Promotion publicitaire de la gestion d'une collectivité
N° 58
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 2000
PROPOSITION DE LOI
portant modification de l'
article L. 52-1
du
code
électoral
,
PRÉSENTÉE
Par M. Michel CHARASSE
et les membres du groupe socialiste (1) et
apparentés (2),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
Règlement et d'administration générale sous réserve
de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le Règlement).
(1) Ce groupe est composé de
: MM. Guy Allouche, Bernard Angels,
Henri d'Attilio, Bertrand Auban, François Autain, Robert Badinter,
Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse
Bergé-Lavigne,
MM. Jean Besson, Pierre Biarnès, Marcel Bony, Mmes Yolande Boyer,
Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme
Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Marcel
Charmant, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Roland Courteau,
Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Mmes Dinah
Derycke, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Michel
Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier,
Léon Fatous, Serge Godard, Jean-Noël Guérini, Claude Haut,
Roger Hesling, Roland Huguet, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche,
Roger Lagorsse, André Lejeune, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle,
Jacques Mahéas, François Marc, Marc Massion, Pierre Mauroy,
Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel
Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras,
Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM.
Paul Raoult, Roger Rinchet, Gérard Roujas, André Rouvière,
Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre Signé, Simon Sutour,
Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Vezinhet, Marcel Vidal,
Henri Weber.
(2) Apparentés
: MM. Rodolphe Désiré, Dominique
Larifla, Claude Lise.
Élections et référendums. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'article L.52-1, alinéa 2, du Code électoral, dans le texte issu
de la loi du 15 janvier 1990, précise qu'à « compter du
premier jour du sixième mois précédant le mois au cours
duquel il doit être procédé à des élections
générales, aucune campagne de promotion publicitaire des
réalisations ou de la gestion d'une collectivité ne peut
être organisée sur le territoire des collectivités
intéressées par le scrutin ».
Cette disposition, applicable depuis le 1er septembre 2000 en ce qui concerne
les prochaines élections municipales et cantonales de mars 2001, donne
lieu en cas d'infraction à une amende de 500.000 F (article L.90-1 du
Code électoral), sans préjudice de l'annulation éventuelle
du scrutin.
Il résulte clairement des travaux préparatoires de la loi du 15
janvier 1990 qu'en édictant cette interdiction, le législateur a
voulu viser la promotion publicitaire « institutionnelle »,
c'est-à-dire celle résultant de publications diverses,
écrites et audiovisuelles notamment, financées sur des fonds
publics par les collectives locales concernées.
Or, passant outre à l'avis contraire du Commissaire du Gouvernement, le
Conseil d'Etat a conféré à ce texte une portée
générale allant très au-delà de la volonté
du législateur. C'est ainsi que la Haute Assemblée a
déclaré, le 2 octobre 1996 (élections municipales de
Bassens) qu'une « plaquette valorisant les réalisations et la
gestion d'une commune, nonobstant la circonstance qu'elle n'avait pas
été financée par la commune mais par les participations
individuelles des élus sortants et des sympathisants »
constituait une promotion publicitaire tombant sous le coup de l'article
L.52-1, 2ème alinéa, précité, du Code
électoral. Il a fait de même le 18 décembre 1996
(élections dans le XVIème arrondissement de Paris) en soulignant
qu'était une campagne publicitaire prohibée « la
diffusion d'une publication présentant les réalisations de
l'équipe municipale sortante, nonobstant la circonstance qu'elle n'avait
pas été financée par la ville ».
Appliquant rigoureusement, et au-delà de l'esprit du texte, la
disposition précitée, le Conseil d'Etat n'accepte (arrêt du
22 novembre 1995, élections cantonales de Bois-Colombes) que les
publications ayant, par exemple, « pour unique objet de
répondre au tract d'une association locale mettant en cause la gestion
d'un dossier d'urbanisme par la commune ».
Il résulte clairement de cette jurisprudence :
1. qu'il est désormais interdit aux candidats aux élections
municipales et cantonales, lorsqu'ils sont sortants et qu'ils sollicitent
à nouveau la confiance du suffrage universel, de rendre compte de leur
mandat par d'autres voies qu'orales ou par l'intermédiaire de la
profession de foi habituelle, contrairement aux principes fondamentaux de la
démocratie tels qu'ils résultent notamment de la
Déclaration des droits de 1789 et plus particulièrement de son
article XV selon lequel « La Société a le droit de
demander compte à tout agent public de son administration ».
2. que seuls les candidats à une élection qui ne sont pas
sortants ont le droit d'organiser des campagnes de promotion publicitaire
mettant en cause la gestion des sortants sans que ceux-ci aient le droit de
faire valoir le bilan de leur action sauf à se contenter de mises au
point limitées et au cas par cas (arrêt du 22 novembre 1995
précité).
3. que la jurisprudence du Conseil d'Etat aboutit donc à une grave
rupture du principe constitutionnel d'égalité entre les candidats
à une élection selon qu'ils sont sortants - et doivent rester
muets - ou non - et peuvent tout écrire et publier !
La rigueur du Conseil d'Etat aboutissant à une situation injuste et
absurde, contraire aux grands principes fondamentaux de la République et
de la démocratie, il paraît indispensable d'apporter à la
loi les précisions qui s'imposent, afin de mettre un terme aux risques
que pourraient courir certains élus locaux sortants et à la
légitime émotion de nombreuses formations politiques, des
élus municipaux et cantonaux et de leurs associations
représentatives, notamment l'Association des Maires de France qui a
décidé de saisir le Gouvernement et le Parlement.
Il est donc suggéré de compléter l'article L.52-1 par un
nouvel alinéa après le second alinéa du texte actuel afin
de préciser
a) que l'interdiction d'organiser une campagne de promotion publicitaire ne
s'applique pas à celle mise en oeuvre par les élus des
collectivités locales et visant à rendre compte de leur mandat et
à valoriser leurs réalisations sous réserve que cette
campagne ne soit pas financée sur fonds publics.
b) que les dépenses de cette campagne publicitaire s'imputent, s'il y a
lieu, sur le compte de campagne de la liste ou du candidat.
Tels sont les objets de la proposition de loi que nous avons l'honneur de vous
demander de bien vouloir délibérer et adopter.
PROPOSITION DE LOI
ARTICLE UNIQUE
L'article L.52-1 du Code électoral est
complété
par trois nouveaux alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne
s'appliquent pas aux campagnes de promotion publicitaire des
réalisations ou de la gestion d'une collectivité
effectuées par les élus de cette collectivité à la
condition :
« a) que cette campagne soit exclusivement financée par des
participations individuelles des élus sortants et, le cas
échéant, de leurs sympathisants ;
« b) que les dépenses de cette campagne publicitaire
s'imputent, s'il y a lieu, sur le compte de campagne du candidat ou de la
liste ».