EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi propose de réformer l'article 227-5 du code pénal pour :
- mieux prendre en compte l'intérêt et la parole de l'enfant ;
- protéger le parent, chez qui la résidence de l'enfant a été fixée, des stratégies de harcèlement judiciaire de l'autre parent.
L'article 227-5 du code pénal dispose que « Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
Environ 1 000 condamnations sont prononcées chaque année ; plus de 80 % des condamnations sont prononcées à l'encontre de la mère. La jurisprudence fait une interprétation restrictive de l'adverbe « indûment » dans l'article 227-5.
La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation, par exemple, ne reconnait comme circonstance insurmontable ni la résistance manifestée par un enfant, ni les soupçons de violences sexuelles, ni même les violences sexuelles avérées postérieurement.
Comment une mère peut-elle contraindre un adolescent de 15 ans et de 1,80 m à se rendre chez son père où il refuse d'aller ? Comment une mère peut-elle contraindre un enfant de 7 ans pris de vomissements et de maux de ventre à l'approche de la date du droit de visite et d'hébergement ou quand elle observe des troubles du comportement au retour de séjour chez l'autre parent ?
L'intérêt de l'enfant est-il respecté ?
L'intérêt de l'enfant a été apprécié par le juge civil au moment de la fixation du droit de visite et d'hébergement. Mais, avec le temps, les circonstances peuvent changer, des faits nouveaux peuvent intervenir, et l'intérêt de l'enfant devrait être réévalué au moment où le juge pénal est saisi en application de l'article 227-5.
Maître Philippe LOSAPPIO, avocat au barreau de Paris et docteur en droit, affirme que « Le délit de non-représentation d'enfant porte atteinte à l'intérêt de l'enfant ». Il souligne que « La Cour européenne des droits de l'homme fixe pourtant des principes de bon sens et de réalisme dans l'intérêt de l'enfant : “La Cour estime que concernant les enfants très jeunes il est essentiel que les tribunaux évaluent avec objectivité si le contact avec le parent devrait être encouragé ou maintenu ou non. Cependant, au fur et à mesure que les enfants gagnent en maturité et deviennent le temps passant capables de formuler leur propre opinion quant au contact avec les parents, il convient que les tribunaux accordent tout le crédit nécessaire à leur avis et leurs sentiments ainsi qu'à leur droit au respect de leur vie privée” (Gobec v. Slovenia, 3 octobre 2013 7233/04 not. 133 ; v. aussi Plaza c. Pologne 25 janvier 2011 n. 18830/07 n.71 ; Khusnutdinov v. Russia, 18.12.2018 n. 76598/12 not. n 86).
Le délit de non-représentation d'enfant n'est donc pas compatible avec la jurisprudence de la Cour de Strasbourg notamment lorsque l'enfant est résistant ou lorsque le parent qui a la charge de représenter l'enfant craint un danger pour l'enfant et que le danger est plausible. La Cour de Strasbourg exige de qualifier l'intérêt de l'enfant au moment où la question se pose, c'est-à-dire concernant le délit de non-représentation d'enfant, au moment des faits incriminés, afin que la décision de justice qui sera rendue respecte de manière effective l'intérêt actuel de l'enfant.
La doctrine du droit vivant doit prévaloir. ».
Quant à la procédure de citation directe, qui consiste à convoquer l'auteur de l'infraction directement devant le tribunal, sans information judiciaire et sans enquête, elle ne garantit pas en l'espèce le droit à un procès équitable.
Par ailleurs, alors qu'un parent qui ne peut pas garantir à l'autre parent l'exercice de son droit de visite et d'hébergement peut être poursuivi, aucune infraction n'est prévue pour sanctionner le parent qui n'exerce pas son droit de visite et d'hébergement, ne vient pas chercher l'enfant, annule ses week-ends avec son enfant ou reste plusieurs mois sans contact avec lui.
Le délit de non-représentation d'enfant constitue désormais, pour de nombreux pères, une stratégie de harcèlement de leur ex-compagne, et par extension du ou des enfants.
Afin d'empêcher le détournement du délit de non-représentation d'enfant en outil de harcèlement judiciaire, l'article 1 exclut le recours à la citation directe.
L'article 2 prévoit l'audition du ou des enfants dans les procédures prévues par l'article 227-5 du code pénal.
Enfin et en cohérence, l'article 3 prévoit de réprimer par le biais d'une amende civile le non-exercice de l'exercice de droit de visite et d'hébergement, afin de responsabiliser le parent qui n'a pas la garde principale.