EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 19 octobre dernier, la Commission européenne a présenté son programme de travail pour 2022, intitulé Ensemble pour une Europe plus forte , afin de faire face aux quatre défis majeurs que doivent relever la France et l'Union européenne et qu'a recensés la Commission dans son deuxième rapport de prospective stratégique : le changement climatique et les défis environnementaux ; la transformation de pans entiers de la société par la numérisation ; des pressions renouvelées sur la démocratie et ses valeurs ; l'évolution du monde vers une multipolarité et des inégalités démographiques renforcées 1 ( * ) . Ce programme de travail a également pour objectifs de tirer les leçons de la pandémie de covid-19 pour les politiques européennes et de tourner l'Union européenne vers l'avenir.
Au regard de ces ambitions, il paraît essentiel de veiller à une programmation rigoureuse des travaux législatifs annoncés et, surtout, à sa mise en oeuvre effective. L'Union européenne doit se garder d'effets d'annonce sans suite et doit être en mesure de présenter rapidement des résultats rapides et tangibles aux citoyens des États membres.
Il paraît également nécessaire de veiller, d'une part, au respect du principe de subsidiarité par la Commission européenne dans son droit d'initiative, et d'autre part, à l'association étroite à l'élaboration de ces réformes des parlements nationaux, coeurs de la démocratie européenne et maillons essentiels entre les citoyens et les institutions de l'Union européenne. Cela s'impose d'autant plus au Parlement français que, depuis le 1 er janvier dernier, la France assume la présidence semestrielle du Conseil de l'Union européenne.
En pratique, le programme de travail de la Commission pour 2022 se décline en six grandes ambitions, dégagées par la Présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, dans son discours du 16 juillet 2019, elles-mêmes réparties en 32 actions : un pacte vert pour l'Europe (5 actions) ; une Europe adaptée à l'ère du numérique (7 actions) ; une économie au service des personnes (7 actions) ; une Europe plus forte sur la scène internationale (4 actions) ; la promotion du mode de vie européen (5 actions) ; un nouvel élan pour la démocratie européenne (4 actions).
Au total, ces 32 actions devraient être mises en oeuvre à travers 42 initiatives, dont 24 initiatives de nature législative, 15 de nature non législative et 3 initiatives au statut demeurant à ce jour indéterminé, selon un calendrier prévisionnel établi de façon trimestrielle. La Commission prend bien soin toutefois de préciser que ces informations restent indicatives.
Par ailleurs, le programme de travail présente également les révisions, évaluations et bilans de qualité auxquels la Commission envisage de procéder au cours de l'année, au titre du programme REFIT de simplification. 26 initiatives sont prévues dans ce cadre, dont 7 au titre du pacte vert pour l'Europe, 9 au titre d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, 4 au titre d'une économie au service de la personne, 2 au titre de la promotion du mode de vie européen et 4 en ce qui concerne le nouvel élan pour la démocratie. Il est possible de citer à ce titre la révision de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires et celle de la législation européenne sur la commercialisation des semences, ou encore la révision de certains aspects procéduraux du contrôle des concentrations.
La Commission dresse également la liste des 76 textes présentés au cours des années précédentes, et considérés comme prioritaires, mais qui demeurent en cours d'examen à ce jour. Il s'agit en particulier des textes de mise en oeuvre du pacte vert (système de quotas d'émission de gaz à effet de serre ; Fonds social pour le climat ; mécanisme d'ajustement carbone aux frontières...), de textes de concrétisation de la transition numérique (identité numérique ; intelligence artificielle ; cybersécurité...) et des neuf initiatives législatives résultant du Nouveau pacte pour la migration et l'asile, dont les négociations d'ensemble sont, pour l'heure, bloquées 2 ( * ) .
Le programme de travail indique aussi que seront retirées, d'ici juillet prochain, 6 propositions législatives (contre 32 en 2021) en raison de leur obsolescence : c'est le cas d'une proposition de règlement fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020 et d'une autre proposition instituant un instrument de soutien à la solvabilité. Sont également concernées deux propositions de règlement relatives à l'aide humanitaire et au Fonds européen pour le développement durable (FEDD), une proposition de règlement modifiant le mécanisme de protection civile de l'Union européenne et une dernière proposition prévoyant l'institution d'un contrôleur des garanties de procédure.
Il convient enfin de signaler que la Commission envisage l'abrogation d'un règlement appliquant un accord euro-américain en matière d'étiquetage ayant expiré en 2018.
Pour 2022, « année européenne de la Jeunesse », le programme de travail de la Commission comporte de nombreuses initiatives. Les principales d'entre elles sont évoquées ci-après.
Le pacte vert pour l'Europe comprend douze propositions, dont la plupart sont de nature législative. Le principal axe consistera à poursuivre l'alignement de la réglementation européenne en matière climatique et énergétique sur l'objectif de l'Union de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 55 % par rapport au niveau de 1990. Plusieurs mesures sont envisagées pour répondre à cet objectif : un cadre réglementaire européen pour la certification des absorptions de carbone, une initiative pour la mesure harmonisée des émissions dues aux transports et à la logistique, ainsi qu'un réexamen des normes en matière d'émission de CO2 par les véhicules lourds et une révision des règles relatives aux gaz à effet de serre fluorés.
Le programme comporte aussi un paquet de mesures s'inscrivant dans le plan « zéro pollution », en particulier dans les domaines de la gestion intégrée de l'eau et de la qualité de l'air ambiant, une initiative sur l'économie circulaire, plusieurs dispositions destinées à limiter l'usage et les rejets de plastique, et une nouvelle disposition relative aux pesticides. Le Sénat souhaite également qu'une attention spécifique soit portée par l'Union européenne à la nécessaire lutte contre l'érosion des sols. Notons également les mesures destinées à favoriser une « mobilité efficace et verte », qui prévoient en particulier un renforcement du transport ferroviaire, et de celles du nouveau paquet gazier, destiné à favoriser la part des gaz renouvelables, dont l'hydrogène.
Sur l'objectif d'une Europe adaptée à l'ère du numérique, la Commission prévoit, comme en 2021, d'importantes mesures législatives nouvelles échelonnées sur l'année 2022 : cadre européen sur la cyber-résilience, qui doit établir des normes communes en matière de cybersécurité des produits ; mise en place d'un instrument du marché unique pour faire face aux situations d'urgence ; initiative pour renforcer la capacité d'innovation et la sécurité d'approvisionnement de l'Union européenne dans le domaine des semi-conducteurs...
Concernant l'économie au service des personnes, les initiatives sont très diverses et d'importance inégale. On peut malgré tout évoquer, parmi les principales initiatives législatives, celle relative à la protection des travailleurs contre les risques liés à une exposition à l'amiante pendant le travail et celle destinée à faciliter l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) aux marchés de capitaux. Parmi les initiatives non législatives d'importance, il faut mentionner la recommandation (non législative) sur le revenu minimum ainsi que le partenariat renouvelé avec les régions ultrapériphériques (RUP).
La construction d'une Europe plus forte sur la scène internationale est la quatrième priorité de la Commission. Cette dernière présentera à ce titre peu d'initiatives, qui, logiquement en ce domaine, sont en majorité non législatives. Il faut mentionner spécifiquement le règlement portant modification de la « loi de blocage » pour prévenir et limiter les effets des sanctions extraterritoriales de pays tiers sur les citoyens et les entreprises des États membres.
La promotion de notre mode de vie européen constituera un axe de propositions avec plusieurs initiatives dans les domaines de la santé (initiatives non législatives précisant la stratégie européenne de soins et mettant à jour une recommandation sur le dépistage du cancer), de l'éducation (avec deux initiatives non législatives renforçant les coopérations, d'une part, entre les universités et, d'autre part, entre les établissements d'enseignement supérieur) et des transports (initiative législative sur l'obligation faite aux transporteurs de communiquer les informations préalables sur les passagers).
Enfin, la Commission européenne annonce plusieurs initiatives législatives pour donner un nouvel élan à la démocratie européenne, en particulier celles relatives à la liberté des médias et à la transmission des procédures pénales.
À l'issue de cette présentation, la commission des affaires européennes a conclu au dépôt de la proposition de résolution européenne qui suit :
* 1 Rapport de prospective stratégique 2021 de la Commission européenne, 8 septembre 2021.
* 2 Voir sur ce point le rapport d'information n° 871 (2020-2021) « Négociations du Pacte sur la migration et l'asile : l'Union européenne entre divisions persistantes et nécessaire solidarité » des sénateurs André Reichardt et Jean-Yves Leconte au nom de la commission des affaires européennes, en date du 29 septembre 2021.