EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis une décennie, nos voitures prennent 1 cm tous les deux ans et 10 kg par an. En 1996, leur largeur moyenne était de 1,68 m, alors qu'en 2016, elle est passée à 1,78 m, et leur poids a augmenté de 40 % en vingt ans.

Cette évolution risque de se poursuivre, car les SUV, ou véhicules utilitaires de sport, dominent désormais le marché, à des prix souvent très élevés. Leurs ventes ont été multipliées par 10 en quinze ans, représentant aujourd'hui près de la moitié des ventes de voitures. Compte tenu de l'orientation des nouveaux modèles, cette tendance vers des véhicules plus grands et plus lourds devrait encore s'accentuer.

Pourtant, la massification rapide des véhicules de gros gabarits ainsi que cette envolée dans le poids et la taille des véhicules va à l'encontre des objectifs de réduction des émissions de carbone, de limitation des particules dues au carburant et au freinage, de sécurité routière et d'accessibilité de la mobilité pour les classes populaires.

Cette situation pose la question de la relative nécessité pour notre pays de développer une industrie automobile nationale orientée vers la production de véhicules légers et peu polluants, qu'ils soient thermiques ou électriques.

Tout d'abord, le premier problème est écologique. Les gros véhicules, en particulier les SUV de plus de 1,8 tonne, qu'ils soient thermiques ou électriques, ont une empreinte carbone élevée. Ils émettent davantage de particules fines, notamment par abrasion lors du freinage, et consomment plus de ressources. Selon l'Agence internationale de l'énergie, un SUV électrique produit une empreinte carbone 70 % plus élevée qu'une voiture électrique standard et consomme jusqu'à cinq fois plus de métaux critiques lors de sa fabrication.

Les SUV thermiques, de leur côté, consomment en moyenne 20 % de carburant en plus qu'un véhicule classique. Cela contredit nos objectifs climatiques, d'autant plus que les SUV sont devenus la deuxième source d'augmentation des émissions de CO2, après l'aérien. Limiter la taille des voitures pour revenir à des formats plus raisonnables est donc un impératif écologique.

En instaurant un malus écologique lié au poids des véhicules, la loi Climat et Résilience a ouvert la voie à une fiscalité plus juste, incitant à l'achat de véhicules moins polluants, mais les seuils actuels restent insuffisants pour produire des effets significatifs en ce sens.

Ensuite, la régulation des SUV est une nécessité pour la sécurité des autres usagers de la route : les piétons et les cyclistes, tant ils demeurent accidentogènes et plus dangereux que les autres voitures. En effet, différentes études, comme celle menée par l'assureur AXA qui a analysé les accidents par types de véhicules en Suisse, montrent que ces véhicules, notamment ceux de plus de 2,1 tonnes, causent 10 % à 27 % d'accidents de plus que les autres types de voitures.

En raison de leur poids, les accidents impliquant des SUV sont souvent plus graves, notamment pour les usagers vulnérables comme les piétons et les cyclistes. L'Institut Vias, spécialisé en sécurité routière en Belgique, a constaté que pour les usagers vulnérables, « le risque de blessure mortelle augmente de 50 % lorsqu'ils sont heurtés par un véhicule de 1 800 kg, par rapport à un véhicule de 1 200 kg. De même, le risque de blessures graves est 10 % plus élevé lorsqu'un usager vulnérable est percuté par un véhicule de 200 chevaux, comparé à un modèle de 120 chevaux ». L'étude précise cependant qu'il existe des différences importantes selon la taille du SUV, cette catégorie regroupant des véhicules de gabarits variés.

L'absence de données françaises sur ce sujet freine cependant le développement de politiques de régulation adaptées. Cette proposition de loi pourrait y remédier.

Le développement des SUV entraîne également une augmentation des prix des véhicules, en particulier sur le marché de l'occasion, ce qui limite l'accès à l'automobile pour les classes populaires. Dans un rapport, la Fondation Jean-Jaurès relate que depuis 2016, les recettes par voiture des constructeurs européens ont augmenté de 20 à 34 %, et le prix moyen d'un véhicule neuf a grimpé de 10 000 euros en six ans pour atteindre plus de 36 000 euros en France. Le prix moyen d'un SUV est encore plus élevé, à environ 42 000 euros, ce qui en fait un bien inaccessible pour une large partie de la population.

De plus, les SUV posent un autre problème majeur : celui de l'occupation et du partage de l'espace urbain. Ces véhicules, plus volumineux que les voitures classiques, accentuent les difficultés de stationnement et augmentent la congestion dans des zones déjà limitées, compliquant ainsi le partage de la voie publique entre tous les usagers. Dans les centres urbains denses, la présence des SUV rend la cohabitation plus difficile avec les autres véhicules, les cyclistes et les piétons. La réduction de la place des SUV en ville apparaît nécessaire pour améliorer la fluidité de la circulation, limiter l'encombrement, et favoriser une meilleure qualité de vie en milieu urbain.

Enfin, la question de la régulation des SUV soulève l'enjeu de la place de la voiture dans notre société et de l'imaginaire associé à son utilisation. Chaque jour, des millions de Français n'ont d'autre choix que d'utiliser leur voiture pour se déplacer, pour travailler, pour accéder à la culture, à la santé ou pour réaliser les tâches de la vie quotidienne. C'est la raison pour laquelle la restriction de son usage sans offrir d'alternative serait injuste et risquerait de créer un rejet massif.

Or, l'opposition entre les défenseurs de la voiture et ceux qui prônent son interdiction ne permet pas de traiter correctement la question de la garantie du droit à la mobilité pour toutes et tous, en particulier pour les classes populaires et les personnes les plus précaires. Ce droit doit impérativement s'accompagner d'un objectif de baisse des émissions de gaz à effet de serre, car le domaine des transports demeure le secteur le plus polluant et le plus dépendant des énergies fossiles.

Il n'est alors pas question de réduire le nombre de déplacements, mais de les rendre accessibles à tous. Cela implique de limiter les véhicules les plus polluants, souvent utilisés par les classes aisées, et de développer des options de mobilité adaptées aux classes populaires. Les SUV, en raison de leur coût élevé, de leur impact environnemental, de leur encombrement et de leur dangerosité, ne s'inscrivent pas dans cette vision.

C'est pourquoi cette proposition de loi propose de donner aux élus locaux des grandes métropoles les moyens de réguler, voire d'interdire, la présence des SUV en ville pour des raisons environnementales et de sécurité. Dans les agglomérations, où le partage de la voirie est parfois délicat, l'interdiction des SUV dans certains secteurs semble nécessaire afin de protéger les autres usagers.

L'article 1er propose que les maires ou présidents d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des communes de métropoles, telles que définies à l'article L. 5217-1 du code général des collectivités territoriales, puissent restreindre la circulation des véhicules personnels dépassant un certain poids, avec des exceptions pour les usages professionnels, le transport de personnes handicapées et les missions de service public. Les seuils sont fixés à 1,8 tonne pour les véhicules thermiques, et à 2 tonnes pour les véhicules 100 % électriques afin de tenir compte de leurs contraintes spécifiques.

L'article 2 demande un rapport au gouvernement pour recueillir des données sur les accidents par type de véhicule, afin de mieux orienter les politiques publiques.

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