EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années, il arrive que des assurés ayant souscrit une assurance pour les dommages subis par des biens immobiliers se voient obligés de réaliser préalablement des travaux de remise en état du bien s'ils veulent bénéficier de l'indemnisation de leur préjudice. Les pratiques de certains assureurs imposent en effet la réalisation de ces travaux, alors que, dans certains cas, cette réalisation est tout simplement impossible. Il est cependant arrivé que des assureurs exigent de tels travaux, alors qu'ils ne peuvent être réalisés en raison, par exemple, de l'impossible accès de l'assuré sur le lieu où le dommage est causé.

De telles pratiques ne peuvent qu'interroger.

Elles ne reposent sur aucun fondement légal, car elles contredisent l'article L. 121-17 du code des assurances, tant au regard de sa rédaction que de sa juste interprétation, le principe de libre disposition de l'indemnité qui caractérise l'article précité et, plus généralement, la philosophie même du principe de l'indemnisation.

On peut toujours invoquer la rédaction de l'alinéa 1er de l'article L. 121-17 du code des assurances, mais encore faut-il en rappeler sa juste interprétation. Dans sa rédaction, on constate d'abord qu'il ne parle que des « indemnités versées », et non des indemnités à verser. Il vise une situation où le dommage a déjà été causé à un immeuble bâti et dans laquelle des indemnités auraient déjà été versées et non la rédaction à venir de clauses contractuelles. Enfin, comme il le précise, « les indemnités versées en réparation d'un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état effective de cet immeuble ou pour la remise en état de son terrain d'assiette, d'une manière compatible avec l'environnement dudit immeuble ». L'interprétation correcte serait donc de dire que cet article ne vise que la situation où des travaux ont déjà été réalisés. Mais cet article ne saurait commander, pour l'avenir de l'exécution du contrat, l'obligation de réaliser des travaux de remise en état, ne serait-ce qu'en raison de sa rédaction (« les indemnités versées »). On doit écarter la perspective selon laquelle il imposerait une obligation de réaliser des travaux de remise en l'état du bien immobilier.

On doit donc admettre qu'il faut préserver la libre disposition de l'indemnité d'assurance de l'assuré et que l'imposition de travaux de remise en l'état repose sur des fondements contestables dans la mesure où l'interprétation elle-même de l'article L. 121-17 du code des assurances est loin d'être univoque selon les différentes lectures faites par la doctrine.

En effet, selon une interprétation, il n'y aurait de remise en cause de la libre disposition de l'indemnité d'assurance que dans le cas où l'assuré aurait décidé de reconstruire son immeuble sinistré : dans cette hypothèse, la reconstruction doit effectivement être compatible avec l'environnement. Mais il s'agit plus d'une exception au principe de libre disposition de l'indemnité que d'une obligation de procéder à des travaux de remise en état. La jurisprudence de la Cour de cassation a par ailleurs été assez claire en précisant que l'article L. 121-17 ne subordonne pas le paiement de l'indemnité à la justification préalable des travaux de remise en état (Civ. 2ème, 29 mars 2006). Selon une autre interprétation, il y aurait bien une dérogation légale à la libre disposition de l'indemnité, mais uniquement dans les cas où les sinistres seraient provoqués par une catastrophe naturelle. Cette interprétation s'appuie en effet sur la circonstance que ce texte a été introduit par la loi du 2 février 1995 relative à la garantie obligatoire des catastrophes naturelles et par le renvoi à l'article L. 121-16 du code des assurances relatif aux immeubles.

Dans tous les cas, que ce soit au regard de la lecture même de l'article L. 121-17 du code des assurances ou des interprétations qui en ont été suggérées, il ne résulte aucune obligation de demander à l'assuré de procéder à des travaux de remise en l'état du bien, sauf si cette obligation repose sur un fondement contractuel, mais encore faudra-t-il relever que l'assuré y a consenti préalablement et expressément au moment de la signature du contrat. Toute pratique visant à imposer des travaux de remise en l'état reposant sur un fondement autre qu'une clause contractuelle préalable est donc illégale et constitue une atteinte à la liberté contractuelle.

Enfin, cette obligation, même quand elle a été consentie préalablement et expressément, peut poser des difficultés quand, pour des raisons extérieures à sa volonté, l'assuré n'est pas en mesure de réaliser les travaux de remise en état du bien immobilier. Il est absurde de subordonner son indemnisation à la réalisation de ces travaux, alors que l'assuré n'en a pas la faculté.

Plus généralement, l'indemnisation doit être respectée en raison du principe qu'elle induit.

On rappellera que l'indemnité a pour objet non à proprement parler la réalisation de travaux, mais avant tout la réparation du préjudice subi par l'assuré. C'est l'essence même de l'indemnisation, qui a pour objet, conformément à son étymologie tirée du latin indemnitas, « la préservation de tout dommage » (dictionnaire de l'Académie française). Cette préservation peut donc ne pas revêtir la forme de travaux, mais d'autres formes, car il y a des cas où ces travaux ne s'imposent pas soit parce qu'ils sont impossibles à réaliser comme on l'a constaté, soit parce qu'ils ne sont plus nécessaires quand l'assurance est mise en oeuvre. L'assuré entend d'abord être préservé du dommage, et il peut ne pas faire le choix de la remise en état du bien. On ne saurait imposer à l'assuré une procédure complexe, alors qu'il cherche d'abord à être préservé du préjudice matériel et des dommages qu'il subit. C'est la philosophie et le fondement même de l'indemnité dont il entend bénéficier.

Pour toutes ces raisons, la présente proposition de loi entend rappeler le principe de libre disposition de l'indemnité en soulignant la nécessité d'un accord préalable et exprès de la part de l'assuré au moment de la signature du contrat pour qu'il soit tenu à une obligation de réaliser les travaux de remise en état du bien immobilier, ce qui suppose que l'assuré soit informé de manière à pouvoir donner un consentement éclairé. Pour donner plein effet à cet accord préalable et exprès, la proposition de loi rappelle aussi que cette condition de subordination du versement de l'indemnité ne peut être imposée au cours de l'exécution du contrat. La proposition de loi vise ensuite à exonérer l'assuré de cette obligation de réalisation des travaux dans l'hypothèse où, malgré une exception contractuelle préalable à la libre disposition de l'indemnité, ces travaux seraient impossibles à réaliser pour des raisons indépendantes de la volonté de l'assuré. C'est de cette façon que cette proposition de loi entend lutter contre des pratiques aussi illégales qu'aberrantes, peu respectueuses de la liberté de l'assuré et contraires à la liberté contractuelle et à la libre disposition de l'indemnité de l'assuré.

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