EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Aux jeunes, il ne faut pas tracer un chemin, il faut ouvrir toutes les routes » prononçait Léo Lagrange dans un discours en 1936.

Aujourd'hui, il est souvent reproché aux jeunes de ne plus s'engager, de ne plus s'impliquer. Ce n'est évidemment pas le cas. Ces dernières années ont permis d'observer de nouvelles formes d'engagement chez les jeunes. Ne nions pas leurs capacités à réinventer l'engagement pour répondre aux défis contemporains, aux crises sociales et environnementales qui les touchent directement, dans leur quotidien et leurs projections futures.

Pourtant, la définition de l'engagement prônée par les gouvernements successifs depuis 2017 ne correspond en rien aux aspirations des jeunes. D'abord, l'injonction faite à la jeunesse d'une forme précise d'engagement, basée sur l'autorité et la discipline, se heurte à la réalité et à l'implication très forte des jeunes dans la société. L'engagement est synonyme de confiance, il est par essence une démarche personnelle et réfléchie. Ainsi, rien n'est plus contradictoire que de formater ou contraindre les jeunes à un chemin écrit d'avance. Avec le Service National Universel - SNU - en vitrine, les gouvernants nient les besoins réels.

Face à cette vision de la jeunesse, nous devons proposer un autre chemin. Dans la présente proposition de loi, nous proposons un récit, une route, alliant deux piliers de l'éducation populaire : le départ en vacances et le sport. Plus que jamais, le temps libre est un outil d'émancipation et d'apprentissage pour la jeunesse. À l'approche de la période hivernale, l'injustice en matière de départ en vacances n'est pas une fatalité. Nous devons porter haut et fort la démocratisation de l'accès des jeunes au plein air et aux activités sportives.

L'accès aux vacances : des inégalités qui persistent.

Le droit au temps libre est un engagement plein et entier. Depuis la mise en place des premiers congés payés en 1936, l'une des réformes les plus emblématiques de notre histoire, cet horizon commun sest concrétisé dans larticle 140 de la loi du 29 juillet 1998 relative aÌ la lutte contre les exclusions1(*) qui dispose que « légal accès de tous, tout au long de la vie [...] aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national ». Nous avons la conviction que les vacances constituent un temps essentiel au quotidien de chacune et chacun... Se reposer, s'épanouir, comme l'évoquait Jean Jaurès en résumé : s'éduquer à la « vie large »2(*).

L'enjeu de l'accès aux vacances est, à plusieurs titres, politique. De 1919, avec l'instauration de la journée de travail de huit heures et du repos hebdomadaire, à 1936, où le Front Populaire instaure les quinze jours de congés payés, l'horizon commun de la vie large a fait son chemin dans les récits politiques. Aujourd'hui, toutes sensibilités confondues, l'approche des vacances n'est plus source de polémique ou d'affrontement. Qui pourrait critiquer lidée de permettre aux jeunes de ce pays de sortir de leur quotidien, de découvrir la mer, la montagne, de s'évader et de souvrir à de nouveaux horizons ? Personne : nous n'avons plus aucun doute sur le besoin d'évasion, le besoin de partir et de repartir.

Pourtant, malgré une approche des vacances qui s'est fortement renforcée en France, le départ en vacances reste un « luxe » que toutes les familles ne peuvent se permettre. Déjà en 2013, le rapport d'information parlementaire3(*) du député Michel Ménart sur laccessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs estimait que chaque année, près de 3 millions d'enfants entre 5 et 19 ans ne partaient pas en vacances. Depuis, on constate un recul permanent du départ en vacances des Françaises et Français. Le dernier baromètre4(*) publié en octobre 2024 par lObservatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes (OVLEJ) avec le Crédoc est extrêmement parlant. En effet, à peine 42 % des Français disposant de bas revenus sont partis en vacances en 2023. Et le même constat s'impose pour les mineurs : 38 % des enfants de 5 à 19 ans ne sont pas partis en vacances en 2023, et ce chiffre atteint même 56 % pour les enfants qui vivent dans un foyer dont les revenus sont bas.

Il existe aujourd'hui de nombreux obstacles et de nombreux freins qui empêchent certaines familles de bénéficier pleinement et durablement du droit aux vacances :

- premièrement, un frein financier : selon la même étude de lOVLEJ, 57 % des parents expliquent l'absence de départ par un manque de moyens. Ces dernières années, linflation et les salaires qui ne suivent pas rendent difficile l'accès aux vacances. Les inégalités se creusent avec des familles modestes qui ne partent pas ou sont contraintes de choisir des séjours plus courts et sans extra.

- un second frein concerne l'opinion souvent négative des séjours collectifs. Les familles sans expérience de séjours collectifs sont parfois réticentes à laisser leurs enfants partir, souvent par crainte pour leur sécurité. Un sentiment accentué par les rares faits divers concernant les colonies.

- troisièmement, un phénomène qui prend de l'ampleur, notamment depuis la crise du covid-19, 27 % des parents indiquent que leur enfant préfère rester à la maison plutôt que de partir en vacances. Ce souhait des enfants de privilégier leur « cocon » est un facteur aggravant de la sédentarité.

- enfin, s'ajoute un accès aux droits défaillant, un manque de communication et d'information sur les offres et aides existantes, freinant l'accès de nombreuses familles aux dispositifs actuels pour le départ en vacances.

Ainsi, le recul du départ en vacances sur la dernière décennie est surtout le symptôme de graves inégalités d'accès. Le départ en vacances est une promesse de découverte et d'épanouissement, une promesse que nous devons sans cesse renouveler.

Héritage des Jeux : engager la pratique du sport

Aujourd'hui, nos modes de vie sont de plus en plus sédentaires. Selon lOrganisation mondiale de la santé5(*) plus de 80 % des adolescents scolarisés ne respectent pas la recommandation de faire au moins une heure d'activité physique par jour. La sédentarité peut se définir comme « une situation d'éveil caractérisée par une dépense énergétique inférieure ou égale à la dépense de repos en position assise, inclinée ou allongée »6(*). La sédentarité est une problématique croissante, et qui touche tout particulièrement les jeunes générations. Une enquête de lONAPS et de lANESTAPS - Association nationale des étudiants en sciences des techniques de lactivité physique et sportive - réalisée en 2022 estime que le temps passé couché ou assis, notamment à l'école et devant les écrans de loisirs, représente 75 % de la journée pour des adolescents de 14-15 ans. Cette situation a naturellement été aggravée par la crise du covid-19 et les confinements à répétition.

Le sport est une solution face à la sédentarité croissante et pour agir sur la santé mentale des jeunes. La France a vécu pendant deux mois au rythme de la compétition sportive avec les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Cette étincelle sportive, si belle soit-elle, ne doit pas cacher les errances de la pratique du sport dans notre pays. Sans politique volontariste, les personnes les plus éloignées de la pratique sportive le resteront.

La pratique du sport est profondément ancrée dans notre culture. Environ deux tiers des Français pratiquent une activité physique de manière régulière ou occasionnelle. Cependant, la pratique du sport en France est également marquée par des disparités. Les niveaux de pratique varient en fonction de l'âge, du sexe, et surtout de la classe sociale. Selon l'INJEP7(*), le rapport au sport des adolescents est très lié au rapport au sport et au milieu social des parents : 88 % des adolescents font du sport régulièrement quand au moins un des parents est diplômé de lenseignement supérieur, contre 75 % quand les deux parents nont aucun diplôme. Les personnes issues de milieux défavorisés ont souvent moins accès aux infrastructures sportives et à des activités diversifiées, ce qui limite leurs possibilités de pratiquer certaines disciplines.

Les vacances sportives : une route qui reste encore à écrire.

Permettre à la jeunesse de s'engager, c'est lui donner toutes les clés d'appréciation et de compréhension du monde. Aujourd'hui, avec cette proposition de loi, nous faisons le choix de tracer une nouvelle route : celle des vacances sportives. La promesse est simple : concilier un meilleur accès à la fois au départ en vacances et en même temps à la pratique du sport, pour favoriser l'engagement et le développement des jeunes.

Le temps libre est un idéal qui ne forme pas seulement la jeunesse mais qui peut également la soigner. Les vacances sont des expériences qui élargissent l'horizon, nourrissent les espoirs et lèvent les doutes. Nous voulons favoriser ces départs, pour permettre à des milliers de jeunes de sortir de leur quotidien, de leur donner le droit au plein air, à la nature, à la découverte de nouveaux sports et de se reconnecter à des valeurs essentielles : la solidarité, le partage, l'entraide et la tolérance.

Les vacances sportives sont bien plus qu'un simple moment de sport ou de loisir ; elles constituent une véritable opportunité d'émancipation et d'épanouissement pour les jeunes, leur permettant de vivre en collectivité, et leur offrant des expériences uniques. Aussi, c'est l'occasion de découvrir de nouvelles disciplines habituellement inaccessibles comme le ski, la via ferrata ou le surf, de faire naître des vocations et d'appréhender d'autres engagements comme le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateurs (BAFA) ou le brevet de surveillant de baignade.

Cette proposition de loi se présente aussi comme une alternative crédible, émancipatrice et politique au Service National Universel - SNU - porté par les précédents gouvernements. Les séjours collectifs sont des espaces fantastiques d'émancipation individuelle, dapprentissage de la vie collective et de mixité sociale. Nous souhaitons nous reposer sur les acteurs du quotidien qui animent des groupes d'enfants aux parcours et aux trajectoires diverses. Nous avons confiance en leur expérience et leurs savoirs pour promouvoir et démocratiser le faire ensemble.

Nous proposons dans l'article 1 une aide « ma colo sportive » visant à permettre le départ en séjour collectif, hors période scolaire, de chaque mineur entre 15 et 17 ans dont la famille en fait la demande. Cette aide est versée sous conditions de ressources et est centrée sur les séjours proposant de la pratique sportive et l'apprentissage de nouvelles disciplines sportives. Cette aide permet de concrétiser dans la loi les objectifs à la fois de démocratisation de l'accès aux vacances et de promotion de la pratique sportive.

Dans cet article, nous proposons également un fonds de soutien à laccueil des personnes en situation de handicap dans les accueils collectifs de mineurs, tels que définis à larticle L. 277-4 du code de laction sociale et des familles. Le succès cette année du film « Un petit truc en plus », qui retrace le parcours de jeunes en situation de handicap en colonies de vacances, n'est pas anodin. L'écho de ce film dans la société française souligne le besoin de solidarité, de joie et d'aventure humaine. Il met également en lumière des métiers et des structures bien trop souvent oubliées. Ce fonds doit permettre une meilleure prise en charge des mineurs en situation de handicap dans les séjours collectifs sportifs.

Enfin, il est proposé de mettre en place une campagne annuelle d'information et de sensibilisation sur les bienfaits des départs en vacances sportives pour les mineurs, afin de lutter contre les préjugés sur les séjours collectifs et de renforcer la confiance des familles envers cette forme de départ en vacances.

L'article 2 de la présente proposition de la loi vise à mettre en place un guichet unique centralisant l'ensemble des informations relatives aux offres et aux aides existantes pour faciliter les départs en vacances. Cet article permet de répondre à la problématique de l'accès aux droits des familles. Le guichet unique est réclamé par l'ensemble des acteurs des séjours collectifs et colonies de vacances.

L'article 3 vise à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

* 1 https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000033975712

* 2 Jean Jaurès

* 3 https://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i1236.asp

* 4 https://www.ovlej.fr/barometre2023/

* 5 https://www.who.int/fr/news/item/22-11-2019-new-who-led-study-says-majority-of-adolescents-worldwide-are-not-sufficiently-physically-active-putting-their-current-and-future-health-at-risk

* 6 Citation de Mark Stephen Tremblay dans Bougeons ! Manifeste pour des modes de vie moins sédentaires, Régis Juanico, 2024.

* 7 https://injep.fr/tableau_bord/les-chiffres-cles-du-sport-2023-pratiques-sportives-selon-lage/

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