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N° 388
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 26 juin 1997 Enregistré à la présidence du Sénat le 16 juillet 1997
PROJET DE LOI
autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part,
PRÉSENTÉ
au nom de M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
par M. HUBERT VÉDRINE,
ministre des affaires
étrangères.
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Traités et conventions.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part, signé le 10 juin 1996.
Cet accord est fondé sur l'article 238 du traité de Rome et sur l'article 98 du traité CECA. Il comporte des dispositions de compétence nationale et doit donc être ratifié par les quinze États membres de l'Union européenne. A la date de son entrée en vigueur, il remplacera l'accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République de Slovénie, d'autre part, également signé le 5 avril 1993 ainsi que l'accord entre les États membres de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, d'une part, et la République de Slovénie signé le 5 avril 1993. Un accord intérimaire pour le commerce et les mesures d'accompagnement, signé le 11 novembre 1996, devrait entrer en vigueur au 1 er janvier 1997. Il permettra l'application du volet commercial de l'accord d'association, en attendant la ratification de ce dernier.
L'article 131 de l'accord précise que la date d'entrée en vigueur sera le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les Parties contractantes se notifient l'accomplissement des procédures d'approbation. Les Parties contractantes souhaitent voir cet accord entrer en vigueur dans les meilleurs délais. Toutefois, les dispositions qui ne relèvent que de la compétence communautaire (c'est-à-dire principalement les dispositions commerciales) pourraient faire l'objet d'un accord intérimaire qui en permettrait une entrée en vigueur plus rapide.
I. - Historique de l'accord
Lors du Conseil européen extraordinaire de Dublin (avril 1990), les chefs d'État et de Gouvernement s'étaient prononcés pour « la conclusion avec chacun des pays d'Europe centrale et orientale d'accords d'association prévoyant notamment un cadre institutionnel pour le dialogue politique ». Six accords de ce type sont déjà en vigueur : accords d'association avec la Hongrie et la Pologne (entrés en vigueur le 1 er février 1994) ainsi qu'avec la Bulgarie, les Républiques tchèque et slovaque et la Roumanie (1 er février 1995). Par ailleurs, des accords d'association signés avec les trois États baltes en juin 1995 sont en cours de ratification. L'accord d'association avec la République de Slovénie a été signé le 10 juin 1996 à Bruxelles.
Sans préjudice d'accords avec d'autres États, ces dix accords européens s'intègrent dans l'architecture globale des relations de l'Union avec les pays tiers, notamment dans la perspective de l'élargissement : les dix pays sont en effet officiellement candidats a l'adhésion à l'Union européenne. La vocation de la République de Slovénie, comme celle des autres États associés, à devenir membre de l'Union avait été affirmée lors du Conseil européen de Copenhague (juin 1993) : « Le Conseil européen est convenu aujourd'hui que les pays associés d'Europe centrale et orientale qui le désirent pourront devenir membres de l'Union européenne. L'adhésion aura lieu dès que le pays associé sera en mesure de remplir les obligations qui en découlent, en remplissant les conditions économiques et politiques requises. » Les accords européens permettent d'avancer sur cette voie.
II. - Contenu de l'accord
Le texte de l'accord est proche de celui des autres accords européens d'association. Son article 1 er en décrit les objectifs :
- promouvoir le dialogue politique entre les Parties afin de permettre le développement de relations politiques étroites entre elles ;
- développer les échanges et les relations économiques afin de favoriser un développement économique dynamique et la prospérité de la Slovénie ;
- établir progressivement une zone de libre-échange entre la Communauté européenne et la Slovénie pour couvrir la quasi-totalité de leurs échanges mutuels ;
- soutenir les efforts de la Slovénie pour développer son économie et mener à terme le processus de transition vers l'économie de marché ;
- créer un cadre pour l'intégration progressive de la Slovénie dans l'Union européenne, la Slovénie s'efforçant de remplir les conditions nécessaires à cette fin.
Préambule
Le préambule de l'accord souligne en particulier la volonté slovène de devenir membre de l'Union européenne : « reconnaissant le fait que l'objectif final de la Slovénie est de devenir membre de l'Union et que, de l'avis des Parties, la présente association aidera la Slovénie à atteindre cet objectif ». Il est conçu comme une étape devant permettre une adaptation progressive aux exigences communautaires.
Dialogue politique (titre II)
La mise en place d'un dialogue politique (art. 4 à 7) confère à l'accord un caractère mixte qui implique la ratification par chacun des Parlements nationaux. Ce dialogue doit parfaire l'intégration de la Slovénie dans la communauté des nations démocratiques ainsi que le rapprochement des positions sur les questions de politique internationale et de sécurité. Dans cet esprit, des procédures de concertation sont instaurées, en particulier dans le cadre multilatéral (réunions ministérielles conjointes entre les ministres des États membres de l'Union et les ministres des pays associés) ainsi que celui d'un conseil d'association et d'une commission parlementaire d'association.
Clause suspensive
L'accord comprend une clause suspensive en cas de violation des principes démocratiques, des droits de l'homme et des règles de l'économie de marché (art. 2). Depuis la déclaration du Conseil du 11 mai 1992, cette clause apparaît dans tous les nouveaux accords de la Communauté avec ses partenaires de l'OSCE.
Structures institutionnelles
L'accord prévoit la mise en place (art. 110 à 118) d'un conseil d'association, composé des membres du Conseil de l'Union européenne, de représentants de la Commission et du gouvernement du pays associé, qui examinera toute question portant sur le cadre de l'accord ou sur tout autre sujet bilatéral ou international d'intérêt mutuel. Un comité d'association assistera ce conseil dans sa tâche. Une commission parlementaire d'association est créée, dont la présidence est assurée alternativement par le Parlement européen et par le Parlement slovène. Elle est informée des décisions du conseil d'association et peut formuler des recommandations.
Dispositions commerciales (titre III)
L'accord (art. 8) conduit à la réalisation, au terme d'une période transitoire de six années à compter de la date d'entrée en vigueur, d'une zone de libre-échange pour les produits industriels, conformément aux dispositions du GATT et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Ainsi, les droits de douane, restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent à l'importation applicables dans la Communauté aux produits originaires de Slovénie seront supprimés dès l'entrée en vigueur de l'accord (art. 10). Les droits de douane et restrictions quantitatives à l'importation applicables en Slovénie aux produits originaires de la Communauté seront supprimés dès l'entrée en vigueur de l'accord, à l'exception des produits couverts par les annexes III et IV de l'accord pour lesquels un calendrier de démantèlement des droits est prévu (art. 11). Par ailleurs, dès l'entrée en vigueur de l'accord, la Communauté et la Slovénie supprimeront entre elles les droits de douane à l'exportation ainsi que les mesures d'effet équivalent et les restrictions quantitatives à l'exportation.
Des arrangements spécifiques (art. 16) s'appliquent au commerce des produits textiles (protocole n° 1) et au commerce des produits relevant du traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (protocole n° 2).
L'accord prévoit par ailleurs l'octroi de concessions communautaires dans le domaine des produits agricoles (chapitre II, art. 19 à 22), un protocole annexé (protocole n° 3) étant consacré aux produits agricoles transformés. Ces concessions prennent la forme de réductions de droits mais les restrictions quantitatives à l'importation et mesures d'effet équivalent sont supprimées dès la date d'entrée en vigueur de l'accord. Le conseil d'association peut décider de nouvelles concessions. Les échanges de produits de la pêche (chapitre III, art. 23 et 24) font l'objet de concessions (annexes VIII a et VIII b).
En cas de perturbations sérieuses dans un secteur de l'activité économique ou de préjudice grave pour les producteurs nationaux, les Parties contractantes pourront mettre en place une clause de sauvegarde (art 31). De même, le recours à des procédures antidumping est prévu (art. 30). Enfin, des mesures de protection en cas de détérioration de la balance des paiements sont possibles selon les règles du GATT.
Dispositions relatives à la circulation des travailleurs, à l'établissement et à la prestation de services (titre IV)
Dans le domaine de la circulation des travailleurs (chapitre I er , art. 38 à 44), l'Union et la Slovénie s'engagent, sous réserve des conditions et modalités applicables dans chaque État partie à l'association, à faciliter l'accès au marché du travail des résidents en situation régulière de l'autre Partie, ainsi que de leurs conjoint et enfants. Le traitement national sera accordé aux ressortissants en situation régulière, s'agissant des conditions de travail, salaire ou rémunération. Par ailleurs, les Parties se déclarent prêtes à conclure des accords afin de coordonner leur système de sécurité sociale.
La liberté d'établissement (chapitre II, art. 45 à 55) en matière de prestations de services, notamment banque, assurance et services financiers, sera assurée au terme de la période transitoire de six ans, à l'exception des services de transport aérien, de navigation intérieure et de cabotage maritime. La Communauté et ses États membres accordent (art. 45-3) le traitement national à l'établissement de sociétés slovènes ainsi qu'à l'activité des filiales et succursales de sociétés slovènes établies sur leur territoire. La Slovénie accorde (art. 45-1) le traitement national aux sociétés des États membres de l'Union (à l'exception des secteurs visés par l'annexe IX auxquels le traitement national sera accordé au plus tard à la fin de la période transitoire) ainsi qu'à l'activité de filiales et de succursales de ces sociétés établies sur son territoire.
Les travailleurs salariés de sociétés visées aux chapitres II et III du titre IV peuvent être transférés temporairement auprès d'une autre firme, dans le cadre d'activités économiques, sur le territoire de l'autre Partie, sous certaines conditions (faire partie du personnel clé et avoir une ancienneté professionnelle d'un an dans l'entreprise). Le présent Accord ne doit pas être interprété comme donnant droit d'entrer et de séjourner sur le territoire de l'autre Partie à des salariés non couverts par les articles précités.
La Slovénie pourrait toutefois (art. 52) instaurer, mais seulement jusqu'à la fin de la période transitoire, des mesures de protection dans les domaines couverts par la liberté d'établissement si les secteurs concernés se trouvaient confrontés à de graves difficultés économiques, exposés à des réductions excessives de parts de marché, étaient en cours de restructuration ou bien dans le cas d'industries naissantes. La mise en oeuvre de ces mesures est encadrée par l'accord.
Dispositions relatives aux paiements, capitaux, concurrence et autres dispositions, en particulier le rapprochement des législations (titre V)
Les mouvements de capitaux (chapitre I er , art. 62 à 64) seront également facilités conformément aux dispositions de l'article VIII des statuts du Fonds monétaire international. Les États membres et la Slovénie s'engagent notamment, dès l'entrée en vigueur de l'accord, à assurer la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs et de portefeuille ainsi que le rapatriement du produit de ces investissements (par dérogation, une période transitoire de quatre années est prévue pour les investissements liés à l'établissement en Slovénie de travailleurs indépendants de l'Union).
L'accord prévoit également (chapitre II, art. 65 à 69) l'application par la Slovénie des règles de concurrence telles que prévues par le traité sur l'Union européenne, notamment le régime des aides d'État, des positions dominantes et des monopoles. La Slovénie devra se conformer à des dispositions contraignantes dans ce domaine.
Elle s'engage, en outre, à poursuivre l'amélioration de la protection des droits de la propriété intellectuelle, industrielle et commerciale (la Slovénie doit adhérer aux conventions multilatérales avant l'entrée en vigueur du présent Accord et se donner les moyens d'en assurer le respect). Les deux Parties estiment enfin souhaitable l'ouverture de leurs marchés publics sur la base de non-discrimination et de réciprocité (art. 69) : au plus tard à la fin de la période transitoire de six ans, les sociétés de la Communauté auront accès aux procédures d'attribution des marchés publics en Slovénie (mais dès l'entrée en vigueur de l'accord pour les sociétés de la Communauté déjà établies dans ce pays).
Une vaste coopération (art. 70 à 109) est instituée par l'accord. Elle porte notamment sur la normalisation, la science et la technologie, l'éducation et la formation, l'agriculture, l'agro-industrie et la pêche, l'énergie, la sûreté nucléaire, l'environnement, les transports, les télécommunications, les services financiers, la protection et la promotion des investissements, la lutte contre le blanchiment de l'argent de la drogue, le développement régional, le tourisme, la coopération sociale, la protection des consommateurs, l'information, les petites et moyennes entreprises, les douanes, les statistiques et la culture. Elle doit aussi promouvoir le rapprochement des législations (art. 70 et 71), dans le but de faciliter à terme une future adhésion des pays associés. A cet égard, le Conseil européen de Cannes a adopté en juin 1995 un Livre blanc sur la préparation des pays associés à l'intégration dans le marché intérieur de l'Union, qui recense les textes communautaires qui devraient être transposés en priorité dans les vingt-trois secteurs du marché intérieur.
Pour conduire et faciliter cette coopération, la Communauté s'est engagée à apporter une assistance financière au pays associé : dons du programme PHARE (la Slovénie a reçu 64 millions d'écus au cours de la période 1990-1995) et prêts de la Banque européenne d'investissements. Enfin, en cas de besoin, dans le contexte du G 24 qui coordonne l'aide des pays de l'OCDE aux pays d'Europe centrale et orientale, la Communauté peut examiner la possibilité d'apporter une assistance financière temporaire pour soutenir des mesures ayant pour objectif l'introduction de la convertibilité de la monnaie ou les efforts de stabilisation économique et d'ajustement structurel. Ce programme est subordonné à la présentation et au respect, par la Slovénie, de programmes de convertibilité ou de restructuration de l'économie approuvés par le Fonds monétaire international dans le cadre du G 24, ainsi qu'à l'acceptation de ces programmes par l'Union européenne.
Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part et la République de Slovénie, d'autre part, qui est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée la ratification de l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part, fait à Luxembourg le 10 juin 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 16 juillet 1997.
Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères,
Signé : HUBERT VÉDRINE
ANNEXE
ACCORD EUROPÉEN
établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, agissant dans le cadre de l'Union européenne, d'une part, et la République de Slovénie, d'autre part