EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le « droit d'obtenir un emploi » est un droit constitutionnel depuis qu'il est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946.

Pourtant, depuis que l'économie française s'est financiarisée, ce droit est battu en brèche à mesure que les plans de « sauvegarde de l'emploi » rythment les ouvertures des journaux télévisés de notre pays.

Michelin, Auchan, Sanofi, General Electric, Valeo, Saunier Duval, Vencorex, Arcelor Mittal, MA France... La litanie de noms d'entreprises procédant à des plans sociaux est vertigineuse.

C'est un fait, notre pays traverse une période avec un haut niveau de défaillances d'entreprises.

Selon le cabinet Altares, pour le troisième trimestre 2024, le nombre de défaillances d'entreprises déclaré s'élevait à 16 371. Le principal signal d'alarme concerne la situation des petites et moyennes entreprises (PME) de plus de 50 salariés dont les ouvertures de procédures bondissent de 47 %, entraînant de lourdes conséquences sur le front de l'emploi (52 000 emplois menacés).

Dans le même temps, et fort logiquement, le nombre de licenciements s'accroît, et notamment par le truchement de plan de sauvegarde pour l'emploi : selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), 241 000 licenciements ont eìteì dénombrés au deuxième trimestre 2024 en France, en hausse de 1,4 % par rapport au trimestre précédent, dont 20 300 licenciements pour motif économique, en augmentation de 5 %.

Pourtant, dans une étude de l'INSEE de 2022, près de 25 % des entreprises ayant procédé à des licenciements économiques affichaient une rentabilité nette positive.

Malgré cela, la rémunération des actionnaires augmente d'année en année. Rien que pour 2023, les entreprises du CAC 40 ont distribué près de 70 milliards d'euros de dividendes, ce qui constitue un record en Europe.

En dix ans, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes du pays est passé de 400 milliards à 1 500 milliards d'euros.

À contretemps, cette situation de fermeture de sites met en exergue le narratif des derniers gouvernements qui consiste à clamer que la France est en voie de « réindustrialisation » grâce à la politique de l'offre menée depuis 2017, c'est-à-dire grâce à une politique faite de baisse de la fiscalité du capital, de flexibilisation du marché du travail et de réformes dites « structurelles » des retraites et de l'assurance-chômage. Tout cela mis bout à bout aurait permis d'attirer les capitaux étrangers manquant cruellement à la France et de redynamiser l'économie.

Ce discours vole désormais en éclats à la lumière de la multitude d'annonces récentes de fermetures d'usines.

Il faut tout de même rappeler que si ces fermetures de sites en cascades sont possibles, c'est précisément parce qu'elles s'opèrent dans un environnement juridique qui les rend possibles.

En droit du travail, le licenciement pour motif économique est une rupture du contrat de travail, initiée par l'employeur pour des raisons qui ne sont pas liées à la personne du salarié. Ce type de licenciement n'est pas dû à une faute du salarié, mais à des causes internes à l'entreprise, telles que des difficultés économiques ou des évolutions technologiques.

Ces dernières années, plusieurs lois ont modifié le cadre juridique qui entoure de tels licenciements.

Que ce soit la loi de sécurisation de l'emploi de 2013, qui a considérablement réduit les prérogatives des représentants des salariés dans ce domaine, ou la loi de 2016, qui a modifié les critères de licenciement économique en assouplissant les conditions, ou encore les ordonnances Macron de 2017 qui ont redéfini la notion de « difficultés économiques », toutes ces lois ont substantiellement fait peser un déséquilibre entre droit au travail et droit d'entreprendre.

C'est donc cet environnement juridique que la présente proposition de loi propose de modifier en son article 1er afin d'interdire aux entreprises d'au moins deux cent cinquante salariés d'avoir recours au licenciement économique lorsqu'elles :

- distribuent des dividendes au cours du dernier exercice comptable,

- opèrent un rachat d'actions au cours du dernier exercice comptable,

- distribuent des stock-options ou actions gratuites,

- réalisent un résultat net ou un résultat d'exploitation positif au cours du dernier exercice comptable.

Par ailleurs, il n'est plus acceptable pour la société que ces licenciements se fassent par des grandes multinationales qui perçoivent d'importantes subventions publiques. Du crédit d'impôt recherche (CIR) en passant par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et les diverses exonérations de cotisations, ce sont en tout et pour tout pas moins de 200 milliards d'euros chaque année qui sont déversés en faveur d'entreprises pourtant prospères alors que ces exonérations de cotisations sociales ou aides publiques aux entreprises ne sont assujetties à aucune condition en matière de maintien ou de création d'emplois.

Les exemples du manufacturier Michelin ou de l'enseigne Auchan sont évocateurs : Michelin a ainsi perçu 42 millions d'euros de CIR en 2023 et plus de 65 millions d'euros de CICE depuis 2013. Auchan, quant à lui, a bénéficié de près de 498 millions d'euros au titre du CICE depuis 2013. Ces sommes, pourtant très importantes, n'ont pas empêché la fermeture de sites ou de magasins laissant ainsi des milliers de salariés dans la détresse.

Pour ce faire, l'article 2 interdit tout versement du CIR et toutes exonérations de cotisations patronales qui se sont substituées, depuis 2019, au CICE, pour trois ans en cas de licenciement économique qualifié d'abusif.

Il prévoit également le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique est jugé sans cause réelle et sérieuse. L'entreprise aura l'obligation de rembourser la totalité des sommes correspondant aux exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au titre de l'ensemble des salariés initialement concernés par le licenciement ou la suppression d'emplois visée.

Par ailleurs, l'entreprise perdra le cas échéant le bénéfice ou l'opportunité de bénéficier du CIR et des exonérations de cotisations patronales qui se sont substituées, depuis 2019, au CICE. 

Enfin, le juge pourra ordonner le remboursement de tout ou partie du montant des aides publiques dont aura bénéficié l'entreprise.

Enfin, si l'entreprise a déjà bénéficié de ces aides, elle aura l'obligation d'en rembourser l'intégralité.

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