de cette violence de notre société. Les
inégalités devant la santé, devant l'école, les
loisirs, le logement... sont immenses. Des enfants sont séparés
de leurs parents, parce que ceux-ci n'ont pas les moyens de les loger. Des
maladies qu'on pourrait croire révolues, comme le saturnisme ou la
tuberculose existent encore. Ils sont confrontés de plus en plus jeunes
au tabagisme, à l'alcoolisme, aux drogues...
La question des droits de l'enfant adopté est également source
d'interrogations et de débat.
Il y aussi la situation particulièrement difficile des enfants
nés en France de parents en situation irrégulière, ainsi
que les drames vécus par les milliers d'enfants clandestins qui
pénètrent chaque année sur notre territoire.
L'abaissement de la responsabilité pénale à 10 ans et la
possibilité d'incarcération dès l'âge de 13 ans,
nécessitent une réflexion approfondie sur les conséquences
quant à l'avenir des enfants concernés.
Les enfants subissent des agressions physiques ou morales, qui revêtent
des formes diverses, mais toujours terribles, comme la maltraitance, la
pédophilie, l'exploitation sexuelle...
Quelle perception de la société peut avoir un être humain
dont l'enfance est ainsi niée ? Sur quelles valeurs, quelle
conception construira-t-il sa vie, ses rapports aux autres ?
La société, le législateur ont la responsabilité de
leur donner les moyens de bâtir leur avenir, un avenir fondé sur
des valeurs de progrès, de solidarité, de fraternité, de
paix, bannissant la violence. Pour cela, ils doivent contribuer à ce que
croissent des droits effectifs pour les enfants, et aussi leurs parents.
Notre Haute Assemblée peut jouer un rôle en la matière.
Elle peut faire acte de vigilance pour qu'aucun retour en arrière ne
soit possible. Elle peut agir, proposer, être à l'initiative pour
des avancées concrètes.
Dans cet esprit, nous vous proposons qu'elle soit à l'initiative de la
création, au Sénat comme à l'Assemblée nationale,
d'une « délégation parlementaire aux droits de
l'enfant ».
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Il est
inséré, après l'article 6
septies
de l'ordonnance
n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des
assemblées parlementaires, un article 6
octies
ainsi
rédigé :
« Art. 6
octies
. - I. - Il est constitué, dans chacune
des deux assemblées du Parlement, une délégation
parlementaire aux droits des enfants. Chacune de ces délégations
compte trente-six membres.
« II. - Les membres des délégations sont
désignés en leur sein par chacune des deux assemblées de
manière à assurer une représentation proportionnelle des
groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes
ainsi que des commissions permanentes.
« La délégation de l'Assemblée nationale est
désignée au début de la législature pour la
durée de celle-ci.
« La délégation du Sénat est
désignée après chaque renouvellement partiel de cette
assemblée.
« III. - Sans préjudice des compétences des commissions
permanentes ou spéciales ni de celles des délégations pour
l'Union européenne, les délégations parlementaires aux
droits des enfants ont pour mission d'informer les assemblées de la
politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur
les droits des enfants. En ce domaine, elles assurent le suivi de l'application
des lois.
« En outre, les délégations parlementaires aux droits
des enfants peuvent être saisies sur les projets ou propositions de loi
par :
« - le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son
initiative, soit à la demande d'un président de groupe ;
« - une commission permanente ou spéciale, à son
initiative ou sur demande de la délégation.
« Enfin, les délégations peuvent être saisies par
la délégation pour l'Union européenne sur les textes
soumis aux assemblées en application de l'article 88-4 de la
Constitution.
« Elles demandent à entendre les ministres. Le Gouvernement
leur communique les informations utiles et les documents nécessaires
à l'accomplissement de leur mission.
« IV. - Les délégations établissent, sur les
questions dont elles sont saisies, des rapports comportant des recommandations
qui sont déposés sur le bureau de l'assemblée dont elles
relèvent et transmis aux commissions parlementaires compétentes,
ainsi qu'aux délégations pour l'Union européenne. Ces
rapports sont rendus publics.
« Elles établissent en outre, chaque année, un rapport
public dressant le bilan de leur activité et comportant, le cas
échéant, des propositions d'amélioration de la
législation et de la réglementation dans leurs domaines de
compétence.
« V. - Chaque délégation organise la publicité
de ses travaux dans les conditions définies par le règlement de
chaque assemblée. La délégation de l'Assemblée
nationale et celle du Sénat peuvent décider de tenir des
réunions conjointes.
« VI. - Les délégations établissent leur
règlement intérieur. »