EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Au 1er janvier 2025, exactement 19 154 médecins à diplôme hors Union européenne (Padhue) sont inscrits au tableau de l'Ordre, exerçant ou non une activité, contre seulement 7 963 en 2010, soit une augmentation de 141 % sur la période (+ 11 191 médecins).

Selon les chiffres du Conseil national de l'Ordre, les Padhue représentent plus de 8 % des actifs médicaux en Côtes-d'Armor, cette proportion monte à près d'un tiers dans l'Aisne et l'Eure-et-Loir.

Malgré cet apport indéniable, le système de santé français ne leur reconnaît pas les compétences qui sont pourtant sollicitées au quotidien pour le tenir à bout de bras. Ainsi, ils étaient près de 7 000 Padhue à travailler sous un statut précaire (faisant fonction d'interne ou stagiaire associé) en 2023, selon la Fédération hospitalière de France (FHF).

La procédure de régularisation médicale, c'est-à-dire de reconnaissance des connaissances et compétences, est absurde, d'autant plus face aux besoins criants de professionnels de santé. Ainsi, les Padhue, pour espérer travailler dans les mêmes conditions que leurs confrères d'origine européenne, doivent être admis au concours des épreuves de vérification des connaissances (EVC) alors qu'ils travaillent en moyenne entre 50 et 75 heures par semaine (Enquête temps de travail 2023 par l'Intersyndicale nationale des internes - ISNI).

Les critères d'admission à ce concours sont critiquables : en 2024, 20 % des postes initialement ouverts lors de cette session du concours n'ont pas été pourvus puisque seuls 3 235 candidats ont été admis au concours sur liste principale pour 4 000 postes ouverts. Parmi ceux rejetés, certains justifiaient de moyennes supérieures à 14/20.

En outre, l'admission aux EVC ne suffit pas à être régularisé : il faut par la suite justifier d'un stage pour démontrer sa compétence. Le système, là encore, joue contre les Padhue : les admis ne choisissent pas leur lieu de stage et sont parfois placés dans des services autres que ceux de leur spécialité. Ils sont donc rejetés à la fin de ce processus (d'environ un an) et doivent se présenter à nouveau aux EVC, en continuant à travailler plus de 50 heures hebdomadaires.

L'hypocrisie du système français face aux Padhue doit cesser : nous profitons de leurs compétences et leur dévouement, nous en dépendons, mais nous les maintenons dans des conditions précaires indécentes.

Les réformes récentes accordent une avancée pour les Padhue, pour que leur rémunération atteigne 31 204,37 euros bruts annuels, soit un peu plus de 8 € net par heure (sur une base de 59 heures hebdomadaires, moyenne des internes en France en 2023, selon l'ISNI).

Poussés à bout, des centaines de Padhue ont entamé le 5 mars 2025 une grève de la faim afin d'obtenir une évolution des modalités de leur régularisation. Leur volonté d'exercer la médecine en France, où nous avons besoin d'elles et eux, les pousse à mettre leur vie en danger.

Sans eux, nos CHU et nos hôpitaux de proximité ne pourraient pas fonctionner. L'objet de la présente proposition de loi est donc de revoir les conditions de reconnaissance des compétences médicales des Padhue sur la base de l'exercice professionnel.

Des médecins ayant exercé plusieurs années en France, ayant prouvé leurs compétences, ne doivent pas se voir refuser la régularisation.

La présente proposition de loi est ainsi constituée de deux mesures d'urgences (articles 1 et 2) ainsi que de perspectives de réformes à plus long terme (articles 3 et 4).

En son sein, l'article premier allonge l'accès des médecins et des pharmaciens au statut de Praticiens Associés Contractuels Temporaires (PACT), aboutissement de la loi Valletoux, à 25 mois, sans que son renouvellement nécessite une justification.

L'article 2 étend, de certains territoires ultramarins à l'ensemble du territoire, la possibilité pour les agences régionales de santé (ARS) de déroger à la réglementation sur le parcours de validation des connaissances pour autoriser provisoirement des Padhue exerçant sur le territoire depuis 5 ans à exercer dans une structure de santé pour les territoires en tension. Cette autorisation provisoire vise à répondre à un besoin aigu sur un territoire donné.

L'article 3 prévoit d'ouvrir aux Padhue ayant exercé pendant deux ans durant les quatre dernières années dans une structure de santé en France la possibilité d'être reconnus pour leurs compétences par une commission régionale, les exemptant ainsi d'épreuves de vérification des connaissances et d'un parcours de justification des compétences. La commission est composée notamment de supérieurs hiérarchiques directs en capacité d'attester des compétences techniques du praticien.

L'article 4 demande un rapport au Gouvernement sur le temps effectif laissé aux internes et faisant fonction d'internes pour la formation, alors que la législation actuelle prévoit deux demi-journées hebdomadaires dédiées, ainsi que sur la possibilité pour les Padhue disposant du statut PACT de recourir à des congés de formation au même titre que les praticiens associés. L'objectif est ainsi d'assurer la possibilité aux Padhue de préparer et de se présenter aux EVC.

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