EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mission d'assistance juridique des étrangers placés en centre de rétention administrative (CRA) mentionnée à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) correspond aux tâches d'assistance et d'information des personnes retenues à leur arrivée en centre, ainsi qu'à l'aide à l'exercice effectif de leurs droits. Elle est actuellement assurée par plusieurs associations (en particulier la Cimade, Forum Réfugiés-Cosi, SOS Solidarités et France Terre d'asile). Celles-ci sont sélectionnées via un marché public suivant la règle d'une association par centre, et leur intervention est encadrée par les dispositions réglementaires prévues aux articles R. 744-20 et R. 744-21 du CESEDA.

Or, si le placement en rétention administrative, qui constitue une mesure privative de liberté, implique nécessairement l'existence d'une assistance juridique, les modalités de celle-ci pourraient en réalité prendre des formes diverses : intervention d'associations, mais également d'avocats ou encore des services spécialisés de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). 

Comme le souligne un très récent rapport de la commission des finances du Sénat, faisant suite à la remise d'une enquête par la Cour des comptes (sollicitée par la commission des finances sur la base de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances), ayant pour objet « Les missions, le financement et le contrôle par l'État sur les associations intervenant au titre de la politique d'immigration et d'intégration », il est permis de s'interroger sur le fait de déléguer une telle mission d'assistance juridique à des associations. 

Certes, les associations intervenant dans les centres n'ont aucun pouvoir de nature décisionnelle mais les circonstances dans lesquelles elles exercent leur rôle actuel ne sont pourtant pas sans soulever des interrogations concernant la neutralité du soutien qu'elles apportent.

En effet, une partie de celles titulaires des marchés correspondants déploie parfois un discours difficilement compatible avec l'idée même du renvoi de personnes en situation irrégulière. 

Pour autant, l'impartialité n'est pas, dans leur cas, une exigence explicitée dans la loi ou la jurisprudence, à la différence de l'indépendance de ces structures vis-à-vis d'influences tierces. Car, si l'indépendance des personnes morales effectuant la mission d'information en CRA a bien fait partie des critères dégagés par une décision du Conseil d'État du 3 juin 2009 (SSR, n° 321841), elle ne l'est qu'en tant que critère pour la conclusion de la convention avec l'État encadrant l'intervention de la personne morale, et non comme un critère inhérent à la mission d'information juridique elle-même, qui ferait obstacle à son exercice direct par l'autorité publique.

En outre, demeure la question de savoir si, au-delà de leur mission d'aide aux personnes retenues pour la présentation de recours contentieux, les associations ne participent pas à un mouvement volontaire systématique de massification des recours, de nature à entraver la politique mise en oeuvre en matière de lutte contre l'immigration illégale.

Enfin, l'article L. 744-6 du CESEDA qui mentionne la mission d'assistance juridique en centre de rétention ne prévoit pas l'intervention de personnes morales extérieures, pas plus qu'il n'écarte l'intervention de personnes publiques.

Les auteurs de la présente proposition de loi estiment que la tâche d'information des individus retenus ou en attente se situe dans la continuité logique des missions d'accompagnement administratif des étrangers assurées par l'OFII en vertu de l'article L. 121-1 du CESEDA. L'office assure déjà, en particulier, la mise en oeuvre des dispositifs d'aide au retour qui le conduisent à intervenir dans les centres de rétention, sur la base de dispositions réglementaires directement connexes à celles concernant l'assistance juridique globale aux étrangers retenus. Il dispose donc de la compétence, de l'expérience et de la légitimité pour informer et accompagner les individus retenus en CRA.

La prise en charge par l'OFII de ces tâches d'information juridique, qui ne nécessitera pas de marché public, permettra aussi d'internaliser et donc de mieux coordonner la gestion et les dépenses associées, qui passent actuellement par des subventions aux associations conventionnées. L'enquête susmentionnée de la Cour des comptes a révélé les fragilités de la gestion et des modalités d'intervention des associations dans certains domaines, incitant à un surcroît de vigilance. Recentrer les tâches précitées au niveau de l'OFII permettra à cet égard un meilleur suivi par le législateur de l'usage de ces crédits.

Une telle évolution sera d'ailleurs l'occasion de prendre en compte le fait que, statuant sur une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a récemment énoncé dans une décision QPC du 28 mai 2024 (n° 2024-1091/1092/1093) que l'aide juridictionnelle, qui couvre notamment les frais d'avocat, était ouverte y compris aux étrangers se trouvant en situation irrégulière en France. 

Pour toutes ces raisons, les auteurs du présent texte proposent d'inscrire parmi les responsabilités de l'OFII une huitième mission concernant le rôle d'information sur l'accès au droit de l'étranger retenu ou situé en zone d'attente, incluant la possibilité de demander la désignation d'un avocat et le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Cela serait également complété par la systématisation de la mise à disposition de documents d'information en plusieurs langues dans les zones d'attente.

Les droits de la défense des personnes retenues seront totalement préservés, cette information juridique étant complétée, du point de vue contentieux, par la possibilité de bénéficier de l'aide juridictionnelle, conformément à la décision du Conseil constitutionnel précitée. L'accès à une assistance juridique personnalisée et indépendante demeurera donc possible à droit largement constant, sans nécessiter de réorganisation lourde de l'OFII afin de constituer un service interne de conseil présentant des garanties particulières d'impartialité.

Dans ces conditions, le recours aux acteurs du monde associatif pour remplir ces différentes missions ne sera plus nécessaire. Les dispositions régulant l'intervention des associations figurant dans la partie réglementaire du CESEDA susmentionnées (R. 744-20 et R. 744-21), il reviendra au pouvoir réglementaire de tirer les conséquences de cette évolution. Dans un contexte de raréfaction de l'argent public, cela permettra de libérer des crédits précieux qui pourront abonder les différentes autres tâches en lien avec l'accueil, l'asile et l'immigration. 

Tel est l'objet de cette proposition de loi.

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