Protection des populations résidant à proximité des stations radioélectriques de téléphonie mobile
N°
302
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mai 2001
PROPOSITION DE LOI
relative à la protection des populations résidant à proximité des stations radioélectriques de téléphonie mobile ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Roger KAROUTCHI, Louis ALTHAPÉ, Pierre ANDRÉ, Roger BESSE, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jacques CHAUMONT, Gérard CORNU, Robert DEL PICCHIA, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Bernard FOURNIER, Alain GÉRARD, Charles GINÉSY, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Emmanuel HAMEL, René-Georges LAURIN, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Simon LOUECKHOTE, Bernard MURAT, Paul NATALI, Mme Nelly OLIN, MM. Jacques OUDIN, Jean-Pierre SCHOSTECK, Martial TAUGOURDEAU et Jacques VALADE,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Santé publique. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi a pour objectif de réduire les
normes d'exposition aux champs électromagnétiques
tolérées en France et d'encadrer le choix des sites
d'implantation des stations radioélectriques de téléphonie
mobile qui se développent très rapidement sur tout le territoire
national sans qu'aucune certitude scientifique n'existe quant à leur
innocuité.
Depuis quelques années, devant les enjeux économiques et
financiers que représente le marché de la
téléphonie mobile, les opérateurs de
télécommunications se livrent une redoutable bataille pour
stimuler et entretenir la demande des consommateurs. Ainsi, en France, pour la
seule année 2000, le nombre d'utilisateurs de téléphones
portables a crû de 44% pour franchir le cap des 30 millions
d'abonnés au début de l'année 2001.
Pour faire face à cette frénésie et gagner des parts de
marché sur leurs concurrents, les entreprises de ce secteur
développent leur réseau respectif par l'implantation de stations
de radiofréquences (antennes-relais) sur tout le territoire national,
sans véritable cahier des charges techniques et sans concertation ni
avec les riverains, ni avec les autres opérateurs. Les 35 000
antennes-relais recensées actuellement sont donc perchées de
manière anarchique sur tout type d'immeubles : de celui à usage
d'habitation aux établissements scolaires en passant par les
hôpitaux et les crèches. Plusieurs antennes-relais peuvent
être installées sur le toit d'un même immeuble d'habitation
sans que les locataires en soient avertis et sans qu'aucune mesure du champ
électromagnétique ne soit entreprise, l'autorisation de
l'installation d'une station de radiofréquences résultant
simplement d'un accord financier entre l'opérateur et le
propriétaire de l'immeuble.
Chacune de ces antennes-relais émet un faisceau de
radiofréquences étroit et omnidirectionnel de plusieurs dizaines
de watts, comparable au faisceau d'un projecteur, qui est d'autant plus
irradiant que le réseau est sollicité. Les ondes
électromagnétiques ainsi créées appartiennent aux
radiations non ionisantes et ont des fréquences de 900 mégaherz
pour le système GSM
(Global System for Mobil Communication)
et
1800 mégaherz pour le système DCS
(Digital Cellular
System)
.
En milieu urbain, la densité importante d'utilisateurs a
entraîné la prolifération de ces antennes dont les
émissions d'hyperfréquences peuvent être
réémises et amplifiées par certaines structures
métalliques (volets, portes, garde-fous...).
Ces implantations nombreuses ont pour conséquence de nous faire vivre en
permanence sous l'influence de champs électromagnétiques, que
l'on soit ou non équipé d'un récepteur, sans qu'en
l'état actuel des connaissances, nous ayons une idée
précise de leurs conséquences sanitaires et/ou biologiques. Dans
l'environnement proche des stations de radiofréquences de
téléphonie mobile, les densités de puissance des champs
électromagnétiques sont très élevées et
peuvent atteindre plusieurs centaines de microwatts par centimètre
carré. Ces valeurs décroissent avec l'éloignement et on
peut considérer qu'à une distance de 300 mètres, la
densité de puissance n'est plus que de 1 microWatt par centimètre
carré.
Si aucune étude scientifique n'a démontré la
nocivité de ces rayonnements, inversement, aucune ne peut garantir
l'absence de risque dans leur voisinage. La direction générale de
la santé reconnaît elle-même que «
compte tenu
des connaissances actuelles, il est impossible de connaître l'incidence
exacte de ces installations
» et que «
si,
actuellement aucune pathologie objective n'a pu être mise en
évidence, il ne peut être établi avec certitude qu'il
n'existe aucun risque
». De nombreuses études ont donc
été menées pour déterminer les effets sur la
santé humaine de ces champs électromagnétiques et leurs
conclusions apparaissent comme contradictoires. Si certaines d'entre elles se
veulent rassurantes, d'autres en revanche mettent en avant les risques
d'échauffement du cerveau, de perturbation du système immunitaire
et de la qualité du sommeil paradoxal, d'altération de certaines
capacités cognitives, d'augmentation de la pression artérielle et
des risque de tumeurs ou de cancers du cerveau, de rupture de brins d'ADN, ou
encore de développement de la maladie d'Alzheimer ou de Parkinson...Si
aucun de ces symptômes n'a pu scientifiquement être prouvé,
si le caractère délétère du risque sanitaire
encouru n'a pu être démontré, il est en revanche
avéré que l'exposition à ces radiations produit des
modifications biologiques (sécrétion de mélatonine,
perturbation de l'électroencéphalogramme, augmentation de
l'activité de l'ornithine décarboxylase, modification de
certaines fonctions cognitives comme le temps de réaction ou la
mémoire, atténuation de la perméabilité de la
barrière hémato-encéphalique...).
Ces effets constatés sur la santé sont fonctions de plusieurs
facteurs : la distance entre le sujet et la source émettrice, son
positionnement dans le lobe principal (devant les antennes-relais) ou dans le
lobe secondaire de radiofréquences, la présence de
« réémetteurs passifs », le type de station
(macrocellulaire, microcellulaire ou picocellulaire), les fluctuations dans les
puissances émises en fonction du nombre de communications
traitées et de leur qualité, la taille du sujet, et les
conditions d'environnement. Les enfants, en raison de leur système
nerveux en développement et de leur plus grande capacité
d'absorption d'énergie dans les tissus de la tête apparaissent
comme plus vulnérables.
De nouvelles études ont été lancées
récemment à travers le monde pour déceler les effets
éventuels de ces champs électromagnétiques (COMOBIO, OMS,
INSERM). Malheureusement, il faudra attendre les années 2004 et 2005
pour que les premières conclusions sérieuses puissent être
tirées. D'ici là, l'arrivée de nouvelles technologies de
téléphonie (UMTS...) va conduire les opérateurs à
se lancer dans de nouvelles vagues d'installation de stations de
radiofréquences.
Devant le risque encouru par la population et en absence de certitude
scientifique, la saine application du principe de précaution exige
d'encadrer les implantations actuelles et futures et de définir des
normes d'exposition tolérées. Ces normes, destinées
à la prévention du risque lié aux champs
électromagnétiques à hautes fréquences
pulsés à proximité des antennes-relais, doivent être
considérées comme des normes appliquant un principe de
précaution et non comme des normes délimitant les effets sur la
santé.
Les dispositions de la présente proposition de loi sont au nombre
de trois :
1. Réduire les normes d'exposition tolérées en France
et définir un périmètre de sécurité autour
des stations de radiofréquence de téléphonie mobile
Actuellement, les normes d'exposition tolérées diffèrent
d'un pays à l'autre. En France, c'est la recommandation du Conseil de
l'Union européenne du 12 juillet 1999 qui sert de
référence même si, n'ayant pas fait l'objet d'un
décret ou d'une transposition en droit, elle ne revêt pas un
caractère obligatoire.
Ainsi, il est théoriquement prévu que sur le territoire national,
l'intensité du champ électromagnétique ne doit pas
dépasser 41 volts par mètre pour les fréquences autour de
900 mégaHertz (réseau SFR et Itinéris), et 58 volts par
mètre pour les fréquences autour de 1800 mégaHertz
(réseau Bouygues Télécom). Dans sa recommandation, l'Union
européenne précise que les normes évoquées ne
tiennent pas compte des effets non thermiques et qu'elle laisse aux Etats
membres la liberté de «
viser un niveau plus
élevé de protection de la santé que celui qui correspond
à ces recommandations
».
C'est ce qu'ont fait certains pays, membres ou non de l'Union
européenne, qui, confrontés à des risques biologiques et
sanitaires identiques, ont pris des dispositions beaucoup plus prudentes.
Ainsi, l'Italie, la Russie ou la Suisse ont fixé la limite
autorisée à 6 volts par mètre.
En conséquence, le périmètre de sécurité
autour des stations de radiofréquences, destiné à
protéger la population, diffère très sensiblement entre
la France et ces pays. Ainsi, s'il est d'environ 20 mètres face à
l'antenne en Italie (pour une station macrocellulaire) ou de 30 mètres
en Belgique et en Suisse, il n'est que de l'ordre de 2 mètres en France.
Parallèlement, la densité de fréquence de l'onde plane
équivalente autorisée en France (900 microwatts par
centimètre carré pour le procédé Bouygues
Télécom) est très sensiblement supérieure à
celle en application dans un certain nombre d'autres pays comme l'Australie et
la Nouvelle-Zélande (200 microwatts/cm²), l'Italie (100
microwatts/cm² pour le cas général et 10 microwatts/cm²
dans les édifices utilisés de manière continue pour des
durées d'au moins quatre heures), les pays de l'Est et la Russie (10
microwatts/cm² pour les expositions professionnelles et 5
microwatts/cm² pour les expositions du public), ou encore dans le
land
de Salzbourg en Autriche (0,1 microwatts/cm²).
L'auteur de la proposition de loi estime que rien n'explique cette
différence d'appréciation du risque et propose d'aligner les
normes d'exposition autorisées en France sur les recommandations de
nombreux scientifiques.
Il considère qu'il appartient au législateur de prescrire
l'établissement de normes précises à respecter, son
objectif étant que ce dispositif soit mis en oeuvre par
référence aux exigences en matière de santé
publique.
Pour respecter les normes d'exposition ainsi définies, la
présente proposition de loi institue des contrôles
normalisés de champs électromagnétiques dans le voisinage
des stations de radiofréquences, qu'elles soient existantes ou nouvelles.
Elle prévoit également des mesures périodiques dans les
zones sensibles.
L'auteur de la proposition de loi estime que ces contrôles devront
être effectués par des organismes indépendants et que les
résultats devront être accessibles au grand public et donner lieu
à la définition d'un périmètre de
sécurité autour des stations.
2. Encadrer le choix des sites retenus pour l'installation de stations de
radiofréquences de téléphonie mobile
Les normes indiquées par la recommandation européenne de juillet
1999 ne tiennent pas compte de la densité de puissance globale due
à l'ensemble des différents réseaux de
téléphonie mobile, auxquels s'ajoutent en certains endroits des
faisceaux hertziens publics et privés (par exemple système de
surveillance à distance).
La présente proposition de loi prévoit de subordonner
l'installation des stations de radiofréquences à l'accord des
autorités locales et, lorsqu'il s'agit d'un immeuble d'habitation,
à l'accord à la majorité qualifiée des
résidants. Ces derniers ne pourront donner leur avis qu'après
avoir été informés par les opérateurs des risques
potentiels sur la santé des champs électromagnétiques et
pourront remettre en cause un contrat existant dans le cas où ils
n'auront pas été consultés ou informés avant
l'installation.
3. Assurer la protection des personnes les plus fragiles et de la population
qui habite à proximité des stations de radiofréquences de
téléphonie mobile
L'intensité du champ électromagnétique, qui est
très importante à proximité d'une station de
radiofréquences de téléphonie mobile, se réduit
avec la distance. Pour réduire les risques encourus par la population,
il suffit donc d'installer ces équipements à une distance
suffisante des zones d'habitation.
L'auteur de la présente proposition de loi prévoit d'interdire
l'implantation d'antennes fixes à moins de 100 mètres d'une zone
d'habitation ou d'un bâtiment sensible (établissement scolaire,
hospitalier ou de personnes âgées, crèche, jardin
d'enfants) lorsque son faisceau est dirigé dans la direction de ces
mêmes bâtiments.
L'initiative parlementaire propose également d'interdire l'installation
de ces équipements sur le toit des écoles, des jardins d'enfants,
des crèches, des maisons de personnes âgées et des
hôpitaux comme c'est déjà le cas en Grande-Bretagne, en
Suisse ou en Ecosse.
*********************
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Après le chapitre III du titre III du livre III du code de la santé publique est inséré un chapitre III bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
bis
« Des radiations non-ionisantes
Article 2
Il est
inséré dans le chapitre III bis du titre III du livre III du code
de la santé publique un article L. 1333-13 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 1333-13.
- Toute station de radiofréquences
de téléphonie mobile doit respecter des normes d'exposition
minimisant les risques sanitaires et biologiques encourus par la population.
« Un périmètre de sécurité
délimitant les zones à risques est défini en fonction des
normes ainsi établies.
« Des mesures sont obligatoirement réalisées autour des
stations de radiofréquences de téléphonie mobile, qu'elle
soient nouvelles ou existantes. Les zones les plus sensibles font l'objet de
contrôles périodiques dont les résultats sont librement
consultables.
« Un décret détermine, par référence au
principe de précaution, les modalités d'application du
présent article, et notamment les normes d'exposition
tolérées, la définition des zones les plus sensibles, le
ou les organismes chargés d'effectuer les contrôles, la
périodicité de ceux-ci, les conditions de prise en charge de
leur coût par les propriétaires des installations, ainsi que les
modalités de consultation par la population de leurs résultats.
« Le ministre chargé de la santé peut prononcer
l'interdiction ou le démantèlement d'une installation qui
n'aurait pas été soumise au contrôle prévu au
présent article.
Article 3
Il est
inséré dans le chapitre III
bis
du titre III du livre III
du code de la santé publique un article L. 1333-14 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 1333-14.
- Lors de l'installation d'une station de
radiofréquences de téléphonie mobile sur un immeuble
à usage d'habitation, les résidants doivent obligatoirement
être informés sur les risques potentiels des champs
électromagnétiques dans le voisinage de ces stations.
« Aucune station de radiofréquences de
téléphonie mobile ne peut être installée sur un
immeuble d'habitation sans l'accord des résidants à la
majorité qualifiée des 2/3.
« Les opérateurs de télécommunications doivent
avant toute décision d'installation de ces équipements, quelle
que soit leur taille et leur puissance, recueillir l'avis du conseil municipal
ou, le cas échéant, de l'organe délibérant de
l'établissement public de coopération intercommunale. Cet avis
est réputé favorable à l'issue d'un délai de deux
mois à compter de la saisine.
Article 4
Il est
inséré dans le chapitre III
bis
du titre III du livre III
du code de la santé publique un article L. 1333-15 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 1333-15
. - Il est interdit d'installer une station
de radiofréquences de téléphonie mobile sur le toit ou
à moins de 100 mètres d'une zone d'habitation ou d'un
bâtiment sensible lorsque son faisceau est dirigé dans la
direction de ces mêmes bâtiments.
« Les bâtiments réputés sensibles sont les
établissements scolaires, les crèches, les jardins d'enfants, les
établissement hospitaliers et les résidences de personnes
âgées.
« Les installations antérieures à la promulgation de la
présente proposition de loi peuvent être contestées par les
résidants ou les autorités politiques locales compétentes
dès lors que les conditions présentées dans les articles
L. 1333-13, L. 1333-14 et dans le présent article du code de la
santé publique ne sont pas respectées.
« Un décret détermine les modalités
d'application du présent article.