EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La santé mentale est la « grande cause nationale » pour 2025.

Ainsi, 20 ans après la loi sur le handicap de 2005 qui a consacré la reconnaissance du handicap psychique, les maladies psychiatriques semblent enfin bénéficier d'une attention nécessaire et légitime.

En effet, 12,5 millions de Français sont atteints de maladies mentales et un jeune adulte sur deux présente des signes de dépression. Chaque année, 6 000 personnes meurent par suicide, ce qui représente la première cause de décès des 15/29 ans.

Les pathologies psychiatriques représentent la première catégorie des affections longue durée (ALD) devant les cancers et la première cause de dépenses de santé avec des coûts directs qui représentent 25 milliards d'euros en 2023, soit le premier poste de dépenses de l'assurance maladie.

Au niveau international, selon l'OCDE, une personne sur trois a été, est ou sera atteinte d'une maladie mentale. Il s'agit de la première cause mondiale de handicap acquis selon l'OMS, qui induit une réduction de 20 ans d'espérance de vie.

Intervenir de manière précoce dans la prévention et la gestion des troubles mentaux permet de réduire les incidents liés à des crises pouvant aussi constituer un sujet d'ordre public.

À ce jour, le modèle français de la psychiatrie publique est organisé en secteurs d'environ 70 000 habitants offrant un panier de soins intra et extrahospitaliers. Le critère d'orientation diagnostique et thérapeutique est géographique, permettant un maillage territorial fin et une prise en charge de proximité pour des patients alternant des phases chroniques ou aigües. Cependant, l'accès tardif aux soins ne garantit ni une prévention satisfaisante, ni une prise en charge spécialisée par pathologie, ni une prise en charge des comorbidités somatiques conduisant à une mortalité prématurée pour les patients concernés.

La spécialité psychiatrique connaît une baisse d'attractivité forte en France, tant en personnel médical que paramédical. Le nombre de médecins en psychiatrie n'a cessé de décroître, passant de 14 272 à 13 344 entre 2016 et 2023 selon la DREES. L'âge moyen des psychiatres libéraux et salariés était de 52 ans en janvier 2021 et de 62 ans pour les pédopsychiatres.

Face à une incidence en hausse constante des pathologies psychiatriques, une expérimentation a été initiée en 2007 par décret du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour organiser un système de recours spécialisé par pathologie, gradué et intégré au parcours de soins et complémentaire de la psychiatrie conventionnelle.

Ces centres experts en psychiatrie, coordonnés par une fondation de coopération scientifique, ont développé une prise en charge globale, pluridisciplinaire et spécialisée par pathologie : les troubles bipolaires, la schizophrénie, les troubles du spectre autistique sans retard intellectuel et les dépressions résistantes.

Il en existe aujourd'hui 53. Ils proposent un service complétant l'offre de soins généralistes sectorisée et fournissent aux professionnels de santé prescripteurs un avis expert et des recommandations adaptées à chaque patient. Ayant vocation à améliorer le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des maladies psychiatriques les plus sévères, ils ont déjà permis l'évaluation de plus de 20 000 patients et à la France d'atteindre la troisième place en matière de recherche sur les troubles bipolaires. Douze mois après une évaluation en centre expert, une amélioration du pronostic et une réduction de 50 % des journées d'hospitalisation sont constatées.

Le budget nécessaire au fonctionnement d'un centre expert est de 320 000 euros. Cela comprend la rémunération d'un psychiatre qui est médecin hospitalier, d'un psychologue, d'un neuropsychologue, d'un secrétaire médical, d'un assistant social, d'un infirmier et d'un technicien d'études cliniques, avec un budget de fonctionnement et d'équipement de 20 000 euros.

Ces centres experts sont aujourd'hui victimes de leur succès.

Le délai moyen pour obtenir un rendez-vous de bilan est de deux ans, voire trois ans pour l'autisme. L'afflux des patients est en hausse constante. La demande de labellisation de nouveaux centres experts sur le territoire national est croissante. Ils sont aussi confrontés à des demandes d'extension à d'autres pathologies comme les conduites suicidaires, les troubles obsessionnels compulsifs, l'hyperactivité avec déficit d'attention ou les troubles du comportement alimentaire.

Aujourd'hui, il s'agit d'officialiser l'existant et d'intégrer ce modèle expérimental, comme offre de soins à part entière, dans le code de la santé publique, en complément de l'offre du secteur.

En outre, afin de décloisonner les prises en charge somatiques et psychiatriques et améliorer le recours précoce, les communautés professionnelles territoriales de santé doivent prendre en charge la dimension psychiatrique en intégrant des parcours dédiés à la santé mentale et des professionnels de la santé mentale.

L'article 1er vise à intégrer dans le code de la santé publique le rôle des centres experts en santé mentale existant à titre expérimental à date sur le territoire national, de façon durable et connectée avec le système de soins.

L'article 2 vise à intégrer des projets de santé mentale au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, en lien notamment avec les projets territoriaux de santé mentale et les centres experts. Ce chaînage amont-aval permettrait une prise en compte des signaux faibles chez les usagers.

L'article 3 constitue le gage financier de cette proposition de loi. Toutefois, les mesures proposées pourraient être financées grâce aux économies réalisées qui pourraient s'élever jusqu'à 18 milliards d'euros.

En effet, en diminuant de 50 % les réhospitalisations douze mois après un bilan, les centres experts diminuent considérablement le coût des hospitalisations, qui sont à l'origine de 80 % des coûts direct liés aux maladies mentales sévères. Ils génèreraient ainsi jusqu'à 18 milliards d'euros d'économies annuelles, tout en attirant et en fidélisant les professionnels de santé dans un contexte global de difficulté de recrutement et de fidélisation.

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