Sécurité des piscines
N°
436
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 28
juin 2001
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23
août 2001
PROPOSITION DE LOI
Relative à la
sécurité
des
piscines
,
PRÉSENTÉE
Par MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Nicolas ABOUT, Philippe ADNOT, Louis ALTHAPÉ, Philippe ARNAUD, Denis BADRÉ, José BALARELLO, Bernard BARRAUX, Jacques BAUDOT, Michel BÉCOT, Claude BELOT, Georges BERCHET, Daniel BERNARDET, Roger BESSE, Laurent BÉTEILLE, Paul BLANC, Christian BONNET, Marcel BONY, James BORDAS, André BOYER, Jean BOYER, Louis BOYER, Jean-Guy BRANGER, Gérard BRAUN, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Michel CALDAGUÈS, Robert CALMÉJANE, Jean-Claude CARLE, Auguste CAZALET, Jean CLOUET, Gérard CORNU, Charles-Henri de COSSÉ-BRISSAC, Philippe DARNICHE, Luc DEJOIE, Robert Del PICCHIA, Jean DELANEAU, Jean-Paul DELEVOYE, Jacques-Richard DELONG, Christian DEMUYNCK, Marcel DENEUX, Charles DESCOURS, André DILIGENT, Jacques DONNAY, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, André DULAIT, Hubert DURAND-CHASTEL, Daniel ECKENSPIELLER, Jean-Paul ÉMIN, Hubert FALCO, André FERRAND, Hilaire FLANDRE, Jean-Pierre FOURCADE, Bernard FOURNIER, Serge FRANCHIS, Yann GAILLARD, René GARREC, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Francis GIRAUD, Paul GIROD, Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, Louis GRILLOT, Georges GRUILLOT, Pierre GUICHARD, Pierre HÉRISSON, Rémi HERMENT, Alain HETHENER, Jean-Paul HUGOT, Roger KAROUTCHI, Christian de LA MALÈNE, Lucien LANIER, Jacques LARCHÉ, Gérard LARCHER, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Guy LEMAIRE, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Philippe MADRELLE, André MAMAN, Paul MASSON, Serge MATHIEU, Michel MERCIER, Louis MOINARD, René MONORY, Georges MOULY, Bernard MURAT, Philippe NACHBAR, Lucien NEUWIRTH, Mme Nelly OLIN, MM. Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Lilian PAYET, Michel PELCHAT, Jacques PELLETIER, Jean PÉPIN, Jean-Marie POIRIER, Ladislas PONIATOWSKI, André POURNY, Jean PUECH, Victor REUX, Charles REVET, Henri REVOL, Henri de RICHEMONT, Bernard SEILLIER, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, André VALLET et Alain VASSELLE,
Sénateurs
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Installations sportives . |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En
France, la noyade est la première cause de mortalité par accident
domestique chez les enfants âgés de un à quatre ans.
Dans certaines régions particulièrement touchées (
PACA,
Midi Pyrénées, Languedoc Roussillon, Aquitaine
),
« sans doute en raison de l'importance de leur parc de piscines
privées et d'une fréquentation touristique très
élevée », la noyade est même
la
première ou la deuxième cause de mortalité
dans cette
tranche d'âge, tous accidents confondus.
La sensibilisation, ces dernières années, à ce risque
d'accident majeur
a permis la mise en place d'un système plus
fiable de remontée des informations (en particulier celles
détenues par les SAMU et les hôpitaux) en matière
d'accident de baignade dans les piscines privées. C'est le lieu
où les accidents d'enfants de un à quatre ans se produisent le
plus fréquemment et sont les plus meurtriers, en raison du délai
de découverte et d'intervention des secours, dont dépend le
pronostic vital des victimes.
Il est désormais prouvé qu'
une centaine d'enfants au moins
sont victimes chaque année d'accident de noyade en piscine privée
et qu'environ
un tiers
d'entre eux décèderont, sur place
ou à l'hôpital.
Les données recueillies par la Sécurité Civile font
état de 32 décès d'enfants de moins de cinq ans pour
l'année 2000, soit deux fois plus que l'année
précédente.
Cette augmentation significative peut s'expliquer par une aggravation du risque
de noyade mais également par un meilleur recensement des accidents en
2000. En effet, les acteurs sur le terrain, déjà
sensibilisés par la campagne et le recensement de 1999, se sont
fortement mobilisés en 2000.
Il y a eu vraisemblablement une
sous-estimation du phénomène
des noyades en 1999
, ce qui justifie pleinement un nouveau système
de recensement des accidents dans 10 départements pilotes en 2001 afin
d'obtenir une analyse plus détaillée des circonstances des
accidents qui permettront de mettre en place des campagnes de prévention
plus efficaces.
Les chiffres de la Sécurité Civile viennent malheureusement
confirmer les enseignements d'une enquête de 1999 menée
auprès de 47 unités de réanimation pédiatrique
qui soulignait «
une fréquence sous-estimée du
problème de la noyade des jeunes enfants en piscine privée si
l'on ne s'intéresse qu'à la mortalité,
une gravité initiale souvent sévère et la
mortalité importante
à ce stade »
.
Quelles qu'en soient les conséquences (décès,
hospitalisation avec ou sans séquelles, handicap permanent), un tel
drame représente, selon les experts médicaux, un
«
traumatisme psychique majeur
» aux
«
effets ravageurs à long terme
» pour les
familles dont la détresse et l'isolement moral sont renforcés par
un profond sentiment de culpabilité lié au caractère
brutal de l'accident et au jeune âge de l'enfant.
Si le prix à payer pour les familles est élevé, il l'est
aussi pour la société qui doit assumer le coût des secours
et des prises en charge hospitalières des enfants victimes de noyade
(réanimation, rééducation fonctionnelle, placement en
institutions), des suivis thérapeutiques des familles (parents,
fratrie), des arrêts maladie.
Ce constat est d'autant plus inquiétant que le marché de la
piscine connaît une croissance d'environ
10 % par an
(le parc
actuel est de
540 000 piscines enterrées)
, du fait de la
démocratisation d'un produit jusqu'alors réservé à
une élite, et de l'expansion de la vente en grande surface des piscines
« hors sol ».
Depuis deux ans, une forte mobilisation des administrations publiques, des
professionnels et des associations a permis de mener des campagnes
concertées d'information et de sensibilisation au risque de noyade du
jeune enfant, absolument
indispensables
, mais néanmoins
insuffisantes
pour faire diminuer les chiffres de mortalité et de
morbidité en piscine privée concernant les jeunes enfants, comme
le prouvent malheureusement les statistiques 2000.
La moindre faille dans la vigilance des adultes, un comportement
imprévisible de l'enfant, une absence ou une insuffisance de protection
de la piscine, et c'est le drame, immédiatement sanctionné : une
petite victime d'accident de noyade sur deux décèdera ou s'en
sortira avec séquelles.
Il faut savoir, pour mesurer le risque, qu'il suffit de quelques secondes
d'inattention pour qu'un enfant se noie et
qu'il peut mourir de noyade en
moins de trois minutes
!
Or,
la perception du risque représenté par la piscine
privée est insuffisante, les modalités de surveillance et de
protection sont en conséquence souvent inadaptées.
« C'est cette apparente contradiction entre une vigilance
nécessaire n'admettant aucune faiblesse et la difficulté
d'assurer une surveillance de tous les instants » qui a conduit
certains pays, en particulier Anglo-Saxons, à privilégier des
mesures passives
de prévention.
Dans un avis du
6 octobre 1999
, la Commission de Sécurité
des Consommateurs s'est prononcée en faveur d'une
intervention du
législateur
pour rendre obligatoire l'installation de dispositifs de
sécurité pour les piscines enterrées.
La Commission souligne que «
les barrières autour des
piscines constituent un système efficace de protection de jeunes enfants
de moins de six ans et présentent l'avantage d'être un obstacle
physique permanent
. Elles ont fait la preuve de leur efficacité
à l'étranger en diminuant très sensiblement le nombre de
noyades, notamment en Australie et en Nouvelle-Zélande ».
Les Australiens, par exemple, ont commencé à imposer une
clôture autour des bassins dès 1980 dans certains états et
ont voté en 1991 une loi obligeant les propriétaires de piscines
à protéger les bassins par une clôture. Ces pays ont plus
de dix ans de recul pour juger de l'efficacité des barrières.
A la demande de la Commission de Sécurité des Consommateurs,
s'est constituée, en décembre 99,
la Commission
P 91 C - Éléments de protection pour piscines
privées familiales ou à usage collectif
, afin que soient
menés des travaux de normalisation sur les barrières et moyens
d'accès au bassin ainsi que sur les autres dispositifs de protection
(systèmes d'alarme, couvertures et abris). Sous l'égide de
l'AFNOR, cette Commission réunit différents ministères des
services publics, les professionnels de la piscine, des fabricants
d'équipement de sécurité et des associations.
« La présente norme a pour but de renforcer la
prévention par un obstacle physique permanent entre l'enfant et la
piscine. (Elle) ne se substitue pas au bons sens ni à la
responsabilité individuelle... (Elle) n'a pas pour but non plus de se
substituer à la vigilance et à la responsabilité des
parents, qui reste le facteur essentiel pour la protection des jeunes
enfants. »
Le projet de norme «Barrières de protection et moyens
d'accès au bassin» spécifie les exigences de
sécurité minimales et les méthodes d'essai ainsi que les
informations pour les consommateurs ».
Les essais pour valider la norme (notamment la hauteur de la barrière)
ont été effectués en mai et juin 2000, afin de soumettre
l'avant-projet de norme sur les barrières à enquête
publique pour une publication de la norme fin 2001, début 2002.
La jurisprudence des tribunaux elle-même évolue : un jugement
du Tribunal de Grande Instance de Périgueux, en date du
28 novembre 2000 reconnaît pour la première fois le
caractère dangereux de la piscine pour un jeune enfant et, en
conséquence, les premiers juges ont mis à la charge du gardien de
la chose, sur le fondement de la théorie du risque (
article 1384
alinéa 1 du Code Civil
) l'obligation de réparer le
préjudice des parents du fait du décès de leur enfant, ce
dernier ne pouvant s'exonérer de cette présomption de
responsabilité qu'en apportant la preuve de la faute exclusive de
surveillance des parents
.
La piscine est désormais reconnue comme pouvant représenter
«
un danger potentiel pour un jeune enfant à la
démarche mal assurée
» et ce, en dépit de la
vigilance parentale dont personne ne saurait contester qu'elle a ses limites.
Dans ces conditions, l'intervention publique pour protéger l'enfant est
devenue
une nécessité
et d'ailleurs une obligation au
regard des engagements internationaux de l'Etat Français souscrits lors
de la ratification de la Convention de New York relative aux droits de l'enfant
datant du 26 janvier 1990, transposée en droit interne depuis le
6 septembre 1990 (décret n° 90-917 du 8 octobre 1990, article
3 pour la protection, article 6 pour le droit de l'enfant inhérent
à la vie) et dont la France a fêté le dixième
anniversaire en l'an 2000.
Le non respect de cette réglementation qui met directement en danger la
vie de l'enfant tomberait alors sous le coup des dispositions de
l'article
L. 223-1 du Code Pénal
:
« Le fait d'exposer directement autrui à un risque
immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation
délibérée d'une obligation particulière de
sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le
règlement est puni d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs
d'amende. »
Concernant les piscines commercialisées hors sol non couvertes à
usage privatif qui n'entrent pas dans le champ d'application du dispositif de
cette proposition de loi, il appartiendra au Gouvernement de se
référer à l'avis de la Commission de
Sécurité des Consommateurs du 18 avril 2000 et d'édicter
un décret sur la base de
l'article L. 221-3 du Code de la
consommation
.
Telles sont, Mesdames et Messieurs, les raisons pour lesquelles je vous demande
de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Les choses potentiellement dangereuses doivent être assorties de dispositifs passifs de protection dans le but d'assurer la sécurité des enfants.
Article 2
Il est
créé, au chapitre V du titre II du Livre 1
er
du Code
de la construction et de l'habitation, une section 3 ainsi
rédigée :
« Section 3
«
Sécurité des piscines
«
Art. L. 125-6
. - A partir du 1
er
janvier 2002,
l'installation de piscines enterrées non couvertes privatives à
usage individuel ou collectif dépourvue de barrières de
protection est interdite.
Les infractions à cette disposition sont constatées, poursuivies
et sanctionnées selon les règles fixées par les articles
L. 152-1 à L. 152-10.
«
Art. L. 125-7
.- Les piscines enterrées non
couvertes privatives à usage individuel ou collectif non pourvues de
barrières de protection doivent être mises en conformité au
plus tard le 1
er
janvier 2007.
« Les règles de sécurité applicables aux
barrières de piscine et les conditions d'application de la mise en
conformité des piscines existantes sont fixées par décret
en Conseil d'État. »
Article 3
Dans
l'intitulé du chapitre V du titre II du Livre 1
er
du Code de
la construction et de l'habitation, les mots :
« par destination »
sont remplacés par les mots :
« par nature ou destination ».