EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Une grande partie des tombes du carré musulman du cimetière central de Mulhouse (Haut-Rhin) a été découverte « saccagée » samedi 11 décembre 2021.
Le 3 mai 2021, l'église de Saint-Paul à Lille a dû faire face à un départ d'incendie au niveau de la sacristie.
Le 21 août 2021, une statue de la Vierge Marie a été dégradée à Sainte-Anne d'Auray.
Le 14 septembre 2021, une autre statue de la Vierge Marie, située dans la basilique Notre-Dame de Bon-Secours à Guingamp, a été incendiée.
1380 actes anti-religieux ont été enregistrés entre janvier et octobre 2021, a annoncé le Ministère de l'Intérieur. Même si le phénomène reste important, c'est tout de même 17% de moins que sur la même période en 2019 mais les chrétiens restent la première cible de ces actes antireligieux.
Dans le détail, 686 actes anti-chrétiens ont eu lieu cette année, contre 921 en 2019 (soit une baisse de plus de 25 %). Dernier en date, les insultes et menaces reçues par une trentaine de fidèles catholiques qui se sont réunis le 8 décembre 2021, lors d'une procession aux flambeaux entre deux églises de Nanterre.
Par ailleurs, le Ministère de l'Intérieur a enregistré une baisse de 15% des actes antisémites lors des deux dernières années, 523 en 2021 contre 617 en 2019.
En revanche, il y a eu une nette hausse (+32%) des actes anti-musulmans en 2021. En effet, 171 ont été perpétrés en 2021, contre 129 en 2019. Cette augmentation confirme la tendance observée depuis quelques années (100 actes sur tout l'exercice 2018), même si le nombre de faits demeure encore relativement modeste.
Qu'elle vise les lieux de culte ou les cimetières, quelle que soit la religion, la profanation ne constitue jamais et ne saurait être tenue pour une infraction ordinaire.
Elle représente un acte inqualifiable qui, dans l'interminable litanie des faits divers, nous offre le reflet sans doute grossissant d'une distance croissante avec des traits pourtant fondateurs de notre civilisation : le questionnement nourri par l'idée d'une transcendance ; le respect des morts et l'aspiration de certains d'entre nous à l'immortalité de l'esprit malgré la déchéance des corps.
L'histoire de l'espèce humaine en atteste : il existe entre la mort et la recherche du sacré des liens indissolubles et les anthropologues considèrent généralement que l'apparition de véritables rituels funéraires marque l'une des étapes décisives du passage à la civilisation.
Les profanations des lieux de culte se présentent comme un fléau persistant, fruit d'égarements individuels et, parfois d'une perte des repères collectifs.
Elles soulèvent une question de société qui ne peut durablement trouver de réponses que dans la réaffirmation de principes de civilisation et la protection de l'intégrité des lieux de culte et du séjour des défunts.
Depuis 2008 cependant, nous assistons à une recrudescence des actes de profanation.
Rappelons-le la grande majorité des édifices du culte en France est catholique, soit 95 % selon l'Observatoire du patrimoine religieux (OPR). Le ministère de l'Intérieur en recense environ 45 000, dont 40 000 églises qui appartiennent aux communes et 5 000 aux diocèses. Par ailleurs, 87 cathédrales sont propriété de l'État. Ce recensement n'inclut toutefois pas les lieux de culte au sein des hôpitaux, des prisons et des écoles 1 ( * ) .
Dès lors, il ressort des éléments recueillis par le groupe d'étude de 2011 sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières 2 ( * ) , que le recensement des profanations repose sur des instruments d'évaluation et des signalements encore très insatisfaisants car ne permettant pas une estimation exacte de la gravité de ces actes.
Une question écrite a d'ailleurs été déposée le 19 février 2019 3 ( * ) .
Rappelons-le, il n'existe pas de statistiques officielles permettant de mesurer l'ampleur des actes antisémites, anti-chrétiens ou anti-musulmans. La loi interdit en effet de qualifier une agression selon l'origine religieuse de la victime. Lors du dépôt de plainte, seul le caractère raciste ou discriminatoire de l'infraction est retenu. Les chiffres dont on dispose sont fournis par des associations cultuelles - comme le Service de protection de la communauté juive, dépendant du CRIF - puis recoupés par les services du ministère de l'Intérieur.
Dans les lieux de culte ou encore les cimetières et les nécropoles militaires, elles prennent également la forme de vols, de destructions ou de dégradations aux motivations variées.
Appréhender les profanations sur le plan judiciaire se révèle ainsi problématique parce que d'autre part, de tels actes ne donnent pas nécessairement lieu à un signalement aux forces de l'ordre et à la justice.
En conséquence, comment se fait-il qu'à ce jour aucun chiffre précis ne soit porté à notre connaissance ? Pourquoi ne pas distinguer les lieux de culte et les sépultures ? Quel dispositif pouvons-nous mettre en place pour un recensement précis de ces actes de profanations et de dégradations de ces lieux de cultes et cimetières ? Comment lutter plus efficacement contre de tels actes ?
Afin d'obtenir des réponses, nous nous devons de réaliser une analyse des faits recensés sur le territoire national en établissant, culte par culte, la nature des profanations, les motivations et le profil de leurs auteurs ainsi que de leurs victimes. Enfin il est urgent de présenter des préconisations d'ordre législatif ou réglementaire susceptibles de favoriser la prévention de ces actes et la conduite d'action de sensibilisation.
Dans cette optique, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d'adopter la proposition de résolution suivante qui reprend la proposition de résolution déposée à l'Assemblée nationale le 1 er mars 2019 4 ( * ) .
* 1 Rapport d'information n° 345 (2014-2015) de M. Hervé MAUREY, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 17 mars 2015.
* 2 Présidé par Claude Bodin, député UMP du Val d'Oise et comptant 43 membres
* 3 Question N° 17095 de Mme Valérie Boyer publiée au JO le : 19/02/2019 page : 1514 https://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-17095QE.htm
* 4 Proposition de résolution (n°1729) de Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues tendant à la création d'une commission d'enquête sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières en France https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b1729_proposition-resolution#